Pourquoi Pirola, ce variant du Covid classé “sous surveillance” par l’OMS, intéresse-t-il tant les virologues?
Après les États-Unis, le Danemark et Israël, la France vient de dépister un cas. Faut-il craindre plus qu’un autre ce variant du Covid ? Les réponses du virologue Steven Van Gucht.
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- Publié le 01-09-2023 à 14h57
- Mis à jour le 01-09-2023 à 15h48
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Déjà détecté aux Etats-Unis, au Danemark et en Israël, le nouveau variant BA.2.86, surnommé Pirola (en référence aux lettres de l’alphabet grec Pi et Rho) sur les réseaux sociaux, vient d’être dépisté pour la première fois en France, dans la Région Grand Est. Ce membre de la famille Omicron est particulièrement scruté en raison d’un “plus grand nombre de mutations”, le rendant “susceptible d’évoluer de façon plus importante et de se répandre plus facilement”, a fait savoir la présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires en France. En attendant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé de classer ce nouveau variant dans la catégorie des variants sous surveillance en raison du très grand nombre (supérieur à 30) de mutations de la protéine Spike qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer les cellules de l’hôte.

Comment évaluer au juste le risque ? Les réponses du Dr Steven Van Gucht, virologue auprès de Sciensano.
Dans quelle mesure faut-il s’inquiéter du variant Pirola qui vient d’être dépisté en France ?
À ce stade, honnêtement et personnellement, je pense qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, car il n’y a pas d’indication que ce variant a vraiment un avantage par rapport à d’autres variants dans sa capacité de croissance. XBB et EG 5.1 circulent beaucoup plus aujourd’hui dans la population. Par contre, il faut s’intéresser à ce variant Pirola.
Pourquoi faut-il s’intéresser à ce nouveau variant plus qu’à d’autres ?
Parce qu’il est très différent. Pour les virologues, Pirola est un variant très intéressant parce qu’il porte beaucoup de mutations dans sa séquence génétique. On parle en effet de plus de 30 mutations, c’est-à-dire plus de 30 amino-acides différents dans la protéine de surface Spike. Ce qui est intéressant car cela pose plusieurs questions. D’où vient ce variant ? Comment a-t-il pu évoluer en ce sens ? Et qu’est-ce que cela signifie ? Comment se comporte-t-il et comment va-t-il évoluer à l’avenir ? Au moment présent, il y a beaucoup plus de questions que de réponses sur ce variant.
Que dire du fait que ce variant ait beaucoup muté ?
Muter est le propre des virus. De temps en temps, il arrive qu’un variant connaisse beaucoup plus de mutations que la plupart. Si le nombre de mutations de Pirola est effectivement remarquable, cela peut être un avantage mais cela peut aussi présenter beaucoup de désavantages, dans la mesure où il s’avère moins apte à se propager dans la population (moins fit). Or, à ce stade, on ne sait pas vraiment si sa contagiosité est supérieure aux autres. Au contraire, les premières études font penser le contraire. En tout cas, je ne dirais pas que c’est un “super variant”.
Pirola pourrait-il provoquer un pic majeur d’infections ?
À l’heure actuelle, cela devient de moins en moins probable. Tous les centres au niveau mondial le suivent et le recherchent depuis environ deux semaines maintenant et nous n’avons pas l’impression que la fréquence ait fort augmenté. Si on trouve bien de temps à autre une séquence, ce n’est pas très spectaculaire. S’il était vraiment très contagieux, il y aurait déjà plus de rapports sur la présence de ce variant. Il devient donc moins probable qu’il provoque un pic majeur d’infections, vu sa croissance à l’heure actuelle.
S’il devait néanmoins se répandre davantage, quel scénario pourrait-on envisager ?
Même s’il cause un pic ou une vague, cela pourrait signifier effectivement beaucoup d’infections, comme on l’a vu dans le passé avec d’autres variants, mais je pense que, même avec ce variant, la population reste bien protégée contre la maladie sévère. Malgré son grand nombre de mutations dans la protéine Spike, il reste beaucoup d’autres parties du virus qui sont bien conservées et notre immunité cellulaire – en l’occurrence les cellules T – continue en général de reconnaître ces parties conservées dans le virus également dans les variants qui ont fortement muté.
Le variant Pirola a-t-il déjà été dépisté en Belgique ?
À ma connaissance, il n’a pas encore été dépisté en Belgique. Cela dit, le nombre de séquençages reste relativement limité dans notre pays. En ce moment, nous voyons surtout une croissance du variant EG.5, qui selon nos études dans les eaux usées représente environ 20 à 30 % des variants actuels.
Le fait qu’il l’ait été en France signifie-t-il qu’il débarquera forcément tôt ou tard en Belgique ?
Si on ne l’a pas encore trouvé en Belgique, je pense honnêtement qu’il est déjà présent sur notre territoire. S’il reste minoritaire jusqu’ici dans les pays où il a été identifié, il est en effet fort probable qu’il ait déjà débarqué chez nous, suite au retour des vacances. Ceci étant, cela ne m’inquiète pas particulièrement.
Et s’il devait s’avérer bien présent dans notre pays, cela impliquerait-il des mesures particulières ?
Non, des mesures s’imposent en phase pandémique. Nous sommes ici dans une phase postpandémique. L’immunité dans la population fait que la majorité sera protégée contre la forme sévère de la maladie, même en présence d’un variant si différent.
Quid des nouveaux vaccins ? Devraient-ils a priori protéger contre une infection à ce nouveau variant ?
Honnêtement, c’est difficile à dire. Le nouveau vaccin qui va arriver dans le courant du mois de septembre est basé sur XBB 1.5, un variant qui circule beaucoup pour le moment. Ce vaccin donnera vraisemblablement une protection croisée contre la majorité des variants en circulation à l’heure actuelle. Le nouveau vaccin donnera aussi une protection croisée contre EG.5.
Mais en ce qui concerne plus spécifiquement Pirola, nous manquons encore de données pour nous prononcer quant à la capacité de protection du vaccin pour ce qui est de la transmission et des formes légères. Ceci dit, une fois encore, je ne pense qu’il faille traiter ce variant différemment des autres. Il y aura toujours de nouveaux variants qui vont apparaître, celui-ci n’est pas le dernier.
Quelques conseils à ce stade, à l’approche de l’automne ?
Les mesures que l’on recommande sont devenues un peu plus génériques : pour contrôler les infections respiratoires, il faut rester à la maison quand on est malade, porter un masque quand on se rend chez le médecin, voire dans les transports en commun, ne pas oublier de se faire vacciner contre le Covid mais aussi contre la grippe, car cela va conférer une protection croisée contre les variants plus différents.