Raideur et tremblements, si chers à Parkinson
La main droite qui s'affole, qui semble animée d'une vie propre et qui échappe à la volonté... Je regarde, incrédule cette main qui tremble, je n'ose rien dire, rien demander, croyant à une fatigue passagère, ça va passer, forcément. Mais ça continue, parfois c'est si insistant que j'ai envie de te demander d'arrêter...
Publié le 25-04-2006 à 00h00
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DOSSIER
La main droite qui s'affole, qui semble animée d'une vie propre et qui échappe à la volonté... Je regarde, incrédule cette main qui tremble, je n'ose rien dire, rien demander, croyant à une fatigue passagère, ça va passer, forcément. Mais ça continue, parfois c'est si insistant que j'ai envie de te demander d'arrêter...
Comme si tu le faisais exprès...
Un soir, au restaurant, je m'enquiers avec timidité: «C'est quoi ces tremblements?». Tu me regardes calmement et lâches: «Je m'en occupe». C'est tout. Alors si tu t'en «occupes», j'ai tort de m'inquiéter, toi, mon ami, mon collègue, qui prends tout en charge, qui ne te plains jamais, je te fais confiance.
Le temps passe, je vois que tu trembles encore, tu caches ta main dans ta poche, mais la fatigue trahit tes ruses, certains soirs tu es pâle jusqu'aux lèvres... Quelque chose te mange, t'épuise, mais tu ne dis rien. Trop de travail, de soucis, tu ne veux rien m'expliquer et moi je te respecte trop pour insister. Je cherche, je me doute de ce que c'est, ça ressemble tellement à ce que je lis, mais je ne veux pas y croire, ce n'est pas vrai puisque tu n'en parles pas.
Et puis la rumeur court, insupportable, on dit que... on suppose... alors n'y tenant plus, au détour d'une conversation anodine, je pose la question.
Tu réponds sans hésiter: «Oui j'ai une maladie neurologique, la maladie de Parkinson». (lettre à mon collègue et ami, S. Fent, lalibre.be)
Raideur, lenteur des mouvements et tremblements sont les caractéristiques principales de cette maladie neurodégénérative dont on n'a pas encore élucidé tous les mystères. Les régions cérébrales lésées ont en revanche été bien identifiées de même que le mécanisme sous-jacent à la maladie, laquelle procède d'une destruction lente et progressive de certaines cellules du cerveau qui produisent la dopamine. Il se produit, en effet, lors de la maladie, une perte de certains neurones situés dans une partie du cerveau appelée «substance noire». Ces neurones contrôlent, via un neurotransmetteur appelé dopamine, différentes zones du cerveau impliquées dans la coordination des mouvements.
Aux troubles moteurs engendrés par la maladie peuvent être associés des pertes de mémoire, de l'anxiété soudaine, des crises de panique, des tendances dépressives.
Les traitements disponibles
Si la maladie ne peut être guérie, les traitements médicamenteux permettent, en restaurant des taux efficaces de dopamine, de corriger les symptômes moteurs, sans en entraver l'évolution, perdant au fil des années de leur efficacité.
Dans le domaine du traitement chirurgical, la «stimulation cérébrale profonde» peut corriger efficacement les symptômes moteurs chez certains malades. Cette technique, qui permet de contrôler les symptômes gênants, avec l'aide de doses réduites de médicaments, consiste à implanter une électrode dans la zone du cerveau identifiée comme étant à la source du problème. L'électrode est reliée par un fil placé sous la peau à une batterie réglable généralement installée sous la clavicule, un peu comme un pacemaker cardiaque. On estime que 5 à 10 pc des malades sont candidats à cette opération qui est réservée aux patients devenus résistants aux traitements médicamenteux. Considérée comme relativement sûre, cette technique est réversible, en éteignant ou en retirant l'électrode.
Des pistes prometteuses
Parmi les pistes de recherche les plus prometteuses, «à court terme, elles consistent uniquement en approches pharmacologiques, nous explique le Dr Shibeshi Belachew, neurologue au CHU Liège, il s'agit d'essayer d'améliorer la stabilité des patients sous traitements médicamenteux lorsqu'ils ont de longues périodes de substitution par lévodopamine derrière eux. Si le traitement médicamenteux est généralement très efficace au début de la maladie, pendant une période appelée «lune de miel» ou «Nirvana», qui peut durer 2, 5, voire 10 ans, le patient échappe ensuite souvent au traitement, malgré des doses élevées. Ils ne répondent alors plus aux médicaments et manifestent des mouvements anormaux, à la limite plus gênants que les tremblements apparus à la phase initiale de la maladie. Ceux-ci sont actuellement traités très efficacement par la chirurgie, en l'occurrence la stimulation cérébrale profonde, qui consiste à implanter des électrodes dans certains noyaux de la base du cerveau avec une efficacité remarquable dans le contrôle de ces mouvements anormaux. Il ne s'agit toutefois que de traitements symptomatiques, ne servant qu'à compenser les dérégulations.»
La thérapie cellulaire
Quant aux traitements agissant sur la pathologie, sans pour autant être curatifs, les seuls à pouvoir être envisagés sont les traitements de thérapie cellulaire qui auraient pour but de remplacer les neurones dopaminergiques mourants. Une autre approche consisterait à tenter de prévenir leur mort.
«Si, à ce niveau, on n'en est nulle part, en matière de thérapie cellulaire, il y a déjà eu des essais de transplantation de neurones dopaminergiques à partir de matériel foetal, nous explique encore le Dr Belachew. Il s'agit de prélever des neurones dopaminergiques très immatures sur des cerveaux en développement qui sont le produit d'avortements, ce qui suppose de très nombreux embryons pour greffer un patient des deux côtés. D'un point de vue éthique, cela pose d'évidents problèmes.»
L'alternative consisterait à utiliser des cellules souches, capables de se différencier en n'importe quel type cellulaire du système nerveux, comme des neurones qui vont donner de la dopamine. «On pourrait imaginer prélever ces cellules souches dans le cerveau adulte d'un individu, poursuit le neurologue, les mettre dans une boîte de culture, les faire proliférer et puis se différencier en neurones dopaminergiques afin de transplanter au patient ces neurones qui proviendraient de leurs propres cellules souches. Cela aurait l'avantage des autotransplantations, ce qui évite le risque de rejet, ainsi que le problème éthique. L'autre piste qui est envisagée est le recours aux cellules souches embryonnaires.»
Quelles que soient ces pistes, aussi prometteuses soient-elles, de nombreuses inconnues demeurent au stade actuel des connaissances quant à leur innocuité et à leur efficacité.
© La Libre Belgique 2006