“Au fond de moi, je sentais que notre petit Lucas n’était pas bien, je savais qu’il allait partir…”
À 23 h 25 le 19 avril 2022, le nourrisson atteint de la maladie BRAT1 “a décidé de prendre son envol”, raconte sa maman.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/1ceeccb3-2097-46f3-8d46-df0c56746447.png)
Publié le 28-02-2023 à 09h01 - Mis à jour le 28-02-2023 à 10h50
:focal(2895x1938.5:2905x1928.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/VOCAMYIPABH7FMRCAE5UTQS5E4.jpg)
C’est une voix sinon enjouée, en tout cas étonamment dynamique et sereine à la fois, qui nous répond au téléphone. Celle d’Emilie, jeune maman de 28 ans qui a vu s’envoler, le lundi 19 avril dernier, son “petit loulou Lucas”, alors âgé de cinq semaines. Ainsi en a décidé l’encéphalopathie BRAT1, une maladie neurologique néonatale, non pas rare, mais ultra-rare dans la mesure où elle toucherait un nouveau-né sur 50 000. C’est du moins ce que l’on croit, car cette pathologie largement méconnue semble clairement sous-diagnostiquée. Dans le cas de Lucas, le diagnostic a cependant pu être posé.
Déjà parents d’un petit Timeo à présent âgé de 4 ans, Bertrand et Emilie, sage-femme de profession, attendaient avec joie l’arrivée d’un deuxième bébé, dans leur foyer d’Onhaye, “un chouette petit village pas très loin de Dinant où l’on se sent bien”. Après une grossesse qui se passe globalement bien, Lucas vient au monde, le 14 mars 2022, à 31 semaines, par césarienne en urgence. “La seule fois où j’ai entendu Lucas pleurer, c’est au moment où il est né, se souvient Emilie. Vu sa prématurité, il a super bien démarré. Il a juste eu besoin d’une petite aide respiratoire et a ensuite été maintenu avec de l’oxygène en passif. Il se débrouillait vraiment bien. Tout le monde, gynécologue et pédiatre, me disait : ‘Tu as vu comme il gère ?’. Mais moi, sans savoir pourquoi ni comment, je sentais déjà que, malheureusement, il n’allait pas revenir avec nous. Je ne savais pas si mon enfant avait un handicap, mais j’avais un profond pressentiment.”
En apparence, de fait, tout va bien. “Il avait juste une petite flexion au niveau des membres supérieurs et inférieurs mais, au début, cela ne nous a pas tracassés, poursuit la maman. Même les médecins n’ont pas tout de suite objectivé cette hyperflexion au niveau des membres. Un pied était légèrement ‘tordu’. On a simplement pensé à une mal position. Un orthopédiste nous a d’ailleurs rassurés en ce sens.”
Les médecins dans l’inconnu
Mais les jours passent et l’état de santé du nouveau-né se dégrade. Comme s’il devait en permanence lutter. “Lucas était vraiment très courageux, nous dit Emilie. On voyait qu’il essayait de se battre, mais que c’était vraiment peine perdue. À partir du troisième jour, il a commencé à se détériorer au niveau respiratoire, mais aussi neurologique. Il avait comme des spasmes, alors que l’électroencéphalogramme a montré que tout était normal. Ensuite, Lucas a fait des contractions musculaires (appelées myoclonies, NdlR). Au début, elles n’étaient pas associées à des crises d’épilepsie. Progressivement, son état s’est dégradé. Et les crises d’épilepsie sont devenues de plus en plus fréquentes. Lucas était ‘le petit mystère’ pour les médecins du CHR de Namur. De mon côté, j’avais l’impression qu’on ne me disait pas tout. Mais en fait, les médecins ne savaient pas…”
La maman, elle, ressentait le mal-être de son bébé. “Au fond de moi, je sentais que mon fils n’était pas bien, je savais qu’il allait partir et je voulais l’accompagner au mieux. Avec son papa, nous avions dit plusieurs fois à Lucas qu’il pouvait partir, mais que l’on voulait que ce soit dans les bras de ceux qu’il aime le plus, ceux de papa et maman. On voulait qu’il soit serein parce qu’on le voyait puiser dans ses réserves. Il était de moins en moins éveillé. Le peu d’effort qu’il faisait, c’était pour ouvrir les yeux et nous regarder. À ce moment-là, on n’avait pas encore le diagnostic, le nom de la maladie, qui est la mutation de BRAT1, dont nous étions tous les deux porteurs sans le savoir.”
Un diagnostic déculpabilisant
Il aura fallu qu’une assistante du CHR de Namur, où il était pris en charge jusque là, aiguille les parents vers la Pre Roberta Cilio, du service de neurologie pédiatrique aux Cliniques universitaires Saint-Luc, pour que le juste diagnostic soit posé. “Six jours avant le décès de Lucas, nous sommes arrivés dans le service de néonatologie de Saint-Luc, poursuit Emilie. La Pre Cilio nous a directement déculpabilisés. Pour elle, Lucas correspondait en tout point à l’évolution de cette maladie ultra-rare qu’elle connaissait bien, l’encéphalopathie BRAT1. À chaque fois que notre petit loulou était soumis à un stimulus, il le percevait comme un danger et partait dans une crise d’épilepsie.” Les tests génétiques orientés vers cette pathologie neurologique du nouveau-né ont confirmé la suspicion de la spécialiste.
”Sachant que chaque organe allait l’un après l’autre défaillir, la Pre Cilio nous a expliqué comment limiter le mal-être de Lucas. Nous savions enfin ce dont notre enfant souffrait. On avait une réponse à la raison de son départ. On ne pouvait rien y faire, c’était comme ça. La seule et la meilleure chose que l’on pouvait faire, c’était l’accompagner vers sa dernière destination. Le laisser partir et accepter qu’il ne souffre plus. Je savais qu’au sixième jour à Saint-Luc, il allait partir. À 23 h 25, il a décidé de prendre son envol. Et c’était magnifique. Lucas nous a fait énormément de transmissions et il continue de nous envoyer des messages. Quelques minutes avant qu’il ne parte, il nous a dit qu’il était heureux d’être arrivé dans notre famille et qu’il prenait de l’énergie pour son prochain chemin. C’est ce qui nous permet d’être plus dans l’acceptation de toute l’histoire de notre petit Lucas.”