Non, les personnes vaccinées contre le Covid-19 ne sont pas des "cobayes"
Une photo diffusée sur les réseaux sociaux avance que les vaccins contre le Covid-19 sont en phase d’essais cliniques jusqu’en 2023 et que les personnes vaccinées sont “des cobayes”. Cette affirmation est trompeuse. Certains essais commencés lors des phases cliniques de développement de ces vaccins se poursuivent encore, mais ce n’est ni exceptionnel ni expérimental à grande échelle.
- Publié le 09-06-2021 à 14h54
- Mis à jour le 05-07-2021 à 20h48
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De ses yeux écarlates, le rongeur de laboratoire fixe l’objectif tandis qu’une seringue lui administre un liquide couleur rouge sang. Inscrit juste au-dessus, en lettres rouges lui aussi, le message est clair : “Ce cobaye c’est VOUS jusqu’en 2023. Le saviez-vous ?”. Relayée sur les réseaux sociaux depuis le 23 mai, cette image a notamment été partagée près de 600 fois sur ce profil Twitter aux 14 000 abonnés. Elle mentionne précisément quatre dates, faisant référence à "la fin des essais cliniques" pour quatre vaccins : Pfizer (6 avril 2023), Astra Zeneca (14 février 2023), Moderna (27 octobre 2022) et Johnson&Johnson (2 janvier 2023).

Développement “classique” d’un vaccin
La procédure de développement “classique” d’un vaccin dure entre 7 et 10 ans, et suit un protocole strict réparti en cinq phases définies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Lors des phases I, II et III, dites “cliniques”, les essais menés sur des groupes de volontaires évaluent l'innocuité, l'efficacité et la qualité du vaccin. A l’issue de la phase III, le fabricant du vaccin introduit une demande de mise sur le marché auprès de l’autorité sanitaire compétente. Pour l’Union européenne, c’est l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) qui donne le feu vert requis avant toute commercialisation du vaccin. L’Agence fédérale des médicaments et produits de santé (AFMPS) prend ensuite le relais au niveau belge.
En théorie, un vaccin n’est commercialisé que si la balance bénéfice-risque d’un vaccin est jugée positive. Balance, qui repose sur la “comparaison entre le risque associé à un vaccin (effets indésirables éventuels) et ses bénéfices attendus pour la santé des personnes vaccinées et la collectivité”, peut-on lire sur le site des autorités belges d’information à la vaccination.
L’autorisation de mise sur le marché clôture la phase III et les essais dits “cliniques”. Elle ouvre alors la phase IV au cours de laquelle de nouvelles études sont effectuées. Ces analyses de pharmacovigilance contrôlent l’efficacité et l’innocuité du vaccin tant que celui-ci est disponible sur le marché. Même lors d’une procédure classique, il est donc normal que des études soient encore menées après la mise d’un vaccin sur le marché.

La procédure de développement accélérée : le cas des vaccins contre le Covid-19
Dans le cadre du Covid-19, l’urgence liée à l’ampleur de la pandémie a toutefois conduit l’Agence Européenne des Médicaments à mettre en œuvre une procédure accélérée. Cette procédure répond elle aussi à un cadre réglementaire strict, et permet de lancer simultanément plusieurs phases.
Avant l’autorisation de mise sur le marché, l’EMA analyse les données des essais cliniques au fur et à mesure de leur disponibilité. Comme l’illustre le graphique ci-dessous, l’évaluation scientifique ne se fait plus après, mais tout au long des trois phases d’essais cliniques.


Dès que les données “préliminaires” sur la sécurité et l'efficacité des vaccins sont jugées probantes par l’EMA, elle délivre une autorisation de mise sur le marché dite conditionnelle. Loin d’être une procédure exceptionnelle, elle est même de plus en plus demandée en Europe selon l’EMA, qui a autorisé plus 40 demandes depuis l’adoption du règlement autorisant cette procédure en 2006. La majorité de ces demandes concernant des traitements contre le cancer. Pour les vaccins, celui contre la grippe H5N1 avait obtenu en 2016 une autorisation de mise sur le marché conditionnelle.
Tous les vaccins contre le Covid-19 qui sont actuellement disponibles sur le marché européen ont reçu une autorisation de mise sur le marché conditionnelle entre décembre 2020 et mars 2021. “Leur phase III était suffisamment aboutie pour recevoir cette autorisation”, insiste Olivier Christiaens, le porte-parole de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (AFMPS). Bien que “suffisamment aboutis”, certains des essais effectués en phase III ne sont toutefois pas terminés et doivent encore être finalisés par les laboratoires, dans un délai d’un à deux ans après la commercialisation, selon les vaccins. Ces nouvelles données doivent permettre de “confirmer le rapport bénéfice / risque positif” selon les termes de l’AFMPS.
Ce tableau réalisé par l'OMS compile les dizaines d’essais menés à l’heure actuelle pour les vaccins Janssen, Moderna, Pfizer et AstraZeneca.
Cela fait-il des personnes vaccinées contre le Covid-19 des “cobayes” ? Non
Pour Olivier Christiaens, porte-parole de l’Agence Fédérale des Médicaments et produits de Santé (AFMPS), les études démarrées lors des phases cliniques sur des groupes-test sont, par définition, des “essais cliniques stricto sensu”. Ils évaluent la sécurité et l'efficacité des vaccins, conditions indispensables à l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché.
La phase des essais qui se poursuit, après autorisation de mise sur le marché porte quant à elle sur “la sécurité et l’efficacité à long terme, la qualité et la durée de vie du vaccin”, explique Olivier Christiaens. “Par exemple, des effets indésirables très rares, d’une incidence de 1 pour 10 000 personnes”, ajoute le porte-parole de l’AFMPS. Données complémentaires mais indispensables à la conversion d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle en autorisation classique.

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