Quelle est la durée de vie des anticorps contre le Covid-19? Est-elle identique chez tout le monde? Les réponses de l'UZ Brussel
Combien de temps dure l'immunité au nouveau coronavirus après infection ? Pr. Pierre Coulie nous éclaire sur la durée de vie des anticorps contre la Covid-19.
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Publié le 31-12-2020 à 08h02
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Pendant combien de temps les patients ayant fait la Covid-19 sont-ils par la suite protégés? Ou, plus exactement, quelle est la durée de vie des anticorps contre la Covid-19? A cette première question, le Pr Pierre Coulie, professeur d'immunologie à l'UCLouvain, Institut de Duve nous avait tout récemment répondu: "C’est difficile à dire, car nous n’avons pas encore assez de recul. Il y a à peine un an que ce virus circule, c’est très peu. Une protection pendant 3 à 6 mois semble presque certaine. Probablement plus, on verra".
On verra... C'est précisément ce qu'est en train d'essayer de voir l'UZ Brussel qui mène une étude en plusieurs phases à ce sujet. Elle vient de communiquer ce jeudi, les résultats de la troisième phase. Il en ressort que le nombre de personnes présentant des anticorps contre la Covid-19 a diminué de moitié cinq mois après la première phase de l’étude COVEMUZ, à laquelle ont participé 2662 collaborateurs de l’hôpital sur un total de 3800.
Le contexte de l'étude
Pour replacer cette étude dans son contexte, rappelons que l’UZ Brussel mène une étude scientifique prospective à grande échelle qui mesure auprès de ses collaborateurs la présence et le développement des anticorps contre le virus SARS-CoV-2 dans leur sang. Les trois premières phases sont aujourd’hui terminées : la première et la deuxième se sont déroulées du 18 mai au 12 juin et du 13 juillet au 7 août. La troisième phase s’est quant à elle tenue du 5 au 30 octobre, cinq mois après la première.
Au total, 2662 membres du personnel ont pris part à l’étude, dont 75 % de femmes et 25 % d’hommes. 21 % des participants ont moins de 30 ans, 48 % ont entre 30 et 50 ans et 32 % ont plus de 50 ans. Tous les profils hospitaliers, aussi bien médicaux et paramédicaux que non médicaux, sont concernés. Seuls les participants à la phase 1 ont pu participer aux phases 2 et 3. La grande majorité d’entre eux sont en effet revenus pour une deuxième (92,6 %) et une troisième (87,8 %) prise de sang.
La durée de vie des anticorps contre la Covid-19 varie-t-elle d’une personne à l’autre?
D'autres enseignements fort intéressants peuvent être tirés de cette étude. Ainsi le fait que la durée de vie des anticorps contre la Covid-19 varie d'une personne à l'autre. Sur les 2662 participants, 7,4 % ont été testés positifs aux anticorps contre la Covid-19 en phase 1, 6,8 % en phase 2 et 5,5 % en phase 3, soit un pourcentage à peine plus élevé que celui de la population générale, ressort-il des conclusions des travaux de l'UZBrussel.
Sur les 2152 participants qui ont pris part à la phase 1 et à la phase 3 et qui n’avaient pas d’anticorps à la phase 1, seuls 37 (1,7 %) ont été testés positifs à la phase 3. Sur les 185 participants qui avaient des anticorps à la phase 1, seuls 49,7 % en avaient encore à la phase 3!
Ce qui fait dire au Pr Sabine Allard, chef de clinique au service de Médecine interne que "les résultats de cette étude montrent que certaines personnes maintiennent leurs anticorps plus longtemps que d’autres. À ce stade, nous n’en connaissons pas la raison exacte. Une explication pourrait venir de la gravité des symptômes de la Covid-19 au moment de l’infection, mais ce point doit encore être étudié. Ils prouvent l’importance de continuer à respecter toutes les mesures de protection même après une contamination par la maladie".
A propos de la sévérité des symptômes et du lien avec la production d'anticorps, le Pr Pierre Coulie nous avait pour sa part répondu que "jusqu’ici, ceux qui ont été vraiment malades ont généralement plus d’anticorps que ceux qui ont eu une infection sans symptômes. Mais il est trop tôt pour savoir si ceux qui ont été très gravement malades seront ensuite mieux protégés que les autres. Tous les virus résistent, un peu ou beaucoup, à nos mécanismes de défense. Ceux qui n’auraient pas acquis ces résistances seraient éliminés par notre immunité, très efficace. Pour SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19, nous ne sommes qu’au début de notre compréhension de ses mécanismes de résistance".
Un test positif implique-t-il nécessairement la présence d’anticorps?
Des conclusions de la troisième phase de l'étude de l'UZ Brussel, il ressort encore que, parmi les participants qui ont répondu par l’affirmative à la question de savoir s’ils avaient été testés positifs à un frottis de dépistage de la Covid-19 entre février 2020 et le jour de la prise de sang à la phase 1, 10,2 % n’avaient pas d’anticorps.Entre la phase 2 et la phase 3, 24,2 % n’avaient pas d’anticorps, soit environ une personne sur quatre.
"L’étude doit encore vérifier la possibilité que les personnes qui n’avaient pas produit d’anticorps, l’aient fait à un stade ultérieur ou aient développé une "autre" réponse immunitaire contre la Covid-19, commente à ce sujet le Pr Allard Car les anticorps ne sont pas le seul aspect qui conditionne la vigueur d’un système immunitaire. Les globules blancs notamment combattent les agents pathogènes qui pénètrent dans le corps".
Et de fait, quant à comprendre pourquoi certaines personnes développaient peu voire pas d'anticorps après avoir été infectés par le virus SARS-Cov-2, le professeur en immunologie de l'UCLouvain, Pierre Coulie, nous avait expliqué que "s'il existe en effet des personnes chez lesquelles, après la maladie, on ne détecte pas d’anticorps, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles n’en aient pas du tout. Elles ont cependant d’autres signes d’immunisation, comme la présence d’autres globules blancs spécifiques du virus, en l’occurrence des lymphocytes T qui ne sont pas ceux qui font les anticorps mais ceux qui aident à les produire. On retrouve donc chez certains de ces patients des lymphocytes T contre SARS-CoV-2 malgré le fait que l’on n’arrive pas à détecter d’anticorps. Cela signifie qu’ils ont bien répondu, mais que leur réponse anticorps a été soit très brève soit très faible en quantité."