Les États-Unis ne font plus obstacle au traité sur les pandémies
L'idée poussée depuis un an par le président du Conseil européen Charles Michel est en passe d'atterrir. Le mandat de négociation devrait être approuvé par l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé.
Publié le 29-11-2021 à 18h44
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Poussée par le président du Conseil européen Charles Michel depuis novembre 2020 et appuyée par le le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, l'idée d'établir un traité international pour prévenir, gérer et lutter contre les pandémies à l'échelon global est en passe d'atterrir. "La situation mondiale le réclame", a insisté Charles Michel lundi, dans son discours à l'ouverture de l'AG, rappelant que la nouvelle vague de Covid-19 qui roule sur le monde rappelle chaque État à ses responsabilités envers ces citoyens et les autres pays.
Le mandat de négociation du futur traité sera approuvé, mardi ou mercredi, par l'Assemblée générale extraordinaire de l'OMS, réunie à Genève. La dernière embûche est en effet levée. Les partisans de la création de ce traité sont parvenus, en dernière minute, à vaincre les principales réticences des Etats-Unis.
Les Etats-Unis risquaient d’être isolés dans leur opposition
Washington affirme certes ne pas être opposé à la création d’un traité international sur les pandémies. Les Américains disaient cependant “ne pas soutenir une discussion qui confinerait les futures discussions entre Etats membres (de l’OMS) à ne considérer qu’un traité sur les pandémies ou un autre instrument légalement contraignant jusqu’à ce que la substance de l’accord soit plus précisément définie”, ainsi qu’on peut le lire dans un document américain dont La Libre a obtenu copie.
Même si les Américains assuraient que leur opposition à un texte légalement contraignant n'était pas catégorique ni définitive, la position des États-Unis témoigne de leur aversion pour les traités internationaux qui les oblige. Ils avaient entraîné dans leur sillage quelques acteurs de poids dont le Mexique, l'Inde, le Bangladesh et le Brésil, ainsi que la Jamaïque et Monaco. Les Européens et les autres pays partisans du traité sont parvenus à assouplir la position des alliés des Américains. Et alors que la Chine et la Russie se sont ralliées au principe d'un traité contraignant, les Etats-Unis risquaient d'être le principal obstacle à son élaboration. Une telle attitude aurait été de nature à attiser la colère de nombreux pays. Dont par exemple l'Afrique du Sud, qui estime, non sans raison, qu'elle est punie par la suspension des vols vers l'Afrique australe, où circule le variant Omicron du Covid-19, alors qu'elle ne dispose pas de suffisamment de vaccins, faute de solidarité internationale suffisante. La diplomatie américaine a donc lâché du lest.
Le texte de la résolution qui doit être adoptée par l'Assemblée générale fait explicitement référence à l'article 19 de la Constitution de l'OMS qui donne à l'agence des Nations unies la possibilité d'adopter un texte légalement contraignant.
Plaidoyer pour un partage plus équitable des vaccins
La négociation du traité devrait s’étendre sur deux ans. Parmi les objectifs poursuivis par la création de cet instrument figurent la coopération pour prévenir l’éruption de nouvelles pandémies causées par des zoonoses (maladies virales passant de l’animal à l’homme); le partage de données et de technologies et la cohérence des actions des organisations internationales. Il est aussi question d’assurer un accès équitable aux “contre-mesures médicales” de qualité, dont les vaccins et les thérapies.
Dans une tribune publiée dans plusieurs médias internationaux avant l’AG, l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, devenu ambassadeur de l’OMS pour le financement de la santé mondiale, a exposé le fossé qui, dans le partage des vaccins, sépare les promesses des pays les plus riches et la réalité. Il y rappelle que les pays du G20 ont acheté 89% des vaccins contre le Covid-19 et gardent le contrôle sur 71% des livraisons. Les Etats-Unis n’ont fourni que 22% des vaccins promis aux pays du Sud. L’Union européenne fait pire encore, avec 15%, le Royaume-Uni stagne à 10%. Pendant ce temps, le virus continue à circuler, à muter et à repousser le retour à une vie normale.