Le touriste, un patient comme les autres

Les hôpitaux privés européens ne pourront plus surfacturer aux touristes. Une prescription belge sera suffisante pour se procurer des médicaments.

Valentin Dauchot
Le touriste, un patient comme les autres
©REPORTERS

Terminé les consultations en grec ou en espagnol pour se procurer un médicament pendant les vacances ! Une nouvelle directive européenne entrée en vigueur ce vendredi renforce la mobilité des patients au sein de l’UE et facilite l’accès aux soins. Première nouveauté : les Belges pourront désormais se procurer des médicaments dans les pharmacies de n’importe quel Etat membre avec une prescription belge, et n’auront donc plus besoin de passer par un médecin du cru. Deuxième innovation : plus intéressante encore, l’obligation faite aux cliniques privées de respecter les tarifs nationaux lors des opérations pratiquées sur les touristes, qui paieront désormais le même prix que les patients locaux. “Avant, les patients étrangers pouvaient payer deux à trois fois plus cher , explique l’expert des affaires internationales à l’Union nationale des mutualités libres, Christian Horemans. C’est terminé ! Les touristes qui auront besoin de soins médicaux urgents pendant leurs vacances ne devront plus redouter de payer une note exorbitante s’ils vont dans un établissement privé. Ce qui était déjà le cas pour les hôpitaux publics.” Les patients désireux de consulter un prestataire de soins à l’étranger n’auront, en outre, plus l’obligation de consulter au préalable le médecin conseil de leur mutuelle, qui remboursera les frais médicaux sur base des tarifs pratiqués en Belgique.

Pas de remboursement d’office

Les petits malins qui vont se faire opérer à moitié prix en Hongrie bénéficieront-ils donc d’un remboursement plus élevé calculé sur base des tarifs belges ? “Non , insiste Christian Horemans. Les mutuelles utiliseront leurs grilles habituelles de remboursement, mais tiendront compte du prix effectivement payé à l’étranger.” Et l’expert des Mutualités libres de mettre en garde contre la fausse idée d’un remboursement d’office.

“Les hospitalisations et soins ambulatoires onéreux ou liés à des appareils de haute technologie nécessiteront encore un accord écrit de la mutualité. Ce sera le cas pour des techniques très spécifiques comme la médecine nucléaire, mais également des disciplines plus large comme l’orthodontie. Il faut aussi savoir que si le traitement reçu à l’étranger n’existe pas en Belgique, il ne pourra pas être remboursé, et que certaines prestations imposent encore des conditions de remboursement supplémentaires. Il vaut donc mieux demander préalablement conseil à sa mutualité pour éviter les mauvaises surprises.”

Peu de tourisme médical

Selon les informations du SPF Santé publique, le Belge est “plutôt satisfait” du système national de santé. “Nos soins sont bons et, contrairement à beaucoup de pays européens, nos hôpitaux n’ont pas de listes d’attente”, explique Christiaan Decoster, directeur de l’observatoire pour la mobilité des patients, organisme créé en 2011, afin de s’assurer que l’arrivée éventuelle de patients étrangers ne vient pas compliquer cet accès aux soins de santé. Les Mutualités libres recensent chaque année plus de 7 000 Français dans les établissements de la zone frontalière et “de nombreux patients” hollandais dans les hôpitaux flamands. “Mais au final, cela représente moins de un pour cent de nos soins et on ne s’attend pas à ce que ce taux de fréquentation explose.”

Peu de risques, également, d’assister à une fuite de patients belges vers l’étranger pour y bénéficier de tarifs moins élevés ou de méthodes de spécialistes renommés. “Neuf mille des deux millions d’assurés couverts par les Mutualités libres se sont déplacés à l’étranger pour des soins programmés ou l’achat de médicaments” , précise Christian Horemans. Si on se limite “aux traitements programmés à l’étranger” qui nécessitent une autorisation préalable, ce chiffre retombe même à 1 280 et ne devrait pas drastiquement augmenter dans les années à venir.

Pas d’inquiétudes non plus au niveau européen où peu de données sont déjà disponibles pour évaluer le phénomène avec précision. Selon les évaluations de la DG Santé de la Commission, seuls un pour cent des patients traités dans les 28 Etats membres en 2012 étaient originaires d’un autre pays de l’Union “et cela inclut l’impact de la carte santé utilisée en urgence durant les vacances”. Un baromètre européen révèle également que seuls quatre pour cent des personnes interrogées disent avoir voyagé pour raison médicale par le passé, alors que cinquante-trois pour cent d’entre elles envisagent de le faire à l’avenir.

Des cliniques pour étrangers

Les choses pourraient donc changer. Certains pays de l’UE ou de sa périphérie sont déjà connus pour la qualité de leurs soins à l’image de la Hongrie pour la dentisterie ou la Tunisie pour la chirurgie esthétique, et de nouveaux hôpitaux “de luxe” spécialement conçus pour les touristes médicaux auraient déjà fait leur apparition en Turquie. Compte tenu du bon rapport qualité-prix de son système de santé, la Belgique n’est pas directement concernée, mais d’autres pays de l’Union pourraient bien voir partir leurs patients s’ils ne parviennent pas à leur fournir assez de lits.

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