Traiter la ménopause: risques et bénéfices
Les bouffées de chaleur ne sont pas l’unique symptôme dont se plaignent de nombreuses femmes ménopausées. Peuvent-elles prendre sans crainte un traitement hormonal de substitution ? La réponse du gynécologue en l’état actuel des connaissances.
Publié le 28-09-2014 à 20h00 - Mis à jour le 29-09-2014 à 13h20
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/7NFVRX24NJB6TNDB2DT5G6HK6A.jpg)
Les bouffées de chaleur ne sont pas l’unique symptôme dont se plaignent de nombreuses femmes ménopausées. Peuvent-elles prendre sans crainte un traitement hormonal de substitution ? La réponse du gynécologue en l’état actuel des connaissances.
"Il faut rassurer les femmes par rapport au risque encouru de cancer du sein"
Traitement hormonal de substitution (THS) : de quel côté penche la balance risques/bénéfices ? Alors que de nombreuses femmes ont abandonné ou n’ont pas osé entamer un THS principalement par peur du risque accru de cancer du sein mis en évidence à l’époque par plusieurs études, " des données nouvelles changent à présent la perspective ", comme nous l’a expliqué le Pr Serge Rozenberg, gynécologue au CHU Saint-Pierre.
En l’état actuel des connaissances, que dire aux femmes ménopausées désireuses de prendre un traitement hormonal (TH), qui craindraient un risque majoré de cancer du sein ?
S’il s’agit d’une patiente qui a des craintes - justifiées ou non par rapport au cancer du sein et qui ne souffre pas de symptômes liés à la ménopause, je conseillerais de ne pas prendre de traitement. S’il s’agit d’une patiente qui a des symptômes, ou qui a une indication d’un traitement hormonal par exemple par rapport à l’ostéoporose à un âge jeune, ou une femme dont la ménopause survient relativement tôt, vers 45-46 ans, j’essaierais de la rassurer par rapport au risque encouru. Je lui expliquerais que ces risques ne sont pas très élevés. Ils se situent en l’occurrence entre 0 et quelques cas par 10 000 femmes/année. Autrement dit, si 1 000 femmes ne prennent pas un TH pendant dix ans, un certain nombre (20 à 30) d’entre elles vont développer un cancer du sein. Et si 1 000 femmes prennent un TH pendant dix ans, ce risque sera augmenté de quelques cas (de 5 à 10).
Et si on prend le THS pendant 2 ou 3 ans ?
Le risque sera encore plus faible puisque l’on voit qu’il augmente avec le temps. Plusieurs études ont en effet démontré qu’endéans les cinq premières années, il n’y avait quasi pas d’augmentation du risque, si l’on prend des schémas de traitement avec des doses faibles et des progestatifs plutôt neutres. Je dirais donc : utilisez les TH si vous en avez besoin et ne les prenez pas si vous n’en ressentez pas la nécessité.
En l’absence de symptômes, y a-t-il néanmoins un bénéfice à prendre un TH ?
Le seul bénéfice en l’absence de symptômes se situe au niveau osseux, Mais l’ostéoporose n’est pas une indication spécifique. Pour cela, il y a d’autres traitements ou alors l’hygiène de vie. Un autre bénéfice probable, mais qui n’est pas non plus une indication de traitement, se situe au niveau coronarien. Cela dit, je ne prescrirais pas un TH dans ce cas.
Une étude a montré que le taux de satisfaction était à peu près similaire selon que l’on prend un traitement classique ou une méthode alternative. Conseilleriez-vous d’éventuellement commencer par un traitement alternatif avant d’envisager un TH classique ?
Non. A la femme qui est ménopausée depuis un moment (six mois à un an) et qui est vraiment symptomatique, je proposerais de commencer par un traitement hormonal à doses très faibles. Si le taux de satisfaction est quasi identique, cela s’explique notamment par l’effet placebo (NdlR : qui vaut pour tous les traitements, et pas uniquement pour les méthodes alternatives). Cela dit, on conseillera aussi à la patiente de faire de la relaxation, une activité physique… On lui donnera des conseils d’hygiène de vie qui, parfois, suffisent à faire disparaître les symptômes.
Pendant combien de temps faut-il prendre ces traitements ?
C’est individuel. Les femmes très symptomatiques doivent souvent en prendre plus longtemps. Mais les études démontrent que, généralement, la symptomatologie est plus importante pendant les premières années (les trois, quatre ans) qui suivent la ménopause. Pour la majorité des patientes, après cinq ou six ans, le traitement n’est plus nécessaire. On peut aussi adapter le traitement et passer à des doses plus faibles.
Quelles sont les contre-indications ?
Les contre-indications majeures au TH sont un passé de cancer du sein, d’AVC, d’embolie pulmonaire, de fibrillation auriculaire, la présence d’une lésion pré-cancéreuse… Dans ces cas, on essaie d’éviter de prescrire un TH.
Quelles sont les principales idées fausses qui continuent de circuler à propos de la ménopause ?
La première est que la majorité des femmes ne sait pas que l’état de post-ménopause dure toute la vie après la ménopause. On accorde beaucoup d’importance au cancer du sein, ce qui est compréhensible émotionnellement, mais on oublie que le coronaire est la pathologie la plus importante en termes de mortalité ou de morbidité sévère.
Quelles sont les principales raisons pour lesquelles les femmes interrompent leur THS ?
La peur du cancer du sein et les effets secondaires. Si une femme prend un traitement trop tôt, alors que la ménopause n’est pas encore installée, il peut y avoir une tension mammaire liée à un surdosage, les patientes ayant encore une production endogène d’œstrogènes qui s’ajoute à l’apport exogène. Les pertes de sang sont un autre effet secondaire.
Au choix: hormones, soja, phyto, homéopathie…
Bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, troubles du sommeil, prise de poids, maux de tête, fatigue persistante, perte de désir sexuel, douleurs articulaires, troubles de l’humeur, sécheresse vaginale, perte de mémoire, cycles irréguliers, problèmes de concentration, jambes lourdes… Et la liste n’est pas terminée. Si toutes les femmes ne souffrent heureusement pas de tous ces symptômes à la ménopause, on ne peut pas dire que le tableau des maux qui y sont généralement associés soit rose.
Alors, comment tenter d’y remédier ?
A celles et ceux qui avancent le fait que la femme a bien vécu des siècles sans traitement, le Pr Serge Rozenberg, gynécologue au CHU Saint-Pierre, rétorque : "Oui, mais l’espérance de vie s’est considérablement allongée. Aujourd’hui, un tiers de la vie d’une femme se passe après la ménopause. Dès lors, si l’on peut apporter une solution à toutes celles qui estiment que leur qualité de vie est altérée par divers symptômes liés à ce nouvel état, pourquoi pas ? Il faut évaluer la balance risques/bénéfices et adapter le traitement dans le temps. Quoi qu’il en soit, avec un traitement hormonal, on constate une diminution de 80 à 90 % de la fréquence, de l’intensité et de l’incidence des symptômes." (voir l’entretien ci-contre).
Les traitements hormonaux de substitution (THS) ne sont cependant pas la seule solution pour soulager les symptômes.
Taux de satisfaction
S’il faut en croire un récent sondage en ligne mené auprès de 700 femmes belges âgées de 45 à 55 ans, par Dedicated à la demande des laboratoires homéopathiques Boiron - qui viennent de lancer un nouveau médicament (*) -, près d’un tiers (29 %) des femmes souffrant de bouffées de chaleur se traitent (17 %) ou se sont traitées (12 %).
Avec un taux de satisfaction variable selon les traitements : 76 % des femmes tout à fait ou assez satisfaites pour les THS, contre 52 % pour les traitements phytothérapiques et 48 % pour ceux à base de soja.
Une bonne hygiène de vie, de l’exercice physique, de la relaxation, du yoga peuvent aussi contribuer à soulager les symptômes.
Enfin, quels que soient les traitements - allopathiques, phyto, homéo ou autre -, ne perdons pas de vue l’effet placebo : de l’ordre de 20 à 30 %, qu’on se le dise !
(*) La notice le présente comme "un médicament homéopathique traditionnellement utilisé dans les bouffées de chaleur et les troubles fonctionnels de la ménopause".