Effets indésirables des vaccins, inquiétude au sujet des variants...: les dix questions que l'on se pose encore sur le Covid-19
On le croirait disparu et pourtant, le Covid-19 circule toujours parmi nous, sous forme bénigne ou asymptomatique. Si sa réalité a changé, certaines interrogations subsistent. Avec le Pr Michel Goldman, professeur émérite en immunologie à l'ULB, La Libre a voulu faire le point en l’état actuel.
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Publié le 17-02-2023 à 10h47 - Mis à jour le 17-02-2023 à 10h51
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Pourquoi le Covid a-t-il tout à coup disparu ? C’est l’une des nombreuses questions qui nous ont été posées lors de notre appel lancé en ligne la semaine dernière dans le but de récolter les interrogations qui subsistent aujourd’hui dans le public par rapport à ce coronavirus. La réponse à cette question est qu’en réalité, le Covid-19 n’a pas disparu. Il continue de circuler mais, dans la plupart des cas, sous une forme bénigne ou asymptomatique. Il n’empêche, d’après le dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire publié par Sciensano, en date du 10 février, chaque jour, 706 nouveaux cas en moyenne étaient confirmés, 67 personnes admises à l’hôpital et près de 5 décès quotidiens liés au Covid enregistrés. Au 8 février, le nombre de lits d’hôpital occupés par des patients Covid se chiffrait à 977 et à 43 en unités de soins intensifs.
Si la réalité du Covid-19 a certes bien changé, des questions demeurent manifestement chez bon nombre d’entre nous, comme en témoignent les retours suscités par notre appel en ligne. De ceux-ci, nous avons sélectionné les questions récurrentes et les plus pertinentes à nos yeux, auxquelles a bien voulu répondre le Pr Michel Goldman, professeur émérite d’immunologie à l’Université libre de Bruxelles.
1) Comment pourrait-on décrire la “nouvelle réalité du Covid” ?
Pour la grande majorité de la population, le Covid se présente aujourd’hui comme un gros rhume voire une bonne grippe dont on guérit en quelques jours. Contrairement à la grippe, le virus reste en circulation tout au long de l’année, on ne peut donc pas parler d’une maladie saisonnière, mais plutôt d’une maladie endémique. Et surtout, les séquelles à long terme peuvent être très sérieuses, c’est le Covid long dont on commence seulement à mesurer l’impact sur la santé publique. Si les vaccins ont permis de faire pratiquement disparaître les formes aiguës les plus graves, ils semblent malheureusement beaucoup moins efficaces pour prévenir le Covid long.
2) Quels sont les principaux symptômes du Covid long ?
Ils sont très nombreux et peu spécifiques. Parmi les symptômes les plus fréquents, on note de la fatigue, des douleurs musculaires, des difficultés respiratoires, des troubles du sommeil et une mémoire défaillante. L’un des signes les plus évocateurs, ce sont les palpitations et les chutes de la pression artérielle lors du passage de la position couchée ou assise à la position debout. Le Covid long est une affection chronique même si une étude récente indique qu’une amélioration spontanée survient chez environ la moitié des patients. Malheureusement, on ne dispose d’aucun test permettant d’affirmer formellement le diagnostic.
3) Quelles sont aujourd’hui les personnes qui meurent encore du Covid ?
Ce sont les personnes qui n’ont pas développé de défenses immunitaires contre le virus. C’est le cas des personnes non vaccinées, en particulier si elles n’ont jamais été exposées au virus. C’est ainsi que l’on explique l’explosion des cas en Chine : la politique “zéro Covid” combinée à un déficit de protection vaccinale s’est révélée catastrophique. Dans nos pays, les formes les plus graves frappent les personnes qui n’ont pas répondu au vaccin, soit en raison de leur grand âge, soit à cause d’une maladie ou d’un traitement qui rend leur système immunitaire inopérant.
4) Que dire de l’efficacité des vaccins à l’heure actuelle ? Sont-ils adaptés ?
Les vaccins actuels induisent des réponses immunes essentiellement dirigées contre la souche du virus qui est à l’origine de la pandémie. Or les nouveaux variants Omicron actuellement en circulation ont développé des mutations qui leur permettent de résister aux anticorps induits par les vaccins, y compris les vaccins bivalents les plus récents. C’est pour cette raison que des individus bien vaccinés n’échappent pas à l’infection. Fort heureusement, les vaccins protègent toujours très efficacement des formes les plus graves, ce qui explique le faible nombre d’hospitalisations et de décès. Il est probable que cette protection fasse intervenir des cellules tueuses qui sont beaucoup moins sensibles que les anticorps aux mutations du virus. Un bémol cependant : la protection contre le Covid sévère nécessite que la vaccination soit répétée, car les vaccins actuels ne maintiennent leur effet que durant une période limitée, d’autant plus courte que le système immunitaire est affaibli, comme c’est le cas chez les personnes âgées. Toujours est-il que la protection vaccinale actuelle devrait nous éviter la réapparition de mesures contraignantes comme le Covid Safe Ticket et l’obligation de télétravail, même si une nouvelle vague devait resurgir.
5) Dans quelle mesure les nouveaux variants sont-ils inquiétants ?
Le problème majeur posé par les variants actuels, c’est leur résistance aux anticorps monoclonaux, ces produits qui ont sauvé de nombreuses vies dans la population des sujets immunodéprimés. Heureusement, il existe des médicaments antiviraux qui restent actifs contre tous les variants actuels, même si leur utilisation est parfois malaisée. Il est impossible de prévoir les risques que feront courir les nouvelles mutations qui ne manqueront pas de surgir. La situation en Chine est préoccupante à cet égard car elle pourrait faire naître de nouveaux variants plus dangereux et plus résistants aux vaccins.
6) Doit-on envisager un rappel vaccinal annuel et pour qui ?
Les experts sont divisés à ce sujet en raison des incertitudes sur la durée de la protection vis-à-vis du Covid grave. Le Pr Goldman, quant à lui, se range du côté de ceux qui suggèrent de réserver les rappels aux sujets les plus vulnérables en raison de leur âge ou de l’état de leur système immunitaire. Selon lui, “dans l’état actuel des connaissances, il faut renoncer à vouloir prévenir les formes bénignes en administrant des rappels chez des sujets jeunes et en bonne santé. Il faut rappeler à cet égard le risque de ces personnes de développer une atteinte cardiaque post-vaccinale. Certes ce risque est très faible, mais il ne peut être ignoré”.
7) Quid des effets indésirables des vaccins, dont les troubles menstruels ?
Avant même qu’ils ne soient déployés à large échelle, les essais cliniques avaient indiqué qu’ils entraînent assez fréquemment des symptômes inconfortables qui disparaissent en quelques jours : douleur au site de l’injection, fatigue, maux de tête, fièvre, gonflement de ganglions, en quelques jours. Des effets secondaires beaucoup plus rares sont apparus ensuite lorsque des millions de personnes ont été vaccinées. Certains sont aujourd’hui officiellement reconnus par les autorités de santé. Il s’agit de réactions allergiques sévères, de thromboses atypiques et d’atteintes invalidantes des nerfs (syndrome de Guillain-Barré) pour les vaccins à vecteur adénoviral produits par les firmes AstraZeneca et Janssen, et d’atteintes du cœur et de son enveloppe (myocardite/péricardite) pour les vaccins à ARN messager produits par Pfizer et Moderna. On ne peut exclure aujourd’hui que les vaccins entraînent d’autres réactions exceptionnelles chez des personnes prédisposées. C’est ainsi qu’il s’est avéré que la vaccination peut entraîner une prolongation des règles de quelques jours, sans impact sur la fertilité. De multiples suppositions circulent à propos d’autres conséquences de la vaccination. Les recherches dans ce domaine doivent se poursuivre et les systèmes de surveillance doivent sans aucun doute être améliorés de manière à lever autant que possible les incertitudes. Il y va de la confiance de la population dans les vaccins qui lui sont proposés.
8) Quel est l’intérêt du vaccin nasal ? Et son avenir ?
Il s’agit d’empêcher l’infection immédiatement après l’exposition au virus qui survient au niveau du nez et du pharynx. Cela nécessite d’induire des anticorps dans les sécrétions muqueuses, ce que les vaccins actuels font très mal. Plusieurs essais cliniques sont en cours, mais sans succès probant à ce jour. Il ne fait pas s’attendre à leur déploiement dans un avenir proche.
9) Les réinfections et le Covid long peuvent-ils affaiblir le système immunitaire ?
Toute infection est susceptible de modifier nos défenses immunitaires pendant quelque temps et le Covid-19 ne fait pas exception. C’est ce qui explique les infections par des virus herpès qui surviennent au décours de la phase aiguë de la maladie. Toutefois, ces modifications sont a priori transitoires et il n’existe aucune évidence sérieuse d’un affaiblissement à long terme du système immunitaire. Cela étant, il faut reconnaître qu’il subsiste des incertitudes sur la signification des perturbations immunologiques retrouvées dans le Covid long.
10) Quelles sont les autres grandes inconnues qui demeurent sur le Covid ?
Une inconnue importante concerne le devenir du virus au-delà de la phase aiguë. Reste-t-il tapi dans certains organes, est-il susceptible de se réveiller et d’entraîner des réinfections à répétition ? Il est aussi important de clarifier les effets de la protéine Spike qui peut gagner la circulation au cours de l’infection mais aussi après vaccination. Elle pourrait jouer un rôle dans certaines complications cardio-vasculaires. Enfin, il faudra préciser les facteurs génétiques qui gouvernent les réactions tant au virus qu’aux vaccins. Les recherches dirigées par le professeur Jean-Laurent Casanova ont déjà mis en lumière des prédispositions génétiques au Covid grave chez des individus sans facteur de risque. Il reste cependant beaucoup à faire pour comprendre pourquoi certains individus se défendent mal alors que d’autres surréagissent au virus. Des études du même type devraient permettre de comprendre l’impact de notre terrain génétique sur la manière dont nous réagissons aux vaccins.