Les champs électromagnétiques des lignes à haute tension sont-ils dangereux pour la santé?
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Publié le 27-11-2020 à 10h02
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S’il semble aujourd’hui encore difficile d’établir des liens directs, précis et incontestables entre exposition aux champs électromagnétiques et développement ou aggravation de certaines pathologies, une chose reste certaine, il est impossible d’affirmer l’absence totale d’effets, a fortiori à long terme. "Personne n’affirme pour l’instant que les radiofréquences ne sont pas cancérogènes mais on dit que, à l’heure actuelle, il n’y a pas de preuves tangibles, mais plutôt des arguments à l’encontre d’un effet cancérogène", nous avait déclaré le Pr Luc Verschaeve, de l’Institut de santé publique.
Des avis divergents
En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a en effet classé les champs électromagnétiques de radiofréquences comme "possiblement cancérogènes pour l’homme", ce qui signifie que nous n’avons pas la preuve que celles-ci peuvent provoquer des cancers mais que nous ne pouvons pas non plus affirmer qu’elles n’en sont pas capables. Malgré les nombreuses études réalisées depuis le début des années 1990, les réponses ne sont pas tranchées. Les avis continuent de diverger selon les sources.
En 2015, le Comité scientifique des risques émergents et nouveaux de la Commission européenne a conclu dans un rapport sur l’effet potentiel de l’exposition aux champs électromagnétiques qu’"aucun effet néfaste sur la santé n’est établi si l’exposition reste inférieure aux niveaux recommandés par la législation européenne".
Pour le Dr Dominique Belpomme, professeur de cancérologie à l’Université Paris-Descartes (Paris V), par exemple, "on peut affirmer sans risque de se tromper que la maladie d’Alzheimer est bien liée aux champs électromagnétiques" !
Pour lui encore, "c’est une folie de construire une maison ou un lieu public à proximité d’une ligne à haute tension ou d’une antenne relais, ou de généraliser le wi-fi partout. Étant donné que les personnes EHS (NdlR : souffrant d’hypersensibilité électromagnétique) ne peuvent pas y accéder, c’est même devenu un acte antidémocratique. La généralisation du wi-fi dans les lieux publics risque d’accroître le nombre de sujets EHS".
En revanche, si l’on interroge le Dr Jacques Vanderstraeten, docteur en sciences de la santé publique, collaborateur scientifique de l’École de santé publique de l’ULB et membre du Conseil supérieur de la santé (CSS), c’est un tout autre avis qui nous est donné. S’il est exact de dire qu’à la fréquence utilisée par le réseau domestique des courants électriques peuvent être induits dans les organismes vivants, l’impact potentiel de ceux-ci sur le corps humain est "négligeable". Pourquoi ? "Parce qu’ils ont une intensité nettement moindre que ceux générés par notre propre ‘bruit de fond’ électrique, par exemple le système neurologique, nous dit-il, même à proximité d’une ligne à haute tension."
Un risque de leucémies infantiles
Si les études portant sur un lien entre les champs émis par les GSM et un risque accru de certains cancers ou tumeurs du cerveau ne concordent pas, "le risque de leucémies infantiles est doublé pour une exposition moyennée dans le temps supérieure ou égale à 0,4 microtesla (ex : à moins de 50 m d’une ligne à très haute tension)". Mais "attention, précise le médecin belge, cette association n’est pas considérée comme causale à ce jour car elle n’a pas pu être confirmée par l’expérimentation animale et cellulaire. Elle reste non explicable. Il n’y a en effet toujours pas de mécanisme découvert. C’est pour cela que l’Agence internationale de la recherche sur le cancer (Iarc) les a classés en 2b (cancérigènes possibles) et pas en 2a (cancérigènes probables)".
Pour ce qui est de la maladie d’Alzheimer, "il existe quelques observations dans ce sens, admet-il, mais pas franchement concluantes". Quant aux risques d’infertilité ou de problèmes liés à la grossesse, "cela n’a été que peu, voire pas, étudié", selon le Dr Vanderstraeten, qui souligne qu’en revanche "on décrit une augmentation de certaines maladies neurodégénératives, dont la maladie de Charcot, chez les travailleurs qui ont été le plus exposés aux champs électromagnétiques de par leur poste de travail". Enfin, concernant le délicat sujet des personnes hypersensibles aux ondes électromagnétiques, "il n’existe à ce jour pas de preuve scientifique. Les études de perception et de provocation sont généralement négatives".
Que sont les champs électromagnétiques?
Un champ électromagnétique créé par des lignes à haute tension est la combinaison de deux composants : le champ magnétique et le champ électrique. " Lorsqu’il y a du courant qui circule dans un conducteur, du courant qui passe dans un fil, vous allez observer autour du fil un champ magnétique, détaille le Pr Emmanuel De Jaeger (UCLouvain). Le courant génère quelque chose de similaire à ce qu’un aimant génère. Des matériaux qui sont sensibles au champ magnétique vont être perturbés par ce champ, par exemple de la limaille de fer. "
Si le champ magnétique est lié au courant, le champ électrique est, lui, associé au fait que les conducteurs (en gros, les fils) sont dotés d’une tension électrique (exprimée en volts) importante entre ces conducteurs. La tension est la différence de potentiel entre deux conducteurs dotés d’une charge électrique différente, ce qui permet le passage du courant. "O n peut parfois percevoir des picotements à proximité d’une ligne à haute tension, à cause du champ électrique. Mais cet effet électrostatique n’est absolument pas dangereux. Les champs magnétiques, eux, on ne les perçoit pas."
Ceux-ci interagissent néanmoins avec les courants ; or, dans le système nerveux humain, il y a des impulsions électriques. Ce qui explique les inquiétudes. Cependant, outre qu’ils varient avec l’intensité du courant, les champs magnétiques "décroissent très très rapidement avec la distance. Juste sous la ligne à haute tension, vous allez avoir des champs de l’ordre de 2 à 4 microteslas. À plus de 50 m de la ligne, vous êtes largement sous le demi-microtesla. On cite toujours 0,4 microtesla comme valeur maximale tolérable dans la durée, tenant compte du principe de précaution." À noter que la fréquence de ces champs électromagnétiques est basse (50 hertz), contre de l’ordre du milliard de hertz pour les ondes GSM, ce qui est une différence majeure. Il est en effet prouvé que, lorsque la fréquence augmente, l’effet des champs électriques et magnétiques sur les organismes vivants est plus sensible.