Les plastiques affectent la fertilité masculine: voici les substances les plus nuisibles
Une nouvelle étude vient confirmer l’impact de ces substances. Pour la première fois, des travaux hiérarchisent des polluants quotidiens responsables d’une moindre qualité du sperme.
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- Publié le 29-06-2022 à 10h54
- Mis à jour le 29-06-2022 à 12h20
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Le rôle de certains agents toxiques, parmi d'autres facteurs (tabagisme, alimentation, stress…), dans le déclin de la fertilité lié à une moindre qualité du sperme est un sujet qui refait régulièrement surface depuis une trentaine d'années. Ainsi, parmi les nombreux travaux menés à ce sujet, des chercheurs de l'Université de New York ont calculé que la concentration moyenne de spermatozoïdes de l'homme occidental est passée de 99 millions à 47 millions de spermatozoïdes par millilitre entre 1973 et 2011, soit une chute impressionnante de 50 % à 60 % en moins de quarante ans. "Déterminer le rôle de produits chimiques est particulièrement difficile à apprécier", expliquait récemment à nos confrères du Monde Pierre Jouannet, professeur émérite à l'Université Paris-Descartes, l'un des grands pionniers de ce domaine de recherche. "En effet, en dehors d'expositions massives accidentelles, l'être humain n'est généralement exposé qu'à de faibles doses de très nombreux produits chimiques, et on ne sait pas si la combinaison d'action de tous ces produits exacerbe ou non leurs éventuels effets individuels."
La méthodologie
Comment dès lors identifier, parmi les différents facteurs pointés comme responsables de ce phénomène, le poids de chacun d'eux ? C'est précisément ce qu'ont cherché à savoir des chercheurs danois et britanniques. Dans un article récemment publié par la revue Environment International, Andreas Kortenkamp (Université Brunel de Londres), qui a conduit l'étude, et Hanne Frederiksen (Rigshospitalet, Université de Copenhague), ont présenté pour la première fois une évaluation des risques sur la fertilité masculine, de 29 substances ou mélanges de substances du quotidien sélectionnées sur la base de données expérimentales et/ou épidémiologiques. "Parmi ces substances, neuf (métabolites de bisphénols et phtalates ainsi que le paracétamol) ont été mesurées dans l'urine de 98 jeunes hommes danois en 2009", nous explique le Pr Alfred Bernard, toxicologue, professeur émérite à l'UCLouvain et directeur de recherche FNRS. "Pour les autres (dioxines, pesticides, conservateurs..), les niveaux d'exposition proviennent des bases de données de l'Autorité européenne de sécurité de l'alimentation (Efsa). Partant de ces niveaux d'exposition et des doses tolérables, les auteurs ont calculé des indices de danger qui leur ont permis de hiérarchiser ces substances."
Des résultats pas surprenants
De cette classification, il ressort que, parmi les substances les plus suspectées de nuire à la qualité du sperme humain, les plastiques remportent, de loin, la première place. Derrière le bisphénol A (BPA) et ses succédanés (BPS, BPF), on trouve les dioxines, les polychlorobiphényles (PCB) et des plastifiants (les phtalates), certains parabènes et… le paracétamol. D'après les estimations des chercheurs, "le niveau médian d'exposition combiné de la population générale à ces produits est environ vingt fois supérieur au seuil de risque".
Pour le Pr Bernard, les résultats sont sans surprise. "Les plastiques (bisphénols) et plastifiants (phtalates) ressortent en premier. Ce sont en effet les substances que les études épidémiologiques associent le plus souvent à une baisse de la qualité du sperme. Puis viennent les dioxines et PCB, ce qui en revanche est très interpellant car selon une étude suédoise, entre 1972 et 2011, l'exposition humaine aux dioxines et PCB a diminué de 6 % par an, plus rapidement encore que la numération des spermatozoïdes dans les pays occidentaux (en moyenne 1,4 % par an entre 1973 et 2011). Il me paraît difficile d'incriminer l'exposition aux dioxines dans le déclin de la fertilité masculine du monde occidental si les deux baissent parallèlement depuis le début des années 1970."
Et même le paracétamol
Quant au rôle, plus étonnant pour certains, du paracétamol, "aux faibles concentrations mesurées dans cette étude, c'est un métabolite omniprésent dans nos urines qui semble provenir majoritairement de la fumée de cigarettes ou des traces d'aniline (associée aux colorants) présentes dans les cosmétiques ou notre alimentation, commente le toxicologue belge. Certes, la prudence est de mise et les femmes enceintes doivent consulter leur médecin ou pharmacien avant de prendre cet analgésique. Mais les données utilisées par les auteurs proviennent de rattes gestantes exposées quotidiennement à des doses qui, pour la femme enceinte, seraient de 25 g/jour soit 25 comprimés avec des risques importants de toxicité hépatique !"
Une étude épidémiologique toute récente menée chez de jeunes Danois n'a décelé aucun effet notable du paracétamol sur la qualité du sperme, ajoute notre interlocuteur. "Et donc, le risque du paracétamol pour la fertilité de l'homme, s'il existe, pourrait être limité à une exposition lors de la vie fœtale."