Pourquoi le nouveau variant Omicron est-il considéré comme une "menace majeure" ?
Les scientifiques du monde entier s'inquiètent de l'émergence du variant B.1.1.529, initialement surnommé "Nu" et rebaptisé "Omicron" par l'OMS, détecté pour la première fois en Afrique du Sud. Que sait-on de ce variant ? Pourquoi ses mutations inquiètent-elles les experts ? La Libre fait le point avec Simon Dellicour (ULB), épidémiologiste, et Benoît Muylkens, virologue (UNamur).
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Publié le 26-11-2021 à 16h27 - Mis à jour le 28-11-2021 à 19h36
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"Comme juste après l'émergence des variants Alpha et Delta, on a beaucoup plus de questions que de réponses" , prévient d'emblée Simon Dellicour au sujet du variant B.1.1.529, récemment détecté en Afrique du Sud et considéré comme "une menace majeure" par les autorités du pays. "On ne sait pas encore face à quoi on est. Est-ce le troisième variant qui va nous causer des soucis ou non ? On ne sait pas encore. Mais c'est un candidat potentiel, oui", continue l'épidémiologiste. "Pour le moment, on analyse."
Des mutations qui inquiètent
Et justement, ces premières analyses font redouter aux experts plusieurs phénomènes. "Le variant présente plus de 30 mutations sur la protéine Spike (ndlr. la clé d'entrée du virus dans notre corps). Elles ne sont pas distribuées de manière aléatoire mais se concentrent dans les zones critiques de l'interaction de la protéine avec les cellules humaines et de l'interaction avec les anticorps neutralisant", explique le virologue Benoît Muylkens. La transmissibilité de Omicron pourrait donc être plus importante que celle des variants Alpha ou Delta.
L'autre crainte des scientifiques concerne un effet moindre des vaccins. Un premier travail de prédiction, basé sur l'analyse des mutations du variant, permet de suspecter ce phénomène. "Les autres variants montraient parfois des échappements partiels. Ici, en regardant les mutations, on suspecte qu'il y ait beaucoup plus de mutations touchant des domaines de neutralisation, ce qui ferait que le variant n'est plus suffisamment reconnu par le vaccin", explique Benoît Muylkens.
"Cela n'aboutira probablement pas à un échappement total, ce n'est quasi jamais le cas", signale tout de même l'expert, qui parle plutôt d'une efficacité "nettement moindre" des vaccins et de la réponse immunitaire. De plus, "il y a d'autres composantes à la réponse immunitaire, notamment l'immunité cellulaire", souligne toutefois le virologue. "D'autres domaines du virus sont stables".Une partie de la réponse immunitaire serait donc conservée entre ce variant et les précédents. Ce phénomène, s'il se confirme, ne signifierait donc pas un retour à la case départ.
La prudence reste cependant de mise. "Cela n'a pas encore été démontré. Il faut maintenant que l'on passe à des essais de laboratoire qui viendront asseoir ce constat", insiste-t-il. Ces résultats devraient arriver assez rapidement, assure cependant l'expert. "Pour le variant delta, on avait eu la réponse dans les 15 jours qui suivaient l'isolement de la souche".
Déjà détecté en Belgique
Actuellement, seuls cinq pays ont déclaré des cas liés au variant Omicron. Il s'agit de l'Afrique du Sud, du Botswana, de Hong Kong,d'Israël et de la Belgique. L'annonce a été faite ce vendredi par Frank Vandenbroucke lors de la conférence de presse à l'issue du Codeco. Il s'agirait d'une personne testée le 22 novembre à son retour de l'étranger. C'est donc le premier cas confirmé en Europe.
"Dans la région où il a été détecté pour la première fois, il y a une augmentation assez rapide de la fréquence de détection de ce variant. On voit qu'il devient très vite majoritaire et qu'on le détecte beaucoup dans les séquençages effectués", commente Simon Dellicour. Face à cette potentielle menace, de nombreux pays ont d'ores et déjà pris de nouvelles mesures en interdisant les vols en provenance d'Afrique australe. La Commission européenne a également annoncé étudier une proposition similaire afin de limiter la propagation du variant sur le territoire européen. Si ces restrictions contribueront à ralentir la progression du variant, il est peu probable qu'elles empêchent son implantation dans les pays concernés, avertit l'épidémiologiste.
Il estime que le variant Omicron est "très certainement" déjà présent dans d'autres pays. "C'est tout à fait normal qu'il y ait des cas qui passent sous le radar un peu partout. La seule manière de confirmer à 100% que l'on est face à ce variant, c'est de séquencer le génome. Or, cette pratique prend toujours un peu de temps et est relativement coûteuse en moyens et en logistique", explique l'épidémiologiste. Seule une petite proportion des cas positifs détectés à travers le monde passe par la case séquençage. "En Belgique, on séquence plusieurs centaines de cas par semaine pour avoir une idée de la diversité génétique des lignées virales qui sont en circulation", détaille-t-il.
Le virologue Benoît Muylkens signale cependant qu'une particularité propre à ce variant le rend particulièrement facile à détecter via les tests PCR."Le variant Alpha avait été suivi sur base de ce marquage moléculaire particulier", ajoute le virologue.
"La communauté scientifique est mobilisée pour échanger en temps réel les données et les analyses sur ce variant, pour que l'on puisse faire la lumière le plus vite possible sur la menace potentielle liée à ce variant", conclut Simon Dellicour.
