Vaccin : les dix intox les plus répandues sur les réseaux sociaux à l’épreuve de la science
Depuis le début de la pandémie, d’innombrables informations circulent en famille, entre amis et sur les réseaux sociaux. La Libre décrypte ici 10 "affirmations" particulièrement insistantes.
Publié le 20-11-2021 à 09h29 - Mis à jour le 29-11-2021 à 10h51
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Depuis le début de la pandémie, d’innombrables informations circulent en famille, entre amis et sur les réseaux sociaux. Certaines remontent régulièrement dans le courrier de nos lecteurs. Nous les suivons de près et les vérifions sans cesse. Certaines se révèlent justes, d’autres manquent cruellement de nuances, et puis il y a toutes celles qui sont contredites par des études scientifiques et des spécialistes. Le clivage entre pro- et antivax accélère la circulation des interrogations et des affirmations, en particulier sur le vaccin contre le Covid-19. Notre rédaction décrypte ici 10 "affirmations" particulièrement insistantes.
1. Un taux élevé de vaccination de la population résoudra-t-il la situation ?
Depuis le début de la pandémie, la raison principale des différentes mesures (confinements, lockdown, distanciation sociale, port du masque…) est de limiter les contaminations pour éviter un engorgement des hôpitaux. Pour limiter ces contaminations, un taux élevé de vaccination de la population n’est pas l’unique mesure miracle (c’est pourquoi le gouvernement recommande en parallèle le port du masque, le télétravail…). Pour autant, cette vaccination demeure l’outil le plus efficace pour éviter les engorgements des hôpitaux et, donc, la remise en place de confinements stricts ou partiels. Et cela pour deux raisons principales.
La première est qu’un taux élevé de vaccination favorise l’immunité collective qui permet de freiner la circulation du virus.
La deuxième est que le vaccin limite fortement les formes graves de la maladie. Si l'on se penche sur le dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'institut scientifique de santé publique Sciensano (daté du 19 novembre), on peut y lire qu'au cours de la période du 1er au 14 novembre " le risque d'hospitalisation chez les personnes entièrement immunisées de 65 ans et plus, de 18 à 64 ans et de 12 à 17 ans était réduit de 67%, 82% et 89% respectivement, par rapport aux personnes non vaccinées du même âge ". Ces chiffres sont dans la même fourchette que ceux mentionnés pour les admissions en soins intensifs (voir ci-contre) et dans la logique de ceux relevés les semaines précédentes. " Les vaccins font exactement ce à quoi nous nous attendions ", notait en conséquence le virologue Steven Van Gucht sur le plateau de VTM News le 4 novembre. "Ils protègent raisonnablement bien contre l'infection, beaucoup mieux contre l'hospitalisation et contre l'admission aux soins intensifs ."
2. La vaccination participe-t-elle à l’immunité collective ou est-ce une illusion ?
Elle a longtemps été brandie comme l’objectif permettant de sortir de la pandémie. L’immunité collective, c’est le pourcentage théorique de la population immunisée à partir duquel une personne infectée va en moyenne infecter moins d’une (autre) personne, et ce en l’absence de mesures d’intervention et de contrôle de la pandémie. Cela correspond à une situation où le taux de reproduction effectif du virus (Rt) passe sous la valeur seuil de 1, sans que des mesures de restriction du taux de contact soient mises en place.
Tout le problème est que cette immunité collective n’est pas une valeur fixe. Elle dépend de l’évolution des variables et, surtout, de l’arrivée de formes mutantes du virus. C’est précisément la raison pour laquelle l’immunité collective était théoriquement atteignable face aux souches originelles du Covid-19 mais qu’elle l’est plus difficilement depuis l’arrivée du variant Delta.
Dès lors, faut-il considérer que l’immunité collective est une illusion ? Le variant Delta pousse en tout cas à relativiser l’omnipotence des vaccins. Avec une charge virale moyenne 300 à 1 000 fois plus élevée chez les porteurs du virus par rapport à la souche d’origine du Sars-CoV-2, le variant Delta peut aussi être transmis par les personnes vaccinées, établit une prépublication de l’Imperial College de Londres parue en août dernier. Toutefois, la probabilité de transmission est 63 % plus faible que chez un non-vacciné. Les spécialistes rappellent enfin que la vaccination reste cruciale pour protéger la population contre les formes sévères de la maladie.
3. Sommes-nous des cobayes soumis à des vaccins potentiellement dangereux ?
Sommes-nous des cobayes ? Telle est la question qui a beaucoup circulé sur Internet ces derniers mois. En cause : le fait que certains des essais cliniques effectués en phase III ne sont pas terminés et doivent encore être finalisés par les laboratoires, alors que les vaccins sont commercialisés.
Lors d'une procédure classique de développement d'un vaccin, l'autorisation de mise sur le marché clôture la phase III. Dans le cadre du Covid-19, l'urgence liée à l'ampleur de la pandémie a toutefois conduit l'Agence européenne des médicaments à mettre en œuvre une procédure accélérée – déjà utilisée par le passé – permettant de lancer simultanément plusieurs phases dans un cadre réglementaire strict ( un article de La Libre publié le 9 juin décrivait cette procédure en détail ) .
Cela fait-il de nous des cobayes ? Non, soulignait dans le même article Olivier Christiaens, porte-parole de l’Agence fédérale des médicaments et produits de santé (AFMPS) : les essais cliniques ayant ouvert la mise sur le marché des vaccins étaient suffisamment aboutis et avaient clairement confirmé un rapport bénéfice/risque positif.
Mais à quoi servent alors les essais qui se poursuivent ? Ils portent sur l’efficacité à long terme du vaccin, sa qualité, sa durée de vie et des données relatives à des effets indésirables très rares, précisait Olivier Christiaens.
Alors que la technique à ARN messager (voir ci-contre) est utilisée pour la première fois pour un vaccin, fallait-il néanmoins être plus prudent et vérifier que des risques d'effets secondaires sur le long terme n'apparaissent pas ? En réalité, cette technique est développée depuis plus d'une dizaine d'années : " On avait déjà du recul sur l'efficacité de cette technique et le fait qu'elle ne provoque pas d'effets secondaires massifs ", relevait dans le journal La Croix , le 22 juillet dernier, Morgane Bomsel, virologue et directrice de recherche au CNRS.
Enfin, notons que le suivi des effets secondaires est effectué par l'Agence européenne du médicament (EMA), qui en publie les données sur son site Eudravigilance .
Au regard de ces données, " le rapport bénéfice-risque des vaccins n'est pas remis en cause ", assurait encore à l'AFP, le 8 novembre dernier, Mahmoud Zureik, directeur de la structure Épi-Phare, qui pilote, en France, des études de pharmaco-épidémiologie.
4. Accumule-t-on les doses parce que le vaccin est inefficace ?
Non. " Il n'y a rien d'inédit au fait de recevoir une troisième dose ", estime Muriel Moser, immunologue à l'Université libre de Bruxelles. Selon elle, les vaccins contre le Covid-19 suivent le même schéma (3 doses) que d'autres vaccins bien connus, notamment les vaccins contre l'hépatite B ou le papillomavirus.
Pourquoi faire un rappel ? Parce que " la réponse immunitaire diminue avec le temps ", précise Muriel Moser. Rien d'anormal explique la chercheuse : " Une fois que la protéine du vaccin n'est plus dans le corps, les lymphocytes qui produisent les anticorps se mettent au repos et leur quantité diminue progressivement ."

Le virus du Sars-CoV-2, et surtout son variant Delta, est particulièrement contagieux, il faut disposer d'une quantité importante d'anticorps pour être bien protégé. La dose de rappel est donc particulièrement justifiée. En particulier pour les personnes âgées, vaccinées les premières, dont les anticorps diminuent plus vite en raison d'un système immunitaire moins efficace. D'après Muriel Moser, " cette troisième dose va permettre d'accroître le nombre d'anticorps tout en améliorant leur capacité à reconnaître de nouveaux variants. Ils se bonifient avec le temps et les nouvelles doses ".
La priorité, selon la chercheuse, reste avant tout de vacciner le plus grand nombre de personnes afin d’atteindre l’immunité collective plus rapidement. Sans quoi de nouvelles doses pourraient être nécessaires à l’avenir.
5. L’immunité acquise suite à l’infection supérieure à celle de la vaccination ?
Non, l'immunité acquise suite à une infection n'est pas supérieure à celle induite par le vaccin. " C'est en réalité le contraire, nous dit le Pr Michel Moutschen, chef du service d'infectiologie du CHU de Liège. Des données très solides montrent qu'en moyenne l'immunité conférée par la vaccination dans le cas de la Covid est nettement plus efficace que celle induite par l'infection. D'après une étude de la CDC (Centre pour le contrôle et la prévention des maladies), portant sur 200 000 hospitalisations, la probabilité d'être hospitalisé pour une Covid est cinq fois plus faible chez ceux qui ont été vaccinés dans les trois mois qui précèdent que chez ceux qui ont fait une Covid dans ce même intervalle. Pour les plus de 65 ans, ce risque est même vingt fois plus faible. Cela dit, il y a toujours des exceptions : des gens qui répondent moins bien au vaccin ou des personnes qui, après avoir fait la Covid, développent une très bonne immunité ."
Comment cela s'explique-t-il ? " Plusieurs mécanismes sont envisageables, le virus Sars-CoV-2 a développé de multiples moyens pour passer inaperçu de notre système immunitaire (une stratégie bien connue chez les virus). Dès lors, la réponse immunitaire qu'il induit peut être tardive ou incomplète. Par ailleurs, dans les cas de Covid très sévères, on assiste à la mort de beaucoup de cellules immunitaires : il devient dès lors difficile de générer une mémoire de bonne qualité. Le vaccin n'a évidemment pas ces inconvénients et permet de générer une réponse immunitaire bien plus uniforme chez tous les individus (sauf chez les patients fortement immunodéprimés qui répondront bien moins) . (...) Le mieux reste d'avoir à la fois une protection suite à une infection et suite à la vaccination. Les personnes qui ont cette double protection devraient en principe bénéficier d'une immunité de grande qualité ."
6. Les vaccins à ARN messager vont-ils modifier notre génome ?
L’une des principales réticences des opposants au vaccin contre le Covid est que les vaccins à ARN messager vont modifier leur génome, leur patrimoine génétique. À ce jour, deux des vaccins contre le Covid 19 actuellement administrés en Belgique sont des vaccins à ARN messager. Il s’agit des produits de Pfizer BioNTech et de Moderna. Pourquoi cette crainte de modification du patrimoine génétique n’est-elle pas justifiée ?
Il faut avant tout bien comprendre la différence entre l'ADN, qui est notre patrimoine génétique, et l'ARN, qui, lui, n'est que le porteur de ce message génétique, raison pour laquelle il est précisément appelé ARN messager. " De façon imagée, on pourrait dire que l'ADN est l'écrivain, alors que l'ARN messager n'est que le facteur qui portera la lettre à son destinataire , illustre le Dr Thierry Wouters, médecin généraliste. En réalité, l'ARN messager n'est que la photocopie du mode d'emploi qui se trouve dans notre génome, notre ADN ." Par ailleurs, fait encore remarquer ce médecin, " l'ADN est très protégé dans nos cellules, il se trouve dans le noyau qui est lui-même comme un coffre-fort, nous mettant en quelque sorte à l'abri de problèmes génétiques. Normalement, dans notre organisme, l'ADN donne ordre à notre système immunitaire de produire certaines protéines. Mais, comme il est coincé dans son coffre-fort du noyau, il utilise un messager, à qui il donne une photocopie de l'instruction. Ce messager, l'ARN messager, va transmettre ce mode d'emploi, la photocopie, aux ribosomes (NdlR : usine à fabriquer des protéines) qui vont alors produire la protéine ".
Le principe d’un vaccin est d’entraîner le système immunitaire à reconnaître le virus. Contrairement aux autres vaccins, les vaccins à ARN messager n’utilisent pas de virus inactivé, ni de protéines de virus, mais bien un ARN messager, qui va être traité, lu, par notre usine de production cellulaire. Un vaccin à ARN messager ne contient pas tout le matériel génétique du virus, mais seulement un morceau codant pour l’une de ses protéines, dans ce cas, la fameuse protéine Spike, qui permet aux virus d’entrer dans nos cellules.
7. Les vaccins anti-Covid perturbent-ils le cycle menstruel ?
De nombreuses femmes ont témoigné, sur les réseaux sociaux principalement, de certaines modifications de leur cycle menstruel (intensification, douleurs accrues, retards, saignements inattendus, voire disparition de leurs règles), après s’être fait administrer le vaccin contre le Covid.
En Grande-Bretagne, l’Agence de réglementation des médicaments avait reçu, pour la période du 9 décembre 2020 au 20 octobre 2021, un peu plus de 41 000 signalements de ce type, sur 49,2 millions de doses administrées à des femmes pendant ce temps. Ces changements étaient, dans la majorité des cas, temporaires.
Relativement rare et transitoire, cette altération passagère du cycle menstruel ne doit pas inquiéter. " Dans tous les cas, les modifications du cycle menstruel sont de courte durée et inoffensives, a récemment rassuré le Dr Steven Weyers, gynécologue à l'UZ Gent, dans Het Laatste Nieuws. Il ne durera pas plus de deux ou trois cycles. Dans la plupart des cas, cela signifie que votre organisme réagit au vaccin et que votre système immunitaire est entré en action ."
" Personnellement, je n'ai vu aucune publication sérieuse à ce sujet , nous a dit pour sa part le Pr Moutschen, chef du service d'infectiologie du CHU de Liège. Certes de petites séries de cas évoquent cette possibilité, toutefois il s'agit d'événements transitoires possiblement liés au stress ou à la réponse inflammatoire suscitée par le vaccin (comme après des phénomènes infectieux par ailleurs). Aucune donnée, par contre, ne suggère le moindre impact de ces phénomènes fugaces sur la fertilité ."
8. Une personne vaccinée est-elle aussi contagieuse qu’une non vaccinée ?
Non. " Les vaccins protègent de deux manières contre la propagation du virus : ils réduisent le risque d'infection et rendent la personne vaccinée moins contagieuse en cas d'infection post-vaccinale ", indiquait Sciensano en août dernier. Cette affirmation vient confirmer les résultats d'une étude publiée le 2 novembre dernier et menée entre décembre 2020 et août 2021 par le Département de santé publique de Cologne (Allemagne).
Les chercheurs ont analysé le risque de transmission des deux variants majoritaires du Sars-CoV-2 entre deux groupes de personnes infectées et leurs contacts proches : le premier groupe composé uniquement de personnes vaccinées (Pfizer et Moderna), le second de personnes non vaccinées. Ils sont arrivés à la conclusion que le nombre de transmissions par des personnes non vaccinées était trois fois supérieur à celui des personnes entièrement vaccinées. Une autre étude, en prépublication, conduite aux Pays-Bas en août et septembre 2021, montre quant à elle que la probabilité qu’une personne vaccinée transmette le variant Delta est 63 % plus faible que chez une personne non vaccinée.
9. Y a-t-il une majorité de personnes vaccinées en soins intensifs ? (Erratum*)
En termes de données brutes, il y a effectivement plus de personnes vaccinées que non-vaccinées admises en unités de soins intensifs (USI) en raison du Covid-19 aujourd’hui. Selon Sciensano sur la première quinzaine du mois de novembre, sur les 526 personnes admises en USI, 185 étaient non-vaccinées, 9 partiellement vaccinées, 262 entièrement vaccinées et 70 dont le statut vaccinal était inconnu.
Cependant, ces nouvelles admissions doivent être mises en parallèle avec l’incidence cumulée. Autrement dit, le risque d’être admis en USI à cause du Covid-19 sur la même période. Toujours selon Sciensano, entre le 25 octobre et le 7 novembre, le risque d’une admission en USI à cause du Covid-19 pour une personne non-vaccinée entre 18-64 ans était 11 fois plus grand que le risque qu’une personne totalement vaccinée se voit admis en USI pour la même raison. Dans la catégorie des 65-84 ans, le risque était 4,5 fois plus grand, et dans la catégorie des 85+ le risque était le double.
Sciensano estime aussi que sur les deux dernières semaines " le risque d'hospitalisation chez les personnes entièrement vaccinées était réduit de 60%, 86% et 100% chez les 65+, les 18 - 64 et de 12 - 17, par rapport aux personnes non-vaccinées du même âge ".
10. Ne suffirait-il pas d’augmenter le nombre de lits en soins intensifs ?
C’est une question qui revient fréquemment dans les conversations. Si le problème est l’engorgement des services de soins intensifs, ne pourrait-on pas simplement augmenter le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux du pays ? Sur papier, l’équation paraît simple. En pratique, force est de constater que cette idée est impossible à mettre en œuvre.
L’enjeu n’est en effet pas seulement d’ordre matériel. Certes il faut des lits, des draps et a fortiori des chambres, mais il faut aussi et surtout du personnel pour s’occuper des patients qui occupent ces lits. Or, ce n’est un secret pour personne, les hôpitaux peinent déjà en temps normal à trouver les infirmières et les infirmiers nécessaires pour remplir leur cadre. Les hôpitaux doivent parfois aller recruter à l’étranger du personnel qu’il faut ensuite former. La fatigue psychique des équipes hospitalières, mises sous pression depuis le début de la crise, vient compliquer la donne. C’est la raison pour laquelle le chiffre de 2 000 lits de soins intensifs, habituellement retenu comme point de repère à l’échelle du pays, est aujourd’hui surévalué. D’après le SPF Santé publique, ce sont 136 lits qui sont actuellement indisponibles pour cause de manque de personnel.
Par ailleurs, les épidémiologistes rappellent que, dans une phase d’augmentation des cas de contamination telle que nous la connaissons actuellement, augmenter le nombre de lits disponibles permettrait seulement de gagner du temps. Selon le SPF Santé, le nombre de lits occupés augmente actuellement de 3,5 % par jour. À ce rythme, la Belgique (qui comptabilise au 16 novembre 555 patients en unités de soins intensifs) pourrait se retrouver avec un millier de lits occupés autour de début décembre, ce qui impacterait immédiatement les cas médicaux autres que ceux liés au coronavirus.
* Erratum 22/11/2021 12h30
Initialement, sur base de l'incidence, nous écrivions que "quel que soit le groupe d'âge observé, on retrouve bien plus de personnes non vaccinées que vaccinées dans les unités de soins intensifs (USI) en Belgique". Au regard du nombre absolu, les explications à la 9e question ont donc été corrigées.