Première mondiale: des chercheurs de l'UCLouvain identifient un médicament pour prévenir les métastases et rechutes du cancer du sein
Des chercheurs de l’UCLouvain ont identifié un médicament efficace contre les rechutes et les métastases. Les résultats sont prometteurs sur des souris porteuses d’un cancer humain du sein. Une première mondiale à confirmer chez l’homme.
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Publié le 15-03-2022 à 06h25 - Mis à jour le 15-03-2022 à 06h57
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Un "résultat de recherche extraordinaire", un "pas de géant", une "première mondiale très prometteuse"… L'UCLouvain ne cache pas son enthousiasme et sa très grande fierté à l'annonce des résultats de travaux qui paraissent, ce mardi, dans la revue scientifique Cancers. Les chercheurs ont en effet identifié un médicament, développé à l'origine pour traiter d'autres maladies que le cancer, capable d'éviter dans 80 % des cas l'apparition de métastases et dans 75 % des cas la rechute locale du cancer du sein humain chez la souris. Explications avec le Pr Pierre Sonveaux, chercheur à l'Institut de recherche expérimentale et clinique de l'UCLouvain, auteur de cette recherche menée avec son équipe, dont la post-doctorante Tania Capeloa.
"Ce qui fait la différence entre une tumeur bénigne et une tumeur maligne, c'est la capacité de cette dernière à faire des métastases, rappelle le scientifique. À savoir des tumeurs secondaires qui s'établissent dans un ou plusieurs organes distants par rapport au site de départ. Typiquement, un cancer du sein pourra générer des métastases dans les poumons, le cerveau, les os… Or, chez les patients cancéreux, il y a deux causes principales de décès : les récidives locales, qui sont bien souvent résistantes aux traitements cliniques conventionnels, et les métastases, qui permettent au cancer de se généraliser."
Dans la multitude de cancers existants, certains - malheureusement - deviendront métastatiques, quoi que l'on fasse (chirurgie, radiothérapie, chimio…), et même en cas de diagnostic précoce. Il en va ainsi du cancer du sein triple négatif, qui comptabilise un millier de cas par an en Belgique, soit 10 à 15 % de tous les cancers du sein. Dans la moitié des cas, les femmes atteintes de ce type de cancer développeront en effet des rechutes et des métastases pendant ou après leur traitement. Raison pour laquelle l'équipe du Pr Sonveaux s'est intéressée plus particulièrement à ce cancer. À l'heure actuelle, il n'existe aucun traitement qui permette d'empêcher la survenue de métastases ou les rechutes, sachant qu'un patient est considéré comme guéri quand il n'y a pas eu de récidives pendant cinq ans. Aussi, "par définition, empêcher les rechutes, c'est guérir les patient(e)s", nous dit le chercheur.
Un médicament existant
Il s'agit en l'occurrence du MitoQ, actuellement en étude de phase 2, pour les maladies de Parkinson, d'Alzheimer et les hépatites C. "L'entité que l'on cible dans le cancer et dans ces maladies neurodégénératives est la même, fait remarquer Pierre Sonveaux. La différence est que, dans le cancer, cette molécule est produite à des doses moyennes qui favorisent les métastases et les rechutes alors que, dans les maladies neurodégénératives, elle est produite en quantité astronomique, ce qui provoque la mort cellulaire, notamment des neurones. Nous avons donc la même cible, le même médicament, mais on vise des processus différents : d'un côté, les métastases et les rechutes et, de l'autre, la mort cellulaire."
Que sait-on jusqu'ici de ce médicament? "Le MitoQ fonctionne de manière très efficace chez les souris porteuses de cancers du sein très agressifs que nous avons traitées comme des humains, avec une combinaison de chirurgie et de chimiothérapie. Mais, en plus, cette molécule a déjà passé avec succès la phase clinique 1, qui consiste à administrer la molécule chez l'homme pour tester sa toxicité. Laquelle s'avère en l'occurrence très légère puisque limitée à des nausées et à des vomissements, seuls effets secondaires observés jusqu'ici aux doses nécessaires pour traiter les cancers. Nous sommes donc bien loin d'une molécule expérimentale quelconque dénichée par des savants dans leur laboratoire !"
Après avoir démontré que ce médicament était efficace dans des cancers humains agressifs chez la souris, la prochaine étape à franchir sera celle du passage de la souris à l'homme. "Une transition qui pourrait être rapide, d'après le Pr Sonveaux. Nous avons déjà démontré que le MitoQ était compatible avec toutes les chimiothérapies utilisées pour le cancer du sein à l'heure actuelle. Il n'y a pas d'interactions médicamenteuses. Ce qui est génial. Nous allons donc bientôt traiter des patientes à l'hôpital de la même manière en rajoutant - ou pas, pour un autre bras de l'étude - ce médicament, de façon à voir s'il a - ou non - un effet préventif sur les métastases et les rechutes."

Optimisme
Cette étude de phase 2, qui se déroulera normalement en Belgique, inclura une vingtaine de patientes, dont le panel est déjà défini. Rien ne sert donc de se proposer pour participer à cet essai, souligne le chercheur, qui devrait livrer les résultats de l’étude d’ici un à deux ans maximum. On connaîtra alors le pourcentage de cancers qui répondront au traitement, la posologie plus précise, le mode d’administration idéal…
Quant à savoir si ce médicament pourrait se révéler efficace contre d'autres cancers métastasiques que celui du sein, une autre étude avec le MitoQ est en cours pour le cancer du pancréas et semble donner également de l'espoir. "Pour le cancer de la prostate, on s'attend à ce que le mécanisme soit le même, mais il faut encore finaliser la démonstration", conclut le Pr Sonveaux, manifestement optimiste.