Moins virulent? Déjà en train de s'essouffler? Que sait-on au juste d'Omicron, à ce stade?
Veulent-ils y croire ? Apporter à tout prix une bouffée d'optimisme ? Ou avons-nous vraiment des raisons de penser - et d'espérer - qu'Omicron pourrait ne pas s'avérer aussi redoutable que …redouté ? Toujours est-il que certains tweets récents se veulent plutôt rassurants. Mais que sait-on au juste de ce variant à l'heure actuelle? Réponses avec Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l'ULB.
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- Publié le 22-12-2021 à 15h08
- Mis à jour le 24-12-2021 à 13h15
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Veulent-ils y croire ? Apporter une bouffée d'optimisme ? Ou avons-nous vraiment des raisons de penser qu'Omicron pourrait ne pas s'avérer aussi redoutable que …redouté ? Toujours est-il que certains tweets récents se veulent plutôt rassurants. Ainsi celui de Nicolas Berrod, journaliste au Parisien : "Selon Playbook, l'agence sanitaire britannique s'apprête à publier des données de vie réelle montrant que les personnes infectées par Omicron sont 'moins susceptibles de devenir gravement malades' que celles qui ont été infectées par Delta".
Ou ceux de l'épidémiologiste français, Martin Blachier: "Selon les données sud-africaines, le risque d'hospitalisation avec Omicron serait cinq fois moins élevé qu'avec Delta. Cette baisse serait en partie due à la forte immunisation naturelle de la population sud-africaine." Mais aussi du même : "Evolution très rassurante du nombre de patients en réanimation au Royaume-Uni malgré la forte vague de contaminations Omicron. On y croit de plus en plus au scénario optimiste !". Ou encore, signé Xavier Lambert, éditeur à la RTBF : "Après un départ fulgurant, Omicron s'essoufflerait déjà un peu au Royaume-Uni. Il progresse toujours mais n'accélère plus et comme Delta diminue la courbe des cas s'incurve. Les hospitalisations semblent, elles, plafonner".
Que penser, à ce stade, de ces commentaires plutôt réconfortants ? Est-ce trop tôt pour crier victoire ? Trois questions principales se posent :
1. Que sait-on au juste de la capacité de contamination d'Omicron ?
Une certitude, Omicron est aujourd'hui le plus contagieux des variants, avec un R0 (taux de reproduction du virus) qui tournerait aux alentours de 10, selon certains scientifiques. Ce qui signifie qu'une personne infectée peut en contaminer dix ! Quand on sait que, pour Delta, le R0 se situait entre 6 et 7, pour Alpha, à environ 5 et celui de la souche originale autour de 2,5-3, on mesure bien la capacité de contamination largement supérieure d'Omicron.
"Une explication pourrait être qu'Omicron n'est pas bloqué dans sa dissémination par les individus qui ont développé une immunité naturelle ou qui n'ont reçu que deux doses de vaccin, nous dit Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l'ULB, alors que c'est en partie le cas pour Delta. Le fort taux de mutation d'Omicron lui permettrait d'échapper aux anticorps induits par l'infection naturelle ou les vaccins, ce qui expliquerait pourquoi il se propage aussi vite. Ses mutations pourraient aussi lui permettre d'infecter plus facilement nos cellules, mais il est trop tôt pour le savoir".
2. Que peut-on dire de son degré de dangerosité ?
C'est toujours la grande inconnue, à ce stade. "Il est encore un peu trop tôt pour se prononcer sur la virulence d'Omicron, estime l'immunologiste. S'il paraît ne pas faire de gros dégâts en Afrique du Sud, il faut prendre en considération qu'il s'agit d'une population majoritairement jeune, très différente de la nôtre. Elle a déjà été massivement exposée au virus et, de ce fait, a développé une immunité naturelle qui pourrait protéger contre les formes graves de Covid-19 induites par Omicron. C'est comme en Inde où l'on estime, sur base de la sérologie, que 97 % de la population a déjà rencontré le virus, qui a, ceci dit, fait d'innombrables victimes dans ce pays. Sur base des communiqués provenant d'Europe, on peut toutefois raisonnablement écarter la possibilité qu'Omicron soit plus virulent que les autres variants".
Mais il n'y a pas non plus de raisons de croire qu'il est moins virulent ? "Non, à l'heure actuelle, on n'en sait rien, nous dit encore Eric Muraille. N'oublions pas que l'hypothèse d'une moindre virulence que l'on avait annoncée au début pour les variants Alpha, Bêta ou Delta ne s'est jamais vérifiée. A l'heure actuelle, donc, restons prudents ! Et il ne faut pas véhiculer l'idée qu'il serait moins dangereux parce que moins virulent. Même s'il est moins virulent, ce que l'on peut toujours espérer, le fait qu'il pourrait infecter énormément de gens sur une courte période peut poser problème en raison du risque de saturation des services de santé".
3. Dans quelle mesure les vaccins, en général, et la troisième dose, en particulier, sont-ils efficaces contre Omicron ?
Menée par l'Université de Genève en collaboration avec deux centres américains réputés, une étude, néanmoins pas encore revue par ses pairs, démontre que le booster stimule l'apparition de cellules capables de tuer ce virus, même chez des patients dont la production d'anticorps est très affaiblie, comme les patients atteints de sclérose en plaques traités par un médicament détruisant les cellules productrices d'anticorps. S'ils se confirment, ces résultats devraient "convaincre les hésitants de se faire administrer le booster aussi vite que possible, insiste pour sa part Michel Goldman, professeur en immunologie à l'ULB. D'après les données disponibles aujourd'hui, on peut affirmer que le virus résiste aux anticorps induits par tous les vaccins actuels, ce qui explique leur efficacité très réduite à prévenir l'infection et la transmission du virus. Par contre, le virus reste sensible aux lymphocytes tueurs induits par les vaccins ARN, un mécanisme de défense très important pour limiter les dégâts pulmonaires de la maladie Covid-19. Raison pour laquelle le booster, ou troisième dose, est très important pour stimuler au mieux ces cellules tueuses".
"Plusieurs études , documentent le fait que le sérum de patients vaccinés avec deux doses ou de patients qui ont été infectés par les variants Alpha, Bêta ou le Delta ne sont pas protégés au niveau des anticorps neutralisants contre Omicron, confirme Eric Muraille. Ainsi, des chercheurs de l'Institut Pasteur et du Vaccine Research Institute, en collaboration avec la KU Leuven, le CHR d'Orléans, l'Hôpital européen Georges, l'Inserm et le CNRS, ont étudié la sensibilité du variant Omicron aux anticorps monoclonaux utilisés en clinique pour prévenir les formes graves de la maladie chez les personnes à risque, ainsi qu'aux anticorps présents dans le sang de personnes vaccinées ou ayant déjà été infectées par le SARS-CoV-2. En comparant cette sensibilité avec celle du variant Delta, ils ont en effet observé qu'Omicron est beaucoup moins sensible aux anticorps neutralisants que Delta. Les chercheurs ont ensuite analysé le sang de personnes ayant reçu deux doses du vaccin Pfizer ou du vaccin AstraZeneca. Résultat : cinq mois après vaccination, les anticorps présents dans le sang ne sont plus capables de neutraliser Omicron. Cette perte d'efficacité est également observée chez les personnes infectées par le SARS-CoV-2 dans les 12 mois précédents. "Une troisième dose de rappel avec le vaccin Pfizer, ou l'injection d'une dose de vaccin chez les personnes ayant fait antérieurement une infection, augmente fortement les taux d'anticorps, à un niveau suffisant pour neutraliser Omicron, soulignent les chercheurs qui concluent qu'Omicron est donc particulièrement peu sensible aux anticorps anti-SARS-CoV-2 actuellement utilisés en clinique ou obtenus après deux doses de vaccin."
Par contre, "il y aconfirmation que les personnes qui ont été à la fois infectées et vaccinés - ce que l'on appelle les groupes "super immuns" - ont une protection contre Omicron, même en l'absence d'une troisième dose, poursuit Eric Muraille. Cela dit, plusieurs études disponibles en prépublication montrent que, pour les personnes qui n'ont pas fait l'infection, le booster permet d'obtenir la haute protection observée chez les super immuns. Le booster semble donc très bien protéger contre Delta, et induire une protection satisfaisante contre Omicron. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine, la vaccination améliore significativement l'immunité, même chez les individus qui ont déjà été infectés ".