Mère porteuse en Belgique : possible mais pas si simple
Mère porteuse en Belgique : possible mais pas si simple. La Grèce vient d’assouplir sa loi en matière de mères porteuses. Elle s’attend à un afflux de “touristes” venant y pratiquer la gestation pour autrui. En Belgique, la GPA n’est pas légalement autorisée, mais elle est pratiquée.
Publié le 09-08-2014 à 14h27 - Mis à jour le 09-08-2014 à 17h46
Mère porteuse en Belgique : possible mais pas si simple. La Grèce vient d’assouplir sa loi en matière de mères porteuses. Elle s’attend à un afflux de “touristes” venant y pratiquer la gestation pour autrui. En Belgique, la GPA n’est pas légalement autorisée, mais elle est pratiquée.
Tout un parcours qui demande de la réflexion, de tous
Si, en 1997, le CHU Saint-Pierre a fait le choix de proposer une prise en charge structurée de la gestation pour autrui (GPA), " c’est parce que nous avons été touchés par une histoire ", nous confie le Dr Candice Autin, médecin responsable du Centre de procréation médicalement assistée (PMA) au CHU Saint-Pierre, à Bruxelles.
" Au niveau de notre centre de fertilité, il y a une tradition ou une manière de procéder : toute demande a le droit d’être entendue au moins par quatre oreilles, deux d’un psy et deux d’un clinicien. Nous partons du principe selon lequel, dès le moment où une demande n’est pas illégale, nous sommes prêts à l’entendre et à réfléchir ensemble, avec l’équipe multidisciplinaire. Pour ensuite pouvoir donner à nos patients une réponse motivée. ".
L’histoire qui a ému l’équipe de Saint-Pierre, en 1997, est celle d’un couple français dont la petite fille était décédée, victime d’une méningite, à l’âge d’un an. Lorsque la maman s’est à nouveau retrouvée enceinte, elle a encore perdu son bébé, à 8 mois de grossesse, suite à un décollement massif du placenta. Une hystérectomie (ablation de l’utérus) a mis fin à ses espoirs de maternité. Juste après ces événements, ses deux sœurs ont proposé d’emblée de porter l’enfant du couple. La GPA étant interdite en France, ils se sont renseignés en Belgique.
C’est ainsi qu’eut lieu, après un an de réflexion, la première GPA à St-Pierre, à l’issue de laquelle est née, en 1999, une petite fille, " qui va très bien aujourd’hui ".
Depuis lors, ce centre - un des trois en Belgique- compte une quarantaine de prises en charge de ce type, alors qu’il y a quatre fois plus de demandes… " Il y a celles qui s’éliminent d’elles-mêmes et celles que l’on refuse , poursuit le Dr Candice Autin. Nous devons avant tout nous trouver dans une situation où il existe une indication médicale de recourir à une GPA ".
Trois types d’indications médicales
Il existe en effet trois catégories définies par le groupement européen de médecine de reproduction : l’absence d’utérus, que ce soit de naissance ou suite à une intervention; les situations médicales qui contre-indiquent une grossesse parce qu’elles mettent en danger la vie de la mère ou du bébé; et les cas plus discutables où il y a eu, à répétition, des fausses couches ou des échecs de traitement de fertilité.
" Il faut aussi être dans le cadre légal , explique encore la spécialiste. La FIV peut se faire avec remboursement jusque 43 ans et non remboursée jusque 45 ans. Une demande pour GPA d’une femme de 47 ans sera donc d’office refusée" . Avant de lancer la procédure médicale, il y a toujours une consultation juridique.
En outre, le CHU Saint-Pierre a, pour sa part, émis certains critères : la candidate mère porteuse doit être mère, " il faut qu’elle ait déjà expérimenté une maternité "; elle doit être en bonne santé, et avoir eu des grossesses sans problème.
Quant au couple d’intention, poursuit le Dr Autin, " il faut que la femme n’ait pas de contre-indications médicales à subir une stimulation ovarienne puisque le couple va avoir une FIV. C’est leur embryon obtenu en labo qui est implanté dans l’utérus de la mère porteuse.
Chez nous, les parents d’intention sont toujours les parents génétiques de l’enfant. Il n’y a jamais de lien génétique entre la mère porteuse et l’enfant. Il s’agit de mères porteuses relationnelles. Dans environ 60 pc des cas, la mère porteuse est de la famille, dans 20 à 25 pc des cas, c’est une amie très proche, et pour le reste, il s’agit de couples qui ne connaissaient personne au départ et qui ont fini par trouver . Nous leur demandons alors toujours de créer une vraie relation avec cette personne avant de nous rencontrer . Comme il n’y a pas de loi spécifique à la GPA en Belgique, tout repose sur de la solidarité et de la confiance mutuelle ".
Accepter, refuser ou mettre en attente
Peuvent alors commencer les entretiens avec les médecins et psychologues, " où l’on retrace les parcours . Toutes les souffrances sont différentes. Nous essayons de savoir quel type de relations les parents ont établi avec la mère porteuse. Nous soulevons toute une série de questions . Puis, en réunion, gynécologues, embryologistes, infirmières, psychiatres, psychologues… discutent des situations et prennent la décision : accepter la prise en charge, la refuser ou la mettre en attente ".
Chez nous, même sans loi, la GPA est pratiquée
En Belgique, il n’existe pas de loi spécifique concernant la gestation pour autrui. "Mais dire qu’il y a un vide juridique ne serait pas exact, c’est le droit commun qui s’applique" , précise l’avocate Jehanne Sosson, professeur au centre du droit de la famille à l’UCL. Problème : si les deux parties (parents d’intention et mère porteuse) passent un contrat, un accord, celui-ci, au point de vue juridique, n’aura aucune valeur. " S’il y a un problème, aucune partie ne pourra faire appel à la justice" pour faire appliquer le contrat. Lorsque tout se passe bien, la mère légale est la femme qui accouche. Le père d’intention reconnaît alors l’enfant, la mère d’intention, elle, adopte le bébé. Mais dans le cas où la mère porteuse ne consent plus à l’adoption ?
"Dangereux pour tout le monde"
En Flandre, en 2004, une mère de subsitution belge avait décidé de "vendre" son enfant à un couple de Hollandais car il offrait davantage d’argent qu’un premier couple belge rencontré sur Internet. " Mais devant la justice, le contrat était nul. On voit donc que c’est dangereux, dangereux pour tout le monde. Ce qui arrive en Thaïlande pourrait arriver chez nous."
En théorie, du moins, car le processus, lorsqu’il se passe dans les trois seuls hôpitaux qui le pratiquent en Belgique, est très encadré (lire ci-contre). "À ma connaissance, il n’y a jamais eu de problème, et j’exclus que cela puisse arriver dans les hôpitaux." Dans ce cadre, il n’y a par exemple jamais de payement. Mais il y existe aussi des initiatives "sauvages", et l’avocate préférerait l’instauration d’une loi qui encadre les GPA en Belgique. Le choix de la Grèce qui impose un passage au tribunal avant le processus lui paraît intéressant. Un inconvénient de l’absence de loi est par exemple le fait que les hôpitaux belges ont leurs propres critères, avec les risques de discrimination que cela implique. Ainsi, les trois hôpitaux belges qui prennent en charge des GPA ne réalisent pas de gestation pour autrui pour les couples de même sexe.
"Aspect de réparation"
"Mais ce n’est pas une question de discrimination , explique le Pr Michel Dubois, chef de service au CHR de la Citadelle, à Liège. Il y a un aspect de "réparation" dans la GPA, par exemple pour une femme qui n’a pas d’utérus. Ce qui n’est pas le cas chez deux hommes. Mais c’est discutable et on y réfléchit." L’ASBL Homoparentalités confirme que les demandes en Belgique sont rares. " C’est un problème de non-information. Les couples gay pensent que c’est illégal en Belgique et n’essayent même pas ." Ils se dirigent donc à l’étranger, entre autres aux Etats-Unis, malgré le coût et la complexité de la démarche (long séjour...). Mais face à l’adoption ou la co-parentalité, cela reste un choix marginal au sein de la communauté gay belge.
La Grèce sera encore plus souple
La Grèce, bientôt grand lieu du tourisme… de la fertilité ? La Grèce a franchi cet été un nouveau cap en supprimant pour les couples souhaitant recourir à la gestation pour autrui (GPA), et pour les mères porteuses, l’obligation d’avoir leur résidence permanente sur son territoire. "Il faut s’attendre à ce que de plus en plus de ressortissants étrangers choisissent la Grèce" pour avoir un enfant par mère porteuse, prédit Takis Vidalis, de la Commission nationale de bioéthique. Avec les risques que ce procédé comprend, comme l’a montré cette semaine l’exposition médiatique du cas d’un bébé trisomique né d’une mère porteuse thaïlandaise et abandonné par les parents australiens.
Destinations pour parents d’intention
Le "tourisme de la fertilité" est déjà très ancré en Grèce depuis que la loi a largement ouvert, il y a douze ans, l’accès aux différentes méthodes de procréation médicale assistée. Pour la GPA, plusieurs destinations dans le monde sont privilégiées par les "parents d’intention" : l’Ukraine, l’Inde, la Thaïlande, ou encore l’Etat d’Illinois. La Belgique, où la GPA ne fait pas l’objet de loi mais est pratiquée, voit arriver pas mal de ressortissants français, et dans une moindre mesure d’autres pays. Mais au total, les chiffres belges restent marginaux : "On a à peu près trois ou quatre cas par an. Les conditions sont très strictes , explique le Pr Michel Dubois (CHR Citadelle). Les indications médicales réelles ne sont pas si courantes, et il faut aussi trouver la mère porteuse dans le cercle restreint, et ce n’est pas rémunéré." Certains parents belges, célibataires ou de même sexe, pratiquent de leur côté la GPA à l’étranger, à la recherche d’une situation plus ouverte.
So.De. (avec AFP)