Maintenir les deux doses de vaccin pour tous ? "Je respecte la décision mais je la regrette"
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/1ceeccb3-2097-46f3-8d46-df0c56746447.png)
Publié le 19-02-2021 à 19h06 - Mis à jour le 19-02-2021 à 19h47
:focal(1275x645:1285x635)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/PGYORKQYSZGMPBHATXZ2SVMENI.jpg)
N'administrer qu'une seule dose de vaccin pour les personnes ayant déjà été infectées par le Covid, histoire d'économiser les produits qui arrivent au compte-gouttes? Ou ne pas s'écarter du schéma des deux injections initialement prévues par les laboratoires pharmaceutiques qui ont mis au point les vaccins? Telle était la question qui a fait débat au sein des experts belges du Conseil supérieur de la santé (CSS) et de la Task force vaccination alors que la France recommande une seule dose pour les personnes ayant contracté le Covid-19 au préalable.
Sur recommandation du CSS, la Task force vaccination a tranché. Il a été décidé de conserver la vaccination contre le Covid-19 en deux doses, même pour les personnes qui avaient déjà été infectées. C'est en effet ce qu'a annoncé, vendredi, le Dr Yves Van Laethem, infectiologue et porte-parole interfédéral, lors du point presse de l'Institut de santé publique Sciensano et du Centre de crise.
S'il reconnaît que "les données actuelles montrent qu'une personne qui a contracté le Covid-19 et qui reçoit un vaccin à ARN messager voit son taux d'anticorps augmenter de manière importante contre les souches originelles du virus" et que "ce taux est égal ou même supérieur à celui produit par deux doses du vaccin chez quelqu'un qui n'aurait pas fait l'infection, le Dr Van Laethem estime cependant que "nous disposons par contre de très peu de données pour montrer l'efficacité de cette immunité contre les nouveaux variants". Or, tout laisse à penser que leur présence va augmenter. C'est pourquoi "il semble plus sûr de garder la vaccination en deux doses, quels que soient les antécédents de la personne."
Autre argument qui plaide en faveur des deux doses, pour le porte-parole interfédéral : "faire la distinction serait très difficile à appliquer dans le cadre d'une vaccination de masse". Par ailleurs, ajoute-t-il, "seuls 15 à 20% des personnes en Belgique ont présenté une infection. Il ne s'agirait donc pas d'un gain énorme de vaccins qu'on pourrait administrer en plus".
Ce qui justifie d'adapter la stratégie
Tout le monde ne partage cependant pas cet avis. Ainsi, interrogé par La Libre sur ce sujet, le 15 février dernier, le Pr Michel Goldman, professeur d’immunologie à l'ULB, s'était dit favorable à la stratégie consistant à n'administrer qu'une seule dose chez les personnes avec antécédent de Covid-19.
Avant tout, nous a-t-il fait savoir suite à la décision de ce jour, "même si je le regrette, je respecte l’avis de la Task force vaccination. Elle fait suite à une recommandation du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) consécutive à une réunion à laquelle les membres avaient d'ailleurs eu la courtoisie de m’inviter".
Pour autant, le spécialiste campe sur sa position. Pour lui, "l’adaptation de la stratégie de vaccination pour les personnes ayant été préalablement infectées paraît justifiée par divers éléments".
Premièrement, il y a la décision de l’autorité britannique du 30 décembre 2020 ( Joint committee on vaccination and immunisation) d’autoriser dans tous les cas l’administration de la deuxième dose du vaccin Pfizer/BioNTech jusqu’à 12 semaines après la première dose. " Cette décision est soutenue par les "Chief Medical Officers" d’Angleterre, Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord qui ont affirmé conjointement que cela protégerait le plus grand nombre de personnes à risque dans l'ensemble dans les plus brefs délais et aura le plus grand impact sur la réduction de la mortalité, des maladies graves et des hospitalisations", rappelle l'immunologiste. Deuxièmement, il fait référence à la recommandation de la Haute Autorité de Santé en France du 11 Février 2021 selon laquelle " les personnes qui ont un antécédent de Covid-19 documenté, à l’exception des personnes présentant une immunodépression avérée, devraient être vaccinées avec une seule dose de vaccin administrée entre 3 et 6 mois suivant l’infection, car elles sont considérées comme protégées durant cette période".
Troisièmement, et alors qu'aucune publication n’a conduit à remettre en cause ces avis, selon Michel Goldman, la dernière publication sur le sujet dans le New England Journal of Medicine daté du 17 février 2021, une lettre signée par des membres d’Autorités de Santé du Canada, conclut que " compte tenu de la pénurie actuelle de vaccins, le report de la deuxième dose est une question de sécurité nationale qui, s'il est ignoré, entraînera certainement des milliers d'hospitalisations et de décès liés au Covid-19, des hospitalisations et des décès qui auraient été évités avec une première dose de vaccin".
Quant au manque de connaissance en ce qui concerne l'efficacité des vaccins vis-à-vis des nouveaux variants, tel que mentionné par la Task force vaccination, "les informations disponibles sur l’efficacité des vaccins à ARN messager et du vaccin à vecteur viral de Janssen indiquent que s’ils sont moins efficaces sur le variant sud-africain, ils restent cependant capables d’induire une réponse anti-virale, sans doute suffisante pour prévenir la plupart des formes graves, ce qui est l’objectif essentiel. Mais plus on retarde la vaccination, plus ce niveau de la protection risque de diminuer", argumente le Pr Goldman.