Le doyen de la Faculté de pharmacie de l'UCL sur les effets secondaires du vaccin AstraZeneca: "Chaque année, des gens meurent des effets secondaires d’un médicament"
Doyen de la Faculté de pharmacie de l’UCLouvain, Emmanuel Hermans commente les effets secondaires liés aux vaccins AstraZeneca.
- Publié le 12-04-2021 à 11h00
- Mis à jour le 12-04-2021 à 12h53
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Depuis plusieurs semaines, le vaccin proposé par AstraZeneca pour contrer le coronavirus défraie la chronique en raison des cas de thrombose (un peu plus de 200) parfois mortelle rapportés sur les quelque 34 millions de doses injectées. Aujourd’hui, c’est le vaccin de Johnson&Johnson qui inquiète, lui aussi suspecté de générer des cas de thromboses.
Si le risque de subir des effets secondaires graves est désormais avéré dans le cadre d’AstraZeneca, le doyen de la faculté de pharmacie de l’UCLouvain entend toutefois relativiser la psychose naissante. “Chaque année, on déplore des effets secondaires graves et mêmes des décès suite la prise de paracétamol, qui est pourtant l’un des médicaments les plus consommés chez nous, explique Emmanuel Hermans. Chaque année en Europe, on recense plusieurs greffes de foie en réponse à une intoxication hépatique au paracétamol. Sans ces greffes, des centaines de personnes décéderaient pour avoir pris du paracétamol.”
Le bashing envers le vaccin AstraZeneca serait exagéré ?
“Disons qu’on déplore chaque année des effets secondaires graves liés à des médicaments parfois très communs et qu’on n’émet pas plus de réserves à leur égard. Chaque décès est bien évidemment un décès de trop mais il faut les relativiser par rapport aux millions de vies sauvées grâce à ces médicaments. Dans le cadre d’AstraZeneca, les cas de thrombose sont extrêmement peu nombreux au vu du nombre de personnes vaccinées.”
Il y a des effets secondaires pour tous les médicaments ?
“Effectivement. Aucun médicament n’est dépourvu d’effets secondaires. La question est de savoir pourquoi l’autorité responsable (NdlR : l’agence du médicament) décide d’autoriser certains médicaments et d’autres pas. On évalue simplement la balance bénéfice/risque. Si un médicament qui soigne la douleur peut entraîner aussi une perte de cheveux ou de gros problèmes sanguins par exemple, il ne sera probablement pas autorisé. Par contre, si ces effets sont observés pour un médicament qui permet de traiter le cancer ou le sida, la balance bénéfice/risque pourra pencher en sa faveur. C’est le rôle de l’Agence européenne (EMA) ou fédérale (AFMPS) du médicament de statuer sur cette balance. Prenons l’exemple de l’avion. Il y a plus de risque de perdre la vie d’un accident d’avion que dans un accident de train. Mais les gens continuent à prendre l’avion car ils savent qu’ils rejoindront leur destination plus rapidement. Dans l’esprit de nombreuses personnes, la balance bénéfice/risque penchera en faveur de l’avion. Pour le vaccin, c’est pareil. Il y a des risques – très faibles ! – et la balance penche en sa faveur.”
Tous les médicaments comportent donc des risques ?
“Tous. Je suis catégorique. Pas un n’échappe à la règle.”
Comment dès lors expliquer cette psychose envers le vaccin d’AstraZeneca ?
“C’est paradoxal : on a attendu le vaccin pendant des mois et, maintenant qu’on l’a, on s’en inquiète. La population a été mal informée et on observe aujourd’hui un rejet du vaccin. Dans la vie de tous les jours, les gens prennent pourtant des risques consciemment. Mais c’’est leur choix. Les fumeurs savent par exemple que fumer augmente le risque de développer un cancer des poumons, mais ils continuent quand même à fumer. C’est leur choix, il n’est pas imposé. Avec le coronavirus, certains ont sans doute le sentiment qu’on leur impose tel ou tel vaccin. Ce qui peut créer une frustration.”
L’autre désavantage du vaccin d’AstraZeneca, c’est qu’on ne connaît pas encore les raisons des cas de thromboses…
“Effectivement. On n’a pas encore identifié les facteurs prédisposants au risque de développer une thrombose. On ne sait pas qui sera touché. Le seul élément est que statistiquement, les cas étaient exceptionnels chez les patients de plus de 55 ans. Et c’est pour cela qu’on continue à utiliser ce vaccin cez les patients de plus de 56 ans et qu’on ne le recommande plus pour les personnes plus jeunes.”
Si on vous invitait à vous faire vacciner avec de l’AstraZeneca, le feriez-vous ?
“Sans aucune hésitation. Je foncerais, peu importe le vaccin, car les risques de développer une thrombose et encore plus d’en mourir, sont extrêmement faibles, et nettement moins importants que de mourir du coronavirus. La balance bénéfice/risque est nettement en faveur du vaccin.”
Vu qu’il y a une alternative Pfizer, est-il raisonnable de continuer avec AstraZeneca ?
“Au vu des problèmes d’approvisionnement des différents vaccins, il vaut mieux poursuivre avec l’AstraZeneca. Sans ce vaccin, les délais de vaccination seraient prolongés de plusieurs semaines. Et dans ce laps de temps, des milliers de vies seraient perdues.”