Pas toujours «nets», les portails médicaux envahissent la Toile

Déjà lassés de surfer sur les sites pornographiques, les internautes ont viré de bord, plongeant à présent tête baissée dans les portails médicaux. S'il faut effectivement en croire une étude américaine de l'Université de Pennsylvanie, la santé devance aujourd'hui le sexe quant au nombre de consultations enregistrées sur le Web.

laurence.dardenne@saipm.com

Déjà lassés de surfer sur les sites pornographiques, les internautes ont viré de bord, plongeant à présent tête baissée dans les portails médicaux. S'il faut effectivement en croire une étude américaine de l'Université de Pennsylvanie, la santé devance aujourd'hui le sexe quant au nombre de consultations enregistrées sur le Web.

Selon cette enquête, menée par Sean Nicholson, professeur de santé publique à la Wharton School, les trois quarts des personnes interrogées recherchent via Internet des informations sur les maladies, la santé féminine, des conseils minceurs ainsi que des produits pharmaceutiques, vitamines, complexes nutritionnels mais également médicaments qui font la joie du commerce en ligne.

Et cette véritable explosion de l'«e-santé» ne semble être qu'à ses débuts. Le phénomène devrait en effet prendre une ampleur sans pareil dans les années à venir, d'après une récente étude de la société américaine Cyberdialogue intitulée «The futur of e-mail» qui estime que la population d'internautes à la recherche d'informations dans le domaine de la santé devrait continuer à croître deux fois plus rapidement que l'ensemble des internautes.

Toujours selon cette source, 36,7 millions d'individus surfent dans les vagues médicales, tandis que 11 millions achètent en ligne médicaments et produits d'hygiène, de soins et de beauté. On estime qu'ils seront 88 millions en 2005 à se connecter pour trouver des infos médicales, se procurer des produits pharmaceutiques ou encore communiquer avec les assureurs.

DES RAISONS RAISONNABLES?

De plus en plus actifs s'agissant de leur «petite» santé, les patients n'attendent plus de gober les informations qu'on leur délivrait jusqu'ici, ils partent aujourd'hui à leur recherche. Et ils évoquent plusieurs raisons de se jeter sur la Toile, que ce soit pour y trouver quelque info sur une pathologie, un premier avis avant consultation voire une confirmation du diagnostic établi par le médecin.

Ils se disent motivés dans leur démarche par la convivialité et la simplicité d'utilisation de ce nouveau média par rapport aux autres sources d'information dans le domaine de la santé. Qui plus est, les sites sont souvent réactualisés et toujours disponibles, argumentent les internautes qui reprochent notamment aux médecins de ne pas être systématiquement au faîte de l'actualité et de ne pas toujours faire preuve de la promptitude souhaitée.

UNE QUALITÉ INÉGALE

Cela dit, sans doute faudrait-il avant tout évaluer la qualité et l'objectivité pour le moins inégales des sites proposés, selon qu'ils émanent de sociétés pharmaceutiques, d'institutions officielles, d'initiatives privées, de la gigantesque base de données Medline, de sombres associations ou parfois même de médecins. (Voir par ailleurs)

Tous les internautes ne sont cependant pas dupes. Selon un sondage, les trois quarts voudraient voir s'améliorer la qualité des informations relatives à la santé. Pour s'assurer d'un niveau valable dans une matière avec laquelle on ne peut se permettre de badiner. Alors que d'aucuns planchent sur la mise au point d'un label ou d'une grille de cotation, si le médecin est davantage à même de reconnaître un site de référence, il n'en va pas nécessairement de même pour le grand public.

Certains critères peuvent néanmoins être pris en considération afin de jauger la fiabilité d'un portail grand public: le fait qu'il soit lié à des universités, à des centres de recherche reconnus ou à des publications strictement scientifiques de renom est généralement gage de qualité. On pourrait idéalement imaginer que le médecin oriente son patient vers des sites de qualité, afin d'en faire un internaute averti.

RELATIONS MÉDECINS-PATIENTS

Il ne fait plus aucun doute que la multiplication des sites médicaux grand public est en passe de modifier sensiblement les rapports médicaux entre patients, qui se sentent investis d'un plus grand pouvoir, et médecins qui, pour leur part, sont encore loin d'être de francs accros du Net.

Quoi qu'il en soit, le phénomène ne manque de poser une série de questions pour l'avenir, quant aux implications possibles d'Internet sur les relations patients-médecins. Le comportement des consommateurs de soins de santé sera-t-il forcément plus actif? Ou simplement aura-t-il partiellement évolué alors qu'aux Etats-Unis, 6pc des patients dialoguent à présent avec leur médecin par e-mail? Sauront-ils faire la part des choses entre les dernières innovations médicales d'application et les traitements expérimentaux non encore validés?

Internet se révélera-t-il un outil utile dans le cadre du suivi des personnes atteintes de maladies chroniques, comme le diabète ou l'hypertension artérielle? Une fois abreuvés des infos du Net, les patients auront-ils le bon réflexe de consulter, si nécessaire, le corps médical, ou auront-ils tendance à succomber à la dangereuse tentation de l'automédication? Se croyant, peut-être à tort, surinformés, se montreront-ils plus exigeants vis-à-vis des dispensateurs de soins de santé? Tous les médecins sauront-ils respecter le code de déontologie leur interdisant la consultation et la prescription en ligne?

Difficile de répondre aujourd'hui à toutes ces questions qui en soulèveront d'autres encore. Et pour savoir si les internautes qui se nourrissent des infos sanitaires étalées sur la Toile se portent mieux que ceux ayant suivi le classique chemin, sans doute faudra-t-il attendre plusieurs années encore.

Mais déjà les premiers changements perceptibles se font sentir du côté des médecins qui se plaignent de voir arriver à la consultation des patients munis d'un imposant dossier tout droit sorti du Net où l'on trouve, en santé comme ailleurs, le pire comme le meilleur.

© La Libre Belgique 2000


NHS, exemple de l'initiative publique britannique. Medisite, Doctissimo, 33docavenue, comsante, planetmedica, conseil-national.medecin, sante.gouv, les sites médicaux se multiplient à n'en plus finir. Les grands, sinon les géants de l'Internet, coexistant avec les petites initiatives émanant parfois de médecins. Le privé cohabitant avec le public. Ainsi le ministère de la Santé britannique a-t-il créé, en décembre 1997, le NHS (National Health Service) Direct, un centre d'appel téléphonique visant à assurer 24 heures sur 24 un accueil téléphonique aux personnes ayant des doutes sur leur état de santé. Justifié par le manque de médecins généralistes disponibles, ce call center s'est enrichi au printemps d'un site Internet appelé à devenir, ni plus ni moins, que le portail d'information santé de référence en Grande-Bretagne. Dans les supermarchés, pharmacies, universités, Docks de Liverpool ou terminal du ferry dans le Kent, pas moins de 200 terminaux à écran tactile ont été implantés. D'ici 2004, 500 bornes devraient être réparties dans autant de lieux publics du pays. Invité par Tony Blair à émettre des propositions sur la modernisation du NHS, un des six groupes de travail a suggéré de doter les citoyens britanniques d'une carte de santé leur permettant d'avoir directement accès à leur dossier médical, alors que médecins et infirmières de l'hôpital ou de la hot line pourront consulter la base de données centralisée. À vocation très grand public, le site NHS Direct propose même 200 audio clips de 3 à 10 minutes à l'attention des personnes ayant des difficultés de lecture. La mise à disposition d'informations sur les maladies rares est prévue au même titre qu'un débat en ligne avec un cancérologue renommé. On ambitionne également de mettre en relation les familles de malades. Alors que certains déplorent le manque d'expérience des infirmières traitant les appels, le ministère de la Santé a tenu à préciser que le call center ne posait pas des diagnostics mais prodiguait des conseils. Malgré cette précaution oratoire, on ne pourra jamais empêcher que certaines urgences potentielles ne soient pas correctement traitées alors que d'autres patients, au contraire, ont été dirigés vers les urgences sans que leur état ne le justifie. Preuve que rien ne remplacera jamais le contact avec le médecin. Ils seront 10.000 à rejoindre les rangs du NHS dans les quatre années à venir. A se demander si la place du médecin est bien derrière son téléphone ou son écran d'ordinateur © La Libre Belgique 2000

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