En attendant le vaccin contre le tabac

Après avoir examiné 94 études sur les substituts nicotiniques portant sur un total de 33.400 fumeurs, l'étude Silagy a livré son verdict. Ainsi les chercheurs australiens, auteurs de cette méta-analyse, en sont-ils arrivés à la conclusion que les taux de réussite des substituts nicotiniques variaient, pour le critère d'abstinence continue pendant un an, de 13 à 24pc selon la forme choisie.

LAURENCE DARDENNE

Après avoir examiné 94 études sur les substituts nicotiniques portant sur un total de 33.400 fumeurs, l'étude Silagy a livré son verdict. Ainsi les chercheurs australiens, auteurs de cette méta-analyse, en sont-ils arrivés à la conclusion que les taux de réussite des substituts nicotiniques variaient, pour le critère d'abstinence continue pendant un an, de 13 à 24pc selon la forme choisie. Arrive en tête (pour les grands fumeurs), le spray nasal (24pc), suivi des tablettes sublinguales (21pc), des gommes à mâcher (18pc), de l'inhalateur (17pc) et du patch (13pc). Et si, hors substituts nicotiniques, la substance placebo réalise un score de 6pc, l'antidépresseur bupropion, commercialisé sous le nom de Zyban affiche un taux de réussite de sevrage tabagique de l'ordre de 18pc, pour s'élever à 22,5pc quand il est utilisé en traitement combiné avec un substitut nicotinique. (Voir «La Libre» du 19 décembre 2000)

EN PREMIÈRE LIGNE

Que retenir de ces résultats? Pour le Dr

Jacques Prignot, Professeur émérite en pneumologie à l'UCL, en dépit de certains chiffres de la littérature scientifique favorable à l'antidépresseur, le premier choix demeure la substitution nicotinique. Et ce pour deux raisons principales: «l'une, théorique. La nicotine agit sur les quatre neurotransmetteurs dits «de récompense» du système nerveux central, à savoir les circuits de la dopamine, de la noradrénaline, de la sérotonine et des endorphines. Il s'agit, non seulement des voies qui contrôlent, dans le cerveau, les états d'anxiété ou d'euphorie, de manque ou de bonheur; mais aussi bien sûr des voies qu'emprunte le tabac. Or il se fait que le bupropion, tout comme d'ailleurs d'autres antidépresseurs expérimentés comme aide au tabac, n'agissent que sur deux ou trois de ces voies, ce qui ne peut pleinement satisfaire le fumeur. D'autre part, les effets secondaires du bupropion ne sont pas négligeables, qu'il s'agisse d'insomnie, de maux de tête, de sécheresse de la bouche ou de risque potentiel bien que très faible de convulsions. Autant de contre-indications qui ne se présentent pas avec les substituts nicotiniques. Cela dit, en cas d'échec avec ces derniers, l'antidépresseur reste très certainement une alternative valable».

A l'avenir trois grandes pistes de recherches s'ouvrent aux fumeurs désireux d'arrêter. Un autre antidépresseur, la nortriptyline, agissant sur deux ou trois des quatre «voies de récompense» en est actuellement au stade des essais cliniques. D'autres misent sur des comprimés de glucose destinés à diminuer le syndrome de manque, avec l'inconvénient des calories

ANTICORPS À L'ATTAQUE

Enfin, d'aucuns fondent beaucoup d'espoir dans la mise au point d'un vaccin antinicotinique. En voie d'élaboration à l'Université de Lausanne, et alors que des chercheurs américains et britanniques se sont également lancés dans la course, ce vaccin qui tuerait l'envie de fumer devrait connaître ses premiers essais sur l'homme cette année, alors que les expériences jusqu'ici menées sur les souris se sont avérées prometteuses. Non pas voué à provoquer le dégoût chez les fumeurs au point de les rendre malades à la moindre bouffée, le vaccin aura plus exactement pour effet de faire perdre aux adeptes de volutes tout l'intérêt pour la cigarette, ou en tout cas toute dépendance. La nicotine ne devrait en effet plus avoir le moindre effet sur ceux dont l'organisme, vacciné, aura appris à fabriquer des anticorps, lesquels capteront la nicotine dès qu'elle pénétrera dans le sang par les poumons et, de ce fait, l'empêcheront d'atteindre le cerveau. La réaction face à la nicotine est comparable à celle d'un organisme réagissant vis-à-vis d'un germe ou d'un virus d'une maladie contre lequel il est immunisé.

© La Libre Belgique 2001

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