Quelle efficacité? Pour qui en priorité? Quand l'injecter idéalement? Dix choses à savoir sur la troisième dose
Le Pr Jean-Michel Dogné, expert du développement et de la sécurité des vaccins au sein de la task force vaccination, répond aux questions que vous vous posez.
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Publié le 27-11-2021 à 09h37 - Mis à jour le 27-11-2021 à 19h16
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Il n’y a plus de temps à perdre. À présent, comme on l’a entendu dire et répéter par les experts, il faut mettre le turbo sur la troisième dose. En attendant les décisions et précisions quant au calendrier d’administration, de la Commission interministérielle (Cim) Santé qui se tient ce samedi, le Pr Jean-Michel Dogné, expert du développement et de la sécurité des vaccins au sein de la task force vaccination, a répondu à dix questions que l’on se pose sur cette dose de rappel.
1 "Booster" ou "dose de rappel" : est-ce pareil ?
Oui, on parle indifféremment de booster ou de dose de rappel. Cependant, il est important de faire la distinction entre la dose supplémentaire pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli et les doses de rappel (booster) pour les personnes dont le système immunitaire est "normal". Pour ces derniers, le comité des médicaments à usage humain de l’Ema (Agence européenne du médicament) a évalué les données des vaccins Moderna et Pfizer montrant une augmentation des taux d’anticorps lorsqu’une dose de rappel est administrée environ 6 mois après la deuxième dose. Sur la base de ces données, le comité a conclu que des doses de rappel peuvent être envisagées au moins 6 mois après la deuxième dose pour les personnes âgées de 18 ans et plus. Rappelons que la vaccination contre l’hépatite B des adultes suit en Belgique un schéma vaccinal à 3 doses administrées aux mois 0, 1 et 6. De même que la vaccination contre les infections à papillomavirus.
2 Pourquoi la dose de rappel se justifie-t-elle ?
Les résultats des études montrant une efficacité décroissante des vaccins soutiennent l'intérêt des campagnes de rappel. Publiée dans la revue Science, une étude récente traduit la réduction d'efficacité des vaccins contre le risque d'infection et de décès par type de vaccin. De février à octobre 2021, globalement, l'efficacité vaccinale contre l'infection a baissé de 87,9 à 48,1 %. La baisse a été la plus importante pour le vaccin Johnson&Johnson avec seulement 13,1 % d'efficacité contre le risque d'infection 6 mois après l'administration. Par ailleurs, dans son rapport hebdomadaire du 26 novembre 2021, Siensano met en évidence une efficacité moindre dans le groupe des plus de 65 ans par rapport aux 18-65 ans.
3 Que sait-on de l’efficacité de la troisième dose ?
En Israël, les autorités ont approuvé l’administration d’une troisième dose pour les personnes de 12 ans et plus qui avaient reçu leur 2e dose de vaccin Comirnaty (Pfizer/BioNTech) au moins 5 mois plus tôt. Une étude estimant l’efficacité d’une troisième dose de ce vaccin a montré que, par rapport à deux doses du vaccin administrées il y a au moins 5 mois, l’administration d’une troisième dose a une efficacité de 93 % dans la prévention de l’admission à l’hôpital liée au Covid-19, de 92 % dans la prévention de la maladie grave et de 81 % dans la prévention du décès lié au Covid-19. L’efficacité de la troisième dose de vaccin contre l’admission à l’hôpital et la maladie grave a été estimée similaire entre les individus âgés de 40 à 69 ans et ceux âgés d’au moins 70 ans. Cette étude israélienne suggère qu’une 3e dose est efficace pour réduire les conséquences graves liées au Covid-19 chez les patients ayant reçu deux doses de vaccin il y a au moins 5 mois.
4 À ce stade, à qui la 3e dose est-elle recommandée ?
Le Conseil supérieur de la santé (CSS) recommande une troisième dose pour les patients immunodéprimés afin de compléter la primovaccination contre la Covid-19. L’administration d’une dose de rappel pour les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes vivant dans des établissements de soins tels que les maisons de repos a également été mise en place dans notre pays. Le CSS a ensuite recommandé qu’une dose de rappel du vaccin à ARNm contre la Covid-19 soit administrée à tous les professionnels de la santé âgés de plus de 18 ans au moins 4 à 6 mois après la primovaccination contre la Covid-19, essentiellement pour assurer la pérennité du système de santé et réduire le risque d’infections nosocomiales.
5 Quand le booster devrait-il être injecté idéalement ?
La dose de rappel est proposée au minium 6 mois après vaccination complète avec un vaccin à ARNm (Pfizer ou Moderna), 4 mois après vaccination complète avec le vaccin AstraZeneca et 2 mois après vaccination avec la dose unique du vaccin Johnson&Johnson. En Belgique, quel que soit le vaccin administré en première dose, les vaccins utilisés en dose de rappel seront uniquement les vaccins à ARN messager (Moderna et Pfizer).
6 La composition de la troisième dose est-elle identique à celle des deux premières ?
Oui, la composition de la troisième dose est identique à celle des deux premières. Néanmoins, pour la dose de rappel pour le vaccin Moderna, seule une demi-dose est utilisée.
7 Une dose d’un vaccin différent du premier administré est-elle conseillée ?
L'efficacité d'une dose de rappel hétérologue (NdlR : présentant une structure différente) est au minimum aussi efficace, notamment quand on utilise un vaccin à ARNm en dose de rappel. Ainsi, une étude dite de "mix-and-match" (rappel avec un vaccin différent du vaccin initial) a montré que des doses de rappel avec un vaccin approuvé ou autorisé par la FDA (Pfizer, Moderna et Johnson&Johnson) entraînent une forte réponse immunologique, quel que soit le vaccin initial, similaire ou supérieure par rapport à leur réponse de rappel avec le même vaccin.
8 Ne faudrait-il pas plutôt attendre de "nouveaux" vaccins, adaptés aux variants ?
Même s'il y a une diminution d'efficacité avec le temps, les vaccins à ARNm actuels sont particulièrement efficaces contre le variant Delta, notamment sur les formes graves. Par conséquent, il y a intérêt à utiliser les vaccins actuels en dose de rappel. Il ne faut pas attendre dans des délais courts des nouveaux vaccins plus adaptés, mais, au contraire, il est préférable de se protéger au mieux avec les doses de vaccins actuels. L'émergence potentielle du nouveau variant B.1.1.529, déjà présent au Botswana et même à Hong Kong, dont un cas a été rapporté en Belgique, est à l'origine d'une augmentation "exponentielle" des cas en Afrique du Sud. Ce variant rebaptisé Omicron présente un nombre "extrêmement élevé" de mutations qui semble lui générer un potentiel de propagation très rapide. À ce stade, nous ne connaissons pas encore l'efficacité des vaccins existants contre cette nouvelle forme du virus. Il n'est pas exclu que des adaptations de vaccins pour ce type de variants soient aussi nécessaires. Moderna a d'ores et déjà annoncé vouloir développer une dose de rappel spécifique pour le variant Omicron.
9 Si on a beaucoup d’anticorps, une troisième dose est-elle vraiment nécessaire ?
Oui, il n’y a pas de corrélat de protection même si différentes études permettent de faire un lien entre le niveau de certains anticorps et la sévérité de la maladie. Une dose de rappel est recommandée chez tous ceux qui ont eu un schéma initial complet à deux doses ou une dose.
10 Doit-on s’attendre à une quatrième dose ?
Certains recommandent une quatrième dose pour les patients immunodéprimés. Néanmoins, pour la population générale, ce n’est actuellement pas encore soutenu par des données.