Que se passerait-il si un variant du coronavirus résistait aux vaccins actuels ?
Plusieurs cas du variant sud-africain ont été détectés au sein de la population belge. A quel niveau les vaccins restent-ils efficaces ? Et qu'arriverait-il si un nouveau variant résistait aux vaccins ? Réponses avec Yves Van Laethem, virologue et porte-parole interfédéral.
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Publié le 25-01-2021 à 12h42 - Mis à jour le 29-01-2021 à 15h29
On a découvert le variant britannique du coronavirus, puis le sud-africain, le brésilien et peut-être bientôt d'autres. Dans la revue scientifique Science, le vaccinologue Philip Krause, du groupe de travail de l'Organisation Mondiale de la Santé sur la vaccination au coronavirus, écrit que "l'évolution rapide de ces variants suggère qu'il est possible que le virus se transforme en une forme résistante aux vaccins" et que "cela se produira peut-être plus tôt que nous ne le souhaiterions."
Mais, ce lundi, Moderna a annoncé que son vaccin restait efficace contre ces mutations. Avant cela, Pfizer signalait que son vaccin convenait au variant britannique mais ne se prononçait pas encore sur le sud-africain. Quel est l'état de la connaissance aujourd'hui ? Réponses avec Yves Van Laethem, virologue et porte-parole interfédéral dans la lutte contre le Covid-19, qui appelle à rester prudent. Interview.
Les variants pourraient-ils diminuer l'efficacité des vaccins ?
Chaque variant a son propre cocktail de modifications. Si un variant persiste, c'est que ses modifications sont avantageuses. C'est la loi de la nature. Lorsqu'un variant a une capacité supérieure à se transmettre, il supplante les autres moins transmissibles. Ces derniers existent toujours, mais ils survivent plus difficilement. En plus de la transmissibilité, ces variants peuvent acquérir d'autres capacités. Ils peuvent, éventuellement, induire plus de mécanismes pathogènes, c'est-à-dire être plus virulents. Jusqu'à présent, on disait que ce n'était pas le cas des variants actuels. On a maintenant un petit doute pour le variant anglais chez les personnes de plus de 60 ans, sans certitude encore.
Automatiquement, la question de la résistance au vaccin vient ensuite à l'esprit. Les anticorps induits par la vaccination vont-ils bloquer correctement les variants ? On a pu démontrer que c'était le cas pour le variant anglais. Il faut maintenant vérifier comment réagissent ces anticorps face à ce variant sud-africain. Il pourrait - et j'insiste sur le conditionnel - induire une diminution de l'activité du vaccin, sans anéantir pour autant son efficacité. Un vaccin qui fonctionne à 95% pourrait devenir efficace à 70%, par exemple. Pour le moment, les anticorps induits par la vaccination semblent assez pléomorphes ("polyvalents"). C'est un bon espoir.
(Note de la rédaction : après la réalisation de cette interview, Moderna a communiqué que son vaccin protège également bien contre les nouvelles mutations. La société pharmaceutique américaine n'a cependant pas précisé de pourcentage d'efficacité, et elle a signalé que les anticorps générés par le vaccin étaient plus difficiles à détecter sur le variant sud-africain.)
S'il s'avère que le vaccin actuel est moins efficace, faut-il continuer à l'administrer ?
Sauf si on démontre que le vaccin n'est plus efficace qu'à 10 ou 20%, on continuerait évidemment à vacciner. Avec 50% d'efficacité ou plus, on continue à vacciner en attendant que les firmes pharmaceutiques relancent la production d'un nouveau vaccin.
S'agirait-il d'un nouveau vaccin qui s'inspirerait de l'actuel ?
Evidemment. C'est comme si une entreprise de voiture souhaitait changer le moteur d'un certain modèle. Ce n'est pas compliqué, il suffit d'aménager un peu sous le capot, mais il faut ensuite lancer la production. C'est assez simple. Si un nouveau vaccin s'avère nécessaire, on ne devrait pas attendre pendant un an.
Avez-vous une idée du délai nécessaire ?
Les capacités de production sont importantes mais je ne sais pas à quelle vitesse la production d'un nouveau vaccin est possible, peut-être quelques mois. Cela donnerait donc un nouvel avantage au virus. Le nôtre, c'est qu'on approche du printemps, une saison plus favorable qui nous donnerait un peu de répit si une nouvelle production s'avère nécessaire.
Les Belges doivent-ils s'attendre à d'autres variants ?
Oui, les variants peuvent aussi naître sous la pression du vaccin. De manière très simplifiée, le vaccin est au virus ce que l'antibiotique est à la bactérie. Lorsque ces dernières sont soumises à des antibiotiques, elles peuvent acquérir de nouvelles capacités et prendre le dessus. Les mutants du coronavirus peuvent naître spontanément face à l'adversité des vaccins.
C'est une des raisons pour lesquelles tout le monde n'était pas d'accord à propos des stratégies de vaccination. Certains, comme les Britanniques, donnent une dose au plus grand nombre, avant la deuxième dose trois mois plus tard. La logique de protéger un maximum de personnes au plus vite est compréhensible. Mais cette même technique peut créer un laps de temps qui permettrait au virus de s'habituer à l'immunité et de muter. Il est donc possible de voir apparaître de nouveaux variants à moyen terme. Les mutants que l'on connait actuellement ne sont cependant pas apparus de cette manière, étant donné qu'il n'y avait pas encore le vaccin.