"La médecine fonctionnelle et nutritionnelle vise à prendre soin de soi davantage qu'à se soigner"
Basée sur l’alimentation et une prise en charge hormonale, la médecin fonctionnelle et nutritionnelle suscite un certain intérêt. Quelle est sa place par rapport à la médecine conventionnelle? Ses limites et dérives potentielles? Voici le point de vue du Dr Danielle Moens, médecin généraliste et responsable de la cellule Nutrition de la Société scientifique de médecine générale.
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Publié le 11-09-2021 à 15h06 - Mis à jour le 11-09-2021 à 15h08
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Pour le Dr Danielle Moens, médecin généraliste et responsable de la cellule Nutrition de la Société scientifique de médecine générale (SSMG), la médecine fonctionnelle et nutritionnelle peut être définie comme étant avant tout une médecine préventive, mais pas exclusivement. Elle peut en effet aussi s'avérer curative. "Une médecine de qualité se doit d'anticiper - dans la mesure du possible - la maladie. Ces deux volets de la médecine ne doivent pas s'affronter, mais se superposer, s'intégrer dans un projet de prise en charge globale, dit-elle. Il est clairement établi que la plupart des pathologies dégénératives que nous connaissons (diabète, obésité - y compris toutes les comorbidités liées à cette dernière -, certaines pathologies inflammatoires, neurologiques, psychosomatiques) sont étroitement liées à des déséquilibres nutritionnels et les carences qui en découlent".
A savoir quelle est la place de cette médecine nutritionnelle et fonctionnelle, préventive au sein de la médecine "conventionnelle", elle peut se résumer de la façon suivante, pour le Dr Moens: "Il y a une belle différence entre se soigner et prendre soin de soi. La médecine traditionnelle soigne alors que la médecine nutritionnelle et fonctionnelle agit en amont. Elle vise à "prendre soin de soi", avant que la pathologie ne se manifeste. C'est en tout cas de cette façon que j'envisage personnellement la médecine fonctionnelle et nutritionnelle dans notre activité de médecin généraliste".
Quant à savoir quel est l'intérêt de la médecine fonctionnelle et nutritionnelle dans sa pratique médicale, la généraliste répond sans ambages: "Notre rôle de médecin ne se limite plus actuellement à soigner les pathologies existantes. Il nous faut préserver la santé de nos patients avec tous les moyens mis à notre disposition, à condition de garder l'esprit scientifique et critique indispensable dans notre métier, et donc se référer à des études robustes".
Des dangers dans les dérives
La médecine fonctionnelle et nutritionnelle pourrait-elle représenter à ce titre un quelconque danger? "Les dangers sont dans les dérives mercantiles, l'appropriation de cette forme de médecine par des non-médecins et le manque de formation sérieuse."
Un autre aspect qui fait débat est celui de l'hormonologie. "C'est le volet le plus sensible et le plus discutable, explique le Dr Moens. Il arrive en effet que des doses importantes d'hormones ou assimilés soient prescrites. Je ne cautionne pas ces pratiques dans l'état actuel des connaissances, même s'il faut reconnaître que l'ajustement du statut hormonal à tous les âges de la vie permet une meilleure qualité de vie et une meilleure santé. Dans ce domaine d'action , il faut être extrêmement vigilant, s'orienter vers des praticiens bien formés dans ce domaine, assurant un suivi régulier, tout en mettant en garde contre d'éventuels effets secondaires. Ceux-ci peuvent être graves si le traitement hormonal prescrit ne tient pas compte de l'ensemble des antécédents personnels, génétiques du patient. Dans ce domaine d'action, les avis multidisciplinaire me semblent plus adaptés".
Des limites d’ordre financier, mais un bel avenir
Pour ce qui est des limites de cette médecine, elles sont "essentiellement d'ordre financier", d'après la généraliste, formée en médecine fonctionnelle et nutritionnelle. "Les bilans ne sont pas pris en charge par les mutuelles et certains compléments alimentaires ont un coût élevé. Ces derniers aspects ont rendu moins crédible la médecine fonctionnelle, sujette à de violentes critiques."
Pour autant, la responsable de la cellule nutrition de la SSMG est convaincue que la médecine fonctionnelle et nutritionnelle a un bel avenir. "Comme tout outil à notre disposition, il faut pouvoir s'en servir à bon escient. Tenant compte des besoins réels de son patient, de ses attentes, tout en s'appuyant sur des bases scientifique sérieuses. Le sujet est vaste et passionnant, il n'est qu'à ses débuts. Comme toute nouvelle discipline médicale, il lui faudra encore un peu de temps pour acquérir ses lettres de noblesse".