Effet nocebo d’une certaine info

"Se pourrait-il qu'à force d'être informé, désinformé, martelé, baladé, inquiété, stressé, affolé, découragé, désespéré, l’homme moderne se prépare à sombrer dans une sorte de marasme anxieux propice à l’éclosion d’une kyrielle de maladies modernes ?"

Laurence Dardenne
Effet nocebo d’une certaine info
©D.R.

Rencontre "Se pourrait-il qu'à force d'être informé, désinformé, martelé, baladé, inquiété, stressé, affolé, découragé, désespéré, l’homme moderne se prépare à sombrer dans une sorte de marasme anxieux propice à l’éclosion d’une kyrielle de maladies modernes ?" Cette question, c’est le Dr Patrick Lemoine qui la pose en ces termes dans "Le mystère du nocebo" (1). Pour ce médecin français, psychiatre spécialisé dans l’exploration et la prise en charge des troubles du sommeil et de la dépression, la réponse - presque implicite dans la question - ne fait pas l’ombre d’un doute. C’est oui. Nuances et expériences scientifiques à l’appui, il le démontre au fil des pages de cet ouvrage et nous en explique face à face les raisons, prenant les exemples qui lui passent par la tête, pêchés dans une information immédiate et trop souvent inutilement nocive. Car en réalité, c’est bien de cela qu’il s’agit. Contrepoint à l’effet placebo, que l’auteur décrit comme "ce petit supplément qui fait qu’un médicament actif le sera plus et mieux si le thérapeute et son patient sont réunis dans la même conviction", l’effet nocebo, a contrario, rend le traitement "moins efficace qu’il ne devrait, mais en plus, il peut faire du mal du fait d’effets secondaires augmentés, inattendus ou aberrants", au point que la médication devienne parfois toxique. "Dans ce cas, poursuit le Dr Lemoine, le remède devient poison. Nuisible. Donc, nocif nocebo."

Quel rapport avec les (mauvaises) nouvelles diffusées par les médias, ici entendu au sens large - mass media (presse écrite, radio, télévision, cinéma, Internet ) -, mais aussi lorsque "le curé parle en chaire, le professeur en classe ou à l’université, le juge au prétoire, le médecin à ses malades, le politique en campagne électorale " ?

Si l’on part du principe que le médicament a pour principales fonctions de prévenir, fortifier et traiter, "normalement, les médias devraient agir comme un vaccin destiné à informer les populations d’un éventuel événement, une manière de nous préparer, de nous prémunir contre un éventuel danger, un peu à l’instar du tocsin qui retentissait autrefois pour prévenir les populations d’un incendie ou de l’imminence de toute autre menace", nous explique le psychiatre. "L’information est essentielle, vitale pour tous, de la bactérie du géranium à l’être humain, en passant par la limace. Nous ne pouvons vivre sans information; c’est elle qui nous permet de nous mettre en alerte et de survivre", poursuit-il.

A la question de savoir si les médias sont des médicaments, le médecin rétorque qu’ils peuvent, en effet, "agir comme des remèdes capables de se comporter comme un antidote à nos angoisses, fournir des solutions en cas de problème". Exemple : pour éviter la contamination par le virus de la grippe, respectez avant tout les consignes élémentaires d’hygiène.

Mais , comme un médicament mal utilisé, "avec la dérive actuelle des médias, leur inflation, le matraquage non-stop, la surinformation, l’absence de régulation, les manipulations de toutes sortes, les polémiques pour les polémiques, tonne Patrick Lemoine, l’information s’est transformée aussi en une sorte de poison lent, tant elle est devenue incontrôlable et contradictoire. Un médicament capable de rendre dépendant, stressé et, au bout du compte, malade".

Car si le stress, la douleur, l’insomnie sont les manifestations les plus visibles, "il ne faut pas s’imaginer que l’effet nocebo se cantonne à ces seuls symptômes psychologiques, affirme encore l’auteur, on peut observer son empreinte sur les maladies psychosomatiques (ulcère à l’estomac, eczéma, psoriasis, asthme ) et même organique (cancer, infections ). On sait, par exemple, que l’on peut, grâce à la poudre de Perlimpinpin, modifier dans le bon comme dans le mauvais sens la tension artérielle, l’acidité gastrique, le taux de cholestérol, le nombre de globules blancs. Même le système immunitaire est accessible à la suggestion et au bon conditionnement".

Délivrance de l’ordonnance antinocebo dans l’ouvrage !

(1) "Le mystère du nocebo", Dr Patrick Lemoine, Odile Jacob, 22,90 €.


Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...