Grippe : quoi d’neuf, docteur ?

Les jours passent et le virus de la grippe A/H1N1 poursuit lentement mais sûrement son œuvre ; certains trépassent, la barre des 5000 morts dans le monde ayant été atteinte d’après le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Vers notre dossier spécial

Laurence Dardenne
Grippe : quoi d’neuf, docteur ?
©D.R.

Les jours passent et le virus de la grippe A/H1N1 poursuit lentement mais sûrement son œuvre ; certains trépassent, la barre des 5000 morts dans le monde ayant été atteinte d’après le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dont 1000 aux Etats-Unis, ce qui a incité le président américain, Barack Obama, à proclamer un état d’urgence sanitaire. Encore parfois fort imprécises, lacunaires et trop souvent contradictoires, les informations circulent, elles aussi. Avec une certaine constance dans les incohérences. Entre opposants au vaccin et partisans, les débats vont bon train. La polémique fut encore au cœur du débat de l’émission "Controverse" diffusée dimanche sur RTL-TVI, où Pascal Vrebos avait réuni en plateau une série d’invités concernés à divers titres par la question. Ou plutôt par les nombreuses questions toujours en suspens. Moins que de l’efficacité, c’est à nouveau de l’éventuelle dangerosité de ce vaccin qu’il fut essentiellement question. Si la ministre de la Santé, Laurette Onkelinx (PS), a, une fois encore, répété que "non, il ne s’agit pas d’un vaccin expérimental", pour sa part, le Dr Daniel Reynders, coordinateur de la cellule Influenza, a reconnu que "les effets à long terme ne sont pas encore connus". Et pour cause, le vaccin vient d’être mis au point, qui plus est en un temps record. Aucune certitude donc quant aux éventuels effets secondaires à long terme, raison qui justifierait que l’on enregistre les patients vaccinés, comme c’est prévu par un arrêté royal mais également contesté par l’Absym et l’AMF, alliance majoritaire des syndicats de médecins. La semaine dernière (LLB du 23 octobre 2009), ils ont en effet lancé un mot d’ordre formel à leurs membres, les priant de ne pas procéder à cet enregistrement qui ficherait les "personnes à risque" et qui va à l’encontre des lois sur la protection de la vie privée.

Que l’on se rassure toutefois, est intervenue la ministre de la Santé qui affirme avoir largement consulté les personnes ad hoc avant de prendre cette décision : "Ces données restent anonymes (NdlR : dans une certaine mesure du moins, puisque le code enregistré peut être décodé), elles doivent avant tout permettre de pouvoir retrouver rapidement les personnes vaccinées, en cas de lot de vaccins défectueux, par exemple." Preuve que ces données ne sont donc pas vraiment anonymes. Et la ministre d’ajouter : "U ne fois l’épidémie passée, toutes ces données seront aussitôt effacées." Mais alors, si ce n’est pour pouvoir les confronter dans un avenir plus ou moins proche en cas d’éventuels effets secondaires à venir, à quoi bon cette base de données que l’on nous dit éphémère ? On s’interroge. Quoi qu’il en soit, le Conseil national de l’Ordre des médecins estime, pour sa part, que le praticien ne viole pas le secret professionnel s’il fournit à la banque de données fédérale les données personnelles demandées dans ce projet d’arrêté, même s’il estime que la proposition de création d’une banque de données fédérale et les modalités d’enregistrement par le biais du système e-health soulèvent des questions de fond et des objections pratiques. Selon l’Ordre, il est "malvenu" de rendre celui-ci obligatoire "à un moment où l’incidence de la nouvelle variante de la grippe A/H1N1 prend des allures exponentielles et où la charge de travail supplémentaire qui en découle pour le médecin ne permet pas un usage idéal des fonctionnalités de la plate-forme, sans mettre en péril la qualité des soins". Autre point qui demeure peu clair, celui de la vaccination de deux publics bien spécifiques : d’une part, les femmes enceintes, qui figurent dans les publics à risques et donc prioritaires pour la vaccination, mais sur lesquelles le nouveau vaccin n’a pu être expérimenté ; et, d’autre part, les enfants de moins de 10 ans pour lesquels l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments recommande deux doses de vaccin alors qu’il semblerait qu’une dose soit suffisante. " Le virus évolue et il est normal que les armes que l’on développe contre lui évoluent elles aussi ", répond à cela Xavier De Cuyper, administrateur de l’agence fédérale des médicaments. En attendant, de nombreuses questions restent sans véritables réponses, le corps médical étant parfois le premier à exprimer son scepticisme par rapport au vaccin dont certains médecins ne cachent pas redouter les effets secondaires. Ainsi, dimanche, confronté aux "énormes surplus de vaccins", le syndicat des médecins flamands (SVH) devait-il lancer un appel au personnel hospitalier, lui demandant de se vacciner contre la grippe A-H1N1. Comment, dans ce cas, espérer convaincre le public ? Et ne pas le troubler ?

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