Isoler les personnes âgées pour éviter un confinement général : ces experts français plaident pour une nouvelle approche
Depuis plusieurs semaines, des scientifiques plaident pour une approche basée sur un "contrat social" entre les générations.
Publié le 19-02-2021 à 09h56 - Mis à jour le 19-02-2021 à 10h20
:focal(1275x858:1285x848)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/RNSJ5TGMW5HLHKO5VH5QXRLFQA.jpg)
Dans une opinion publiée par la revue scientifique "The Lancet Public Health" , plusieurs membres du Conseil scientifique expriment leurs réticences face à la possibilité de nouveaux confinements. Selon eux, il faut maintenant opter pour une nouvelle approche. Face au Covid-19 qui ne disparaît pas, ils proposent la mise en place d'un "contrat social clair et transparent" entre les générations où les personnes plus âgées ou plus fragiles accepteraient de s'auto-isoler.
" La prédominance de l'immunité collective présentée comme une solution à la pandémie pourrait être sur le point de changer ", écrivent ces cinq membres du Conseil scientifique français, dont le président, Pr Jean-François Delfraissy. En cause : l'apparition progressive de l'échappement immunitaire, dû aux mutations du virus, mais aussi aux interactions avec le système immunitaire. La lutte contre cet échappement immunitaire va, selon eux, nécessiter " une réévaluation des stratégies de santé publique et la création d'un nouveau contrat social fondé sur des preuves ".
"La fin tant attendue de cette crise sanitaire mondiale pourrait être continuellement reportée à mesure que de nouvelles variantes apparaissent et que l'évasion immunitaire réduit l'efficacité de la vaccination à court et moyen terme", écrivent-ils. " Il est donc temps d'abandonner les approches fondées sur la peur, basées sur un confinement généralisé, en apparence aléatoire, comme principale réponse à la pandémie ; des approches qui exigent des citoyens qu'ils attendent patiemment que les unités de soins intensifs soient renforcées, que la vaccination complète soit réalisée et que l'immunité collective soit atteinte."
Une nouvelle approche
Fort de ce constat, les scientifiques proposent de changer radicalement l'approche. Selon eux, "il est essentiel que la nouvelle approche soit fondée sur un contrat social clair et transparent, ancré dans les données disponibles et appliqué avec précision à l'ensemble des générations visées" .
"Dans le cadre de ce contrat social, les jeunes générations pourraient accepter la contrainte de mesures de prévention (par exemple, masques, éloignement physique) à condition que les groupes plus âgés et plus vulnérables adoptent non seulement ces mesures, mais aussi des mesures plus spécifiques (par exemple, auto-isolement volontaire selon des critères de vulnérabilité) pour réduire leur risque d'infection ", proposent les cinq scientifiques.
"Les mesures visant à encourager l'adhésion des groupes vulnérables à des mesures spécifiques doivent être promues de manière cohérente et appliquées de manière équitable, détaillent-ils. La mise en œuvre d'une telle approche doit se faire de manière sensible et en conjonction avec le déploiement de la vaccination auprès des différentes cibles de la population, y compris toutes les générations de la société".
Confinement en dernier recours
Les scientifiques plaident pour que le confinement ne soit plus qu'une solution utilisée en "dernier recours", "même si c'est attractif pour de nombreux scientifiques et considéré comme une mesure par défaut par les dirigeants politiques". "Son usage doit être réévalué afin qu’il ne soit plus mis en œuvre qu’en dernier recours", insistent-ils.
"Jusqu’à présent, les populations ont eu une attitude relativement coopérative, mais leurs doutes et leur méfiance sont visibles dans les mouvements de protestation observés dans plusieurs pays" , relèvent-ils en pointant les conséquences " dévastatrices" du confinement, tant du point de vue social que sanitaire. Ils rappellent également le coût économique de cette pandémie, dont l'impact sur la dette et le taux de chômage sont encore à craindre.
Créé en mars 2020, le Conseil scientifique conseille le gouvernement et le guide dans ses choix face à la pandémie de coronavirus. Composé de scientifiques compétents dans plusieurs domaines, les avis rendus ne doivent pas obligatoirement être adoptés par le gouvernement français. Les recommandations sont disponibles sur le site du Ministère de la Santé . Dans certains avis précédents, le Conseil scientifique avait déjà employé ce type d'argument.