Le sang des Européens comme pestiféré, pour la Croix-Rouge américaine

Afin de protéger le sang disponible aux Etats-Unis de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite maladie de la vache folle, et de sa forme humaine, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la Croix-Rouge américaine compte demander aux autorités sanitaires fédérales d'interdire la collecte des dons de sang provenant de donneurs ayant séjourné plus de 6 mois en Europe occidentale au cours des 20 dernières années. Une mesure bien justifiée ?

PAR LAURENCE DARDENNE

ENTRETIEN

Afin de protéger le sang disponible aux Etats-Unis de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite maladie de la vache folle, et de sa forme humaine, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la Croix-Rouge américaine compte demander aux autorités sanitaires fédérales d'interdire la collecte des dons de sang provenant de donneurs ayant séjourné plus de 6 mois en Europe occidentale au cours des 20 dernières années.

En 1999, la Food & Drug Administration (FDA), l'agence de contrôle des médicaments et des aliments, avait déjà interdit la collecte de sang des personnes ayant séjourné plus de 6 mois en Angleterre. On peut légitimement se demander si la volonté de viser désormais toute l'Europe de l'ouest, comme stipulée par la FDA, est bien justifiée.

A cette question, Jacqueline Frederick, vice-présidente des services biomédicaux à la Croix-Rouge américaine, répond que «la raison découle des preuves grandissantes de la présence d'ESB dans ces pays et aussi de preuve en laboratoire sur des modèles animaux qu'elle se transmet par le sang, même si nous ne connaissons aucun cas de transmission par transfusion sanguine. () Il s'agit d'une mesure de prudence et de précaution jusqu'à ce que nous disposions de recherches adéquates sur le sujet et d'un test qui nous permettent de prendre des décisions en toute connaissance de cause () La sécurité est notre priorité absolue. Il ne saurait y avoir de marchandage entre la sécurité et la disponibilité».

Sans que la moindre précision quant aux pays en cause n'ait été donnée, on peut s'interroger sur les risques éventuels en Belgique. Tentative de réponse avec le Pr Danièle Sondag, directrice du service sang de la Croix-Rouge belge pour la Communauté française.

Cette décision vous semble-t-elle justifiée?

Comme bien précisé, il s'agit là avant tout d'une décision de précaution. Cela dit, si les Américains prennent cette décision, elle s'inscrit en droite ligne dans le mouvement d'excitation observé en Europe dans le cadre de ce problème. Alors que, longtemps, seule la Grande-Bretagne était concernée par des cas humains, la France semble aujourd'hui également touchée. Si tel est le critère de décision, il paraît effectivement assez logique d'inclure la France. Si le critère est relatif au taux de cheptel incriminé, on peut également inclure l'Angleterre, la France et la Suisse. Cela dit, peut-être les Américains n'osent-ils pas, pour des raisons politiques, uniquement inclure la France, et donc préfèrent-ils impliquer toute l'Europe. D'autre part, suite au nombre accru de tests pratiqués en Europe, on trouve forcément de plus en plus de cas, ce qui ne peut que les conforter dans leur décision.

Que pensez-vous de la décision d'exclure les donneurs ayant séjourné en Angleterre?

Cela me perturbe un peu, dans la mesure où le risque majeur que les Belges ont couru n'est pas relatif à un séjour en Angleterre, mais plus exactement à la consommation de viande britannique. Cela dit, on peut difficilement envisager de demander au donneur s'il mange de la viande. Autant dire qu'on «fermerait boutique» demain. Une étude réalisée aux Pays-Bas a démontré que le risque transfusionnel de trouver un donneur qui est infecté parce qu'il a été en Angleterre serait de l'ordre de 1 à 3 pc, le reste l'ayant été par de la viande importée. Aussi je ne pense pas qu'une telle mesure puisse réellement diminuer le risque, si risque il devait y avoir.

La procédure au niveau de la sélection des donneurs a-t-elle changé en Belgique, depuis l'apparition de l'ESB?

Oui, une série de questions sont posées aux donneurs depuis quelques années déjà. On leur demande s'ils ont subi au cours des dernières années une opération de neurochirurgie, s'ils ont reçu de l'hormone de croissance, ou encore s'il y a eu des cas de Creutzfeldt-Jakob dans la famille.

Existe-t-il, en Belgique, des risques de transmission?

Si on peut supposer que l'ESB peut se transmettre par le sang, à ce jour, on n'a aucune preuve de transmission par transfusion sanguine. On prend donc des mesures de précaution maximum sans preuve scientifique.

Sachant que le risque zéro n'existe pas, quels sont dès lors les risques qui subsistent lors des transfusions en Belgique?

Le risque transfusionnel n'a jamais été aussi bas qu'il l'est actuellement en Belgique, excepté celui du prion pour lequel subsistent des inconnues. Le risque HIV est de l'ordre de 1 sur 2 millions de produits transfusés, soit environ un cas tous les trois ans; le risque d'hépatite C est de l'ordre de 1 sur 500.000 et celui d'hépatite B est estimé à 1 sur 200.000. On est revenu à une situation plus saine qu'avant l'apparition du sida.

© La Libre Belgique 2001

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...