Mesurer le risque de développer une maladie cardiovasculaire par une prise de sang : bientôt possible ?
Chaque jour, en Belgique, 59 personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Êtes-vous en train de développer une maladie cardiovasculaire avec des dommages potentiellement irréversibles ? La biotech wallonne Spinovit, spin-off de l’UCLouvain (*), est en train de développer un outil simple pour pouvoir quantifier le risque de développer une telle pathologie.
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Publié le 12-05-2022 à 20h01 - Mis à jour le 12-05-2022 à 21h33
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Êtes-vous en train de développer une maladie cardiovasculaire avec des dommages potentiellement irréversibles ? Une question à laquelle on voudrait avoir une réponse aussi précise que possible. Aussi l'idée de pouvoir quantifier le risque de développer une maladie cardiovasculaire fait-elle rêver… Cette mesure s'avère en effet bien précieuse quand on sait qu'aujourd'hui ces pathologies représentent la première cause de mortalité au monde. Chaque jour, en Belgique, 59 personnes sont en effet victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC).
Dans ce contexte, la solution qu'est en train de développer la biotech wallonne Spinovit, spin-off de l’UCLouvain (*), créée pour valoriser cette nouvelle technique, prend tout son sens. Il s'agit en l'occurrence de la quantification d'un nouveau biomarqueur capable d’évaluer le risque de développer une maladie cardiovasculaire. Une simple prise de sang permet de le mesurer et ainsi, le cas échéant, de prendre en charge le patient à temps.
"Aujourd'hui, pour évaluer le risque de développer une pathologie cardiovasculaire, les médecins ne peuvent établir qu'un risque statistique basé sur certains facteurs bien connus comme le tabagisme, l'hypertension, le cholestérol, le diabète, la sédentarité, le surpoids, l'âge, les changements hormonaux…, nous explique Nancy Van Overstraeten, CEO et fondatrice de Spinovit, bioingénieure chimiste de formation et docteur en sciences biomédicales. Cela ne reflète pas l'état physiologique du patient. Certains de ces facteurs ne sont pas binaires. Est-on ou non sédentaire? En surpoids? Il n'est pas aisé d'évaluer le risque individuellement."
Mesurer le monoxyde d'azote
Quelle est dès lors la solution proposée par la biotech Spinovit ? "Nous proposons de pouvoir mesurer l'exposition au risque à travers la quantification d'un biomarqueur sanguin, qui révèle la quantité de monoxyde d'azote produite par l'organisme, poursuit la CEO de Spinovit. Le monoxyde d'azote est en effet une molécule produite par les cellules endothéliales (qui tapissent l'intérieur des vaisseaux sanguins) en fonction de l'exposition aux facteurs de risque. Mesurer la concentration de cette molécule dans le sang pourrait donc déterminer le risque réel auquel est exposé le patient, s'il est en train de développer une maladie cardiovasculaire ou non. Il s'agit donc d'évaluer la dysfonction endothéliale (performance des vaisseaux sanguins), à l'origine de la plupart des maladies cardiovasculaires".
Depuis onze ans, des chercheurs de l'UCLouvain tentent de mesurer ce NO qui permet de protéger les vaisseaux sanguins : "Lorsqu'un malade a une mauvaise santé vasculaire, sa capacité à produire du monoxyde d'azote diminue, complète le Pr. Jean-Luc Balligand, directeur du Pôle de pharmacologie et de thérapeutique de l'UCLouvain. Dans notre laboratoire, nous avons observé que, dans le sang, le NO se lie à l'hémoglobine pour former un complexe appelé HbNO (Hémoglobine nitrosylée). Notre idée originale a été de mesurer cette molécule pour refléter la santé des vaisseaux".
Mesurer le HbNO impose cependant certaines contraintes et un matériel adéquat. Raison pour laquelle l'équipe de Spinovit a créé une seringue dans laquelle le sang est prélevé avant d'être centrifugé et congelé à -80°C. "Pour mesurer le HbNO, nous utilisons la spectrométrie par résonance paramagnétique électronique, précise à ce propos le Dr Nancy Van Overstraeten. Cette quantification du HbNO nous permet de révéler indirectement la quantité de NO qui est produite par les vaisseaux sanguins. De cette manière, nous pourrions donc évaluer la santé vasculaire d'un patient et donc sa probabilité de développer une maladie cardiovasculaire".

Des essais cliniques en cours
Après avoir publié plusieurs articles scientifiques pour démontrer la pertinence de ce test, et après avoir effectué avec succès plusieurs essais cliniques pilotes, l'équipe a mis au point un essai clinique plus large pour confirmer la prédictibilité du HbNO envers les complications péri-opératoires. "Les patients sont testés avant une intervention chirurgicale et suivis pendant un an. Cela se fait en collaboration avec les anesthésistes qui ont besoin d'un outil qui permette d'évaluer le risque individuel de complications, notamment cardiovasculaires, liées à une intervention chirurgicale. Nous avons donc pensé à valider notre biomarqueur HbNO dans le contexte de la consultation préopératoire pour vérifier si ce HbNO pourrait être prédictif de complications " détaille le Dr Van Overstraeten.
Cet essai clinique, qui inclut 1500 patients, prendra fin en septembre 2023. "Les ventes devraient pouvoir être actionnées fin 2023", selon la CEO de Spinovit.
Une fois validé, le test pourra être effectué dans plusieurs laboratoires agréés en Belgique et en Europe. Mis sur le marché, il devrait devenir un examen de routine dont pourrait bénéficier chaque patient avant toute intervention non cardiovasculaire afin de pouvoir mieux évaluer s'il est à risque ou non de développer une complication péri-opératoire. Cela permettra, par exemple, d'évaluer si le patient devra faire d'autres examens médicaux avant son opération ou de corriger certains de ses facteurs de risque pour diminuer la possibilité de complications, etc.
Outre les cardiologues et les anesthésistes, les endocrinologues pourraient utiliser ce test pour déceler une maladie cardiovasculaire en développement chez les patients diabétiques ou en surpoids. De même, il pourrait s'avérer utile pour les gynécologues afin de détecter plus facilement les risques de prééclampsie ou de complications liées à une pilule contraceptive. Enfin, "ce test pourrait aider les laboratoires pharmaceutiques à sélectionner les patients les plus réceptifs à un traitement ciblant les maladies cardiovasculaires ou encore, les preneurs d'assurances à être correctement classés dans leur catégorie de risque".

"Les patients sont demandeurs d'un outil permettant de quantifier l'efficacité de leurs efforts diététiques, physiques, d'abstention tabagique mais également la prise de médicaments, fait remarquer le Pr Balligand. En tant que médecin, on peut dire que, théoriquement, cela diminue le risque. Si on pouvait, en plus, apporter aux patients une preuve quantitative de leurs efforts, cela les encouragerait et augmenterait leur adhésion au traitement thérapeutique".
En attendant la mise sur le marché, le premier test est déjà disponible gratuitement aux Cliniques Saint-Luc via une prise de rendez-vous sur le site internet spinovit.com.
(*) La biotech wallonne Spinovit est soutenue par trois fonds d’investissement : Vives de l’UCLouvain, W.IN.G by Digital Wallonia, et B2start, investisseur régional belge. Spinovit vient de lever 535 000 € en tour d’amorçage et bénéficie d’une avance récupérable de 470 000 € de la Région Wallonne pour démontrer la prédictibilité de son biomarqueur cardiovasculaire. Un deuxième tour d’investissement est prévu à la fin 2023.