Impossible d’éviter le conflit d’intérêts ?

La question a été posée au directeur du Centre fédéral d’expertise des soins de santé.

Laurence Dardenne

W. P. a reçu des fonds pour la conduite de recherches ainsi que des indemnités de voyage pour participer à des congrès; B. S. a reçu une rémunération pour une communication, un subside de formation, une prise en charge de frais de voyage ou un paiement à l’occasion d’une participation à un symposium; Y. V. L. a reçu des fonds pour la conduite de recherches ainsi que des honoraires de consultation de la part des firmes pharmaceutiques GSK et Wyeth/Pfizer, ainsi que des indemnités de voyage pour participer à des congrès Longue est encore la liste des conflits d’intérêts mentionnés en préambule du rapport coût-efficacité des vaccins antipneumococciques chez l’enfant, récemment publié par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE).

Ces mentions n’ont pas échappé à l’association Initiative citoyenne, qui s’est interrogée sur la valeur de " ce rapport qui n’est pas défavorable aux producteurs des vaccins ". " Neuf personnes qui ont un lien (ou plusieurs) d’intérêts : n’est-ce pas un peu beaucoup pour une institution dont le directeur prétend qu’elle opère en toute objectivité et en toute indépendance ? ", nous interpelle Sophie Meulemans, de l’équipe Initiative citoyenne.

La question, nous l’avons donc directement posée au directeur général du KCE, Raf Mertens, qui nous a aimablement répondu.

Par rapport à la liste assez impressionnante des experts ayant un conflit d’intérêts : " Si la liste paraît longue, c’est par souci de transparence mais, en soi, ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel du tout. Dès lors que l’on est expert dans une matière dans le monde médical, très souvent aussi on est invité par des producteurs pour intervenir dans telle ou telle conférence. Ou encore au niveau des universités pour faire des recherches sur tel ou tel produit. Ce sont des pratiques qui sont extrêmement courantes et pour lesquelles on demande de plus en plus de transparence, ce qui est une bonne chose ."

Le fait de déclarer publiquement ces conflits d’intérêts suffit-il pour autant à accorder tout le crédit présumé au rapport ? " Le rapport et ses conclusions sont un produit du KCE. Et, au niveau du KCE, nous essayons d’éviter au maximum, voire tout à fait, les conflits d’intérêts. Dans ce sens, nous sommes plutôt sereins par rapport à cela. Et nous osons dire que ces conclusions sont élaborées en toute indépendance ."

N’y a-t-il aujourd’hui vraiment plus moyen de trouver des experts dans le domaine médical qui soient totalement indépendants et "vierges" de tout conflit d’intérêts ? " Il est, en effet, extrêmement difficile de trouver des gens qui ne soient pas fortement impliqués dans un domaine et qui soient en même temps des experts, puisque ce sont précisément eux qui sont impliqués notamment dans des congrès. Il faut reconnaître que, pour ce qui des experts sur le terrain, effectivement, il s’agit le plus souvent de gens qui ont des liens plus ou moins prononcés avec des parties prenantes . Donc oui, c’est une chose fréquente, courante et difficile à éviter ."

Même si cette pratique est courante, les enjeux financiers et le lobby des firmes étant ce qu’ils sont, le grand public peut légitimement s’interroger sur l’objectivité et l’indépendance des expertises qui lui sont présentées, non ? " Tout à fait, et c’est pour cela que l’on a besoin d’instances comme le KCE qui se situent un peu au-dessus de la mêlée en la matière et qui puissent émettre un jugement en toute indépendance, même après avoir écouté mais de manière critique - et c’est notre métier - des experts extérieurs. Nos experts sont entraînés à l’évaluation critique des sources. Même s’ils ne sont pas spécialistes du pneumocoque ou du vaccin, ils le sont de l’analyse médicale. Nous essayons alors de faire la part des choses et de trouver des formulations qui sont objectives et vérifiables ."

Et au niveau du KCE, qu’en est-il précisément de l’indépendance des experts ? " C’est évidemment toujours un plus d’avoir des gens qui ont une position indépendante et c’est ce que nous essayons de maintenir au niveau du KCE puisque nous sommes un service public financé par le public et donc, nous n’avons pas besoin de faire appel à des fonds, financés par l’industrie ."

Alors, en définitive, comment convaincre le grand public de la totale impartialité de ces rapports ? " Il est toujours extrêmement difficile de convaincre quelqu’un d’avoir confiance. C’est quelque chose qui se mérite par un parcours sans faute. Et donc, jusqu’à nouvel ordre - et j’espère que ce sera toujours le cas - le KCE n’a jamais été mis en cause sur ce plan. Et ce, après publication de 160 études. Pour le reste, au public de juger ."

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