De quoi booster la recherche sur la robotique médicale
Le centre d’expertise Louvain Bionics vise à fédérer les talents des chercheurs de l’UCL qui s’intéressent aux questions du mouvement et de l’assistance robotisée au geste. Cela, afin de renforcer les connaissances et les compétences dans les domaines tels que l’assistance chirurgicale, et l’aide au diagnostic et à la rééducation. Analyse.
Publié le 16-11-2014 à 16h21
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Si chacun travaille dans son coin, on n’arrive à rien. Ou en tout cas, "à moins". C’est en quelque sorte partant de cette évidence qu’est né Louvain Bionics, le centre d’expertise qui vient d’être inauguré à l’UCL, avec pour vocation de booster la recherche autour de la robotique médicale.
L’idée, en résumé : faire plancher sur des projets de recherche des équipes pluridisciplinaires composées essentiellement de médecins et d’ingénieurs. Et tant qu’on y est, associer à des professionnels confirmés et expérimentés des étudiants de fin d’études voire fraîchement diplômés.
L’ingénieur au service de la médecine
C’est précisément le cas d’Antoine Motte dit Falisse (23 ans, ingénieur civil spécialisé en génie biomédical) et de Julien De Muyter (22 ans, en dernière année d’ingénieur industriel à l’ECAM). L’objet de leur projet de recherche ? Une prothèse du membre inférieur. Mais pas n’importe laquelle. Une prothèse active. "La plupart des prothèses de ce type aujourd’hui disponibles sur le marché sont passives , nous explique Antoine, prototype au pied, en pleine démonstration sur le tapis roulant. Celle-ci est particulière dans la mesure où elle est active. J’ai essentiellement travaillé sur le développement du contrôleur, qui permet à la prothèse de reproduire une démarche naturelle, tandis que deux autres étudiants s’étaient précédemment concentrés sur la conception mécanique et sur l’instrumentation."
Le jeune diplômé est en effet le troisième étudiant à avoir travaillé dans le cadre de son mémoire sur cet appareillage, alors que Julien prend cette année le relais.
"L’idée de mettre le métier d’ingénieur au service de la médecine me plaisait bien , nous confie Antoine. J’ai centré mes études sur la biomécanique. Cette prothèse est une belle illustration d’application de la mécanique au corps humain. Etant donné mon profil d’ingénieur intéressé par la finalité médicale, ce projet concret, qui permettait de travailler sur un prototype, m’a plu d’emblée, par rapport à d’autres projets se limitant à des simulations sur ordinateur. A long terme, nous aurons sûrement une personne amputée qui pourra l’essayer. C’est très motivant."
Et de fait, voici que s’avance Jérémie, un jeune amputé manifestement intéressé par cette prothèse qui, un jour peut-être, lui permettra de grimper deux à deux les escaliers, qui constituent aujourd’hui pour lui une épreuve. D’ici à ce que ce prototype soit commercialisé, il y a encore du chemin.
De nouveaux défis à relever
Et cette année, Julien tentera, à son tour, d’améliorer l’appareillage en question. "Je travaillerai sur ce projet jusqu’en juin, nous dit-il. Je tenterai de rendre la prothèse ‘portable’ pour la personne amputée, dont la consommation d’énergie est beaucoup plus importante que pour une autre personne. Il y a en effet un manque d’énergie pour l’instant dans la prothèse : elle n’est pas assez puissante pour porter l’entièreté du poids. Je vais essayer de trouver une solution sous forme d’un ressort ou d’un élastique pour pouvoir stocker l’énergie plus longtemps et la rendre au bon moment afin de pouvoir supporter le poids d’une personne. Pour l’instant, nous sommes limités à 60 kg; ce serait bien de pouvoir passer à 80 kg, par exemple." Arrivera-t-il à relever le défi ?
"Nous sommes ici dans un projet de recherche de niveau étudiant et nous avons des résultats quand même assez intéressants, intervient Renaud Ronsse, professeur à l’UCL et responsable du projet. Nous sommes arrivés à reproduire de façon relativement fidèle les mouvements de la marche. Une grosse limitation de la prothèse à ce stade est qu’elle n’arrive pas à soutenir la totalité du poids du patient, étant donné celui du moteur. Cette année donc, des étudiants vont s’intéresser à l’amélioration du dispositif mécanique. C’est un premier projet de recherche; le second tentera de connecter la prothèse au programme de contrôle. A ce stade, l’instrumentation reste assez massive et impressionnante. Nous allons essayer, au terme de l’année, de réduire tout cela à une petite carte électronique."
Cela reste un projet de recherche
Et ensuite ? "Ceci, pour nous, c’est véritablement un laboratoire de test; nous n’avons pas de visée commerciale ou de prétention à amener cela sur le marché, poursuit Renaud Ronsse. Il s’agit d’un dispositif que nous avons conçu, mais pour lequel nous voulons réfléchir à des questions de recherche. Si l’on veut que cela reste un projet de recherche pour les étudiants, il y aura toujours moyen de chercher des moyens pour l’améliorer."
Des ingénieurs et des médecins centrés sur le mouvement humain
"Fédérer les talents des chercheurs de l’UCL qui s’intéressent aux questions du mouvement et de l’assistance robotisée au geste, afin de renforcer les connaissances et les compétences dans des domaines tels que l’assistance chirurgicale, et l’aide au diagnostic et à la rééducation" , tel est l’objectif du centre d’expertise Louvain Bionics, qui a vu le jour grâce à un legs de 1,86 million d’euros de Pierre De Merre, via la Fondation Louvain de l’UCL.
Fraîchement inauguré, cet espace d’innovation interdisciplinaire rassemble une quinzaine de professeurs UCL en ingénierie, médecine, neurosciences, sciences de la motricité, psychologie et éthique. "Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait changer la façon de collaborer entre ingénieurs et médecins; fini le temps où chacun travaille dans son coin, explique Benoît Raucent, porte-parole de Louvain Bionics. et professeur à l’Ecole polytechnique de Louvain. En introduisant des équipes pluridisciplinaires, nous sommes beaucoup plus efficaces. De façon pratique, nous nous intéressons essentiellement à tout ce qui concerne le mouvement humain : mieux le comprendre et voir tout ce que l’on peut faire de cette meilleure compréhension. Avec deux applications phares, la réadaptation du patient et l’aide au chirurgien dans son geste chirurgical lors de l’intervention."
Du laboratoire au lit du patient
L’atout majeur de Louvain Bionics ? "Pouvoir expérimenter et valider les dispositifs médicaux "from bench to bedside", c’est-à-dire du laboratoire jusqu’au lit du patient." "Il ne s’agit pas uniquement de réflexion en chambre , ajoute Jacques Melin, vice-recteur du Secteur des sciences de la santé à l’UCL. Notre grand espoir est d’obtenir des applications pratiques qui amélioreront la qualité de vie du patient."
Mais aussi des applications d’assistance au médecin. "Certes, la main du chirurgien est sûre, mais quand elle est bien guidée, c’est encore mieux, souligne le Dr Xavier Banse, chirurgien orthopédiste. Ces "outils" n’opèrent pas, mais ils apportent une assistance qui permet d’augmenter la précision, la fiabilité et le contrôle de nos gestes lors d’interventions très complexes. Derrière tout cela, il y a des équipes de recherche qui travaillent à améliorer le fonctionnement de ces robots ou à développer de nouveaux systèmes d’assistance."