Tabac: vouloir arrêter, oui. Mais pouvoir...
De 2013 à 2014, les visites sur le site Tabacstop ont augmenté de 65 %. Si la volonté d'arrêter de fumer est manifeste, encore faut-il trouver l'aide adéquate. La Fondation contre le cancer demande un remboursement mieux réfléchi.
Publié le 18-02-2015 à 14h05 - Mis à jour le 18-02-2015 à 14h11
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Devenu, avec 186 882 visiteurs uniques en 2014, "la" référence en Belgique pour les personnes qui souhaitent arrêter de fumer, le site Internet Tabacstop (www.tabac-stop.be) a publié, mardi, son rapport annuel. L’augmentation de 65 % des visites par rapport à 2013 témoigne incontestablement de l’intérêt de l’initiative et probablement de la vraie volonté des fumeurs d’abandonner la cigarette. Particulièrement appréciés des fumeurs lourds, qui ont déjà tout essayé sans jamais avoir réussi leur sevrage, les coachings personnels sont aussi en augmentation, souligne la Fondation contre le cancer, qui demande un remboursement mieux réfléchi des aides médicamenteuses, estimant que le coût élevé de ces produits susceptibles de rendre le sevrage plus confortable, constitue un obstacle pour les fumeurs disposant de peu de moyens (voir infographie).
Psychologue tabacologue et coordinatrice de l’équipe des quinze tabacologues francophones de Tabacstop (0800.11100), Régine Colot organise les permanences téléphoniques et les accompagnements personnalisés. Pour "La Libre", elle aborde quelques points essentiels de cette problématique complexe.
Les aides diverses au sevrage Pour la psychologue tabacologue, il faut combiner une aide pharmacologique pour la dépendance physique et un accompagnement pour les dépendances psychologiques (fonction de la cigarette, par quoi la remplacer) et comportementale (moments et lieux à risque, mise en place de stratégies…). Il est important d’expliquer à la personne tout ce qui existe mais ensuite, il faut la laisser faire son choix.
A Tabacstop, à la fin de l’accompagnement, "nous avons eu, fin 2013, 45 % de taux de réussite. Parmi eux, certains ont souhaité une aide pharmacologique, d’autres pas, explique Régine Colot . Le taux de réussite chez les utilisateurs d’une aide pharmacologique est de 52 % contre 33 % chez les personnes n’ayant pas recours à une telle aide. Au rappel d’un an, 38 % d’utilisateurs d’aide pharmacologique sont toujours en arrêt contre 31 % sans aide".
Quel type d’aide pour quel type de fumeur Il faut tout d’abord savoir que la nicotine, présente dans la fumée du tabac, est une drogue dure. Donc, comme pour toute drogue, arrêter d’en consommer entraîne des symptômes de manque très inconfortables, qui provoquent très souvent la rechute. C’est d’autant plus vrai que le fumeur fume beaucoup de cigarettes, depuis de longues années. Pour minimiser ces symptômes de manque, on propose des médications.
Il y a sur le marché trois possibilités : les substituts de nicotine (comprimés, patchs, gommes, spray, inhaleur), le Champix et le Zyban. Le Zyban est moins utilisé actuellement car il présente une série de contre-indications. Le Champix est assez bien utilisé et donne de bons résultats, mais certaines personnes ressentent beaucoup d’effets secondaires. L’avantage des substituts est de ne présenter aucun effet secondaire, sauf parfois des allergies à la colle des patchs.
Le choix de l’aide pharmacologique dépend, pour cette psychologue tabacologue, surtout de la personne.
Quels taux de réussite pour les divers moyens
Les trop nombreuses études divergeant sur les chiffres, il est hasardeux de se risquer à une conclusion objective. " Tous ces substituts distribuent de la nicotine dans la circulation sanguine et ensuite vers le cerveau : soit par la peau extérieure (patchs) soit par la peau à l’intérieur de la bouche (substituts oraux) , rappelle Régine Colot. L’important est de déterminer au départ la quantité de nicotine qui correspond aux doses quotidiennes dont a besoin la personne. A partir de là, on fait une diminution par palier. Que cette nicotine soit administrée par des patchs ou autres n’est pas le plus important . Cela étant, les résultats sont un peu plus élevés en les combinant (patch + comprimés, ou patch + spray etc.) : on parle de combithérapie. Ceci, car les patchs distribuent la nicotine de façon douce du matin au soir et les substituts oraux donnent des petits pics que beaucoup de fumeurs apprécient car cela ressemble beaucoup plus au mode de distribution de la cigarette. Mais cela dépend aussi des goûts des fumeurs…"
Dans la littérature, on peut lire que les substituts doublent les réussites à l’arrêt et que le Champix les triple (en tant qu’aide unique). "Ce qui fait souvent que les études se résument à ce constat, c’est que le dosage des substituts de nicotine est formaté pour l’étude et ne correspond pas toujours très bien à ce dont la personne a besoin, précise encore la tabacologue. Ils sont souvent sous-dosés. Le Champix, est un médicament. C’est un dosage de base par jour fixe. De plus, cette différence à la fin du traitement s’amenuise souvent avec le temps." Cela dit, si on ajoute à ces aides pharmacologiques un accompagnement, cela augmente encore les chances de réussite. Mais il y a tellement de variantes : nombre d’entretiens, profession de base du tabacologue (psy, médecin, kiné…), durée du suivi… "Ce qui est le plus pertinent, c’est le nombre d’entretiens. A Tabacstop, les résultats sont meilleurs pour les personnes qui ont eu au moins six entretiens."
Les conditions de base pour un sevrage réussi
Avoir une bonne motivation : motif à l’action, objectifs poursuivis à travers l’arrêt du tabac. "L’objectif n’est pas l’arrêt du tabac, mais ce à quoi on veut arriver en arrêtant : meilleure santé, économie, plus de souffle pour chanter, faire un sport, etc. Plus les motivations sont fortes et essentielles, plus les chances d’arrêt sont élevées. Egalement important, le fait d’être accompagné pour pouvoir parler des difficultés qu’on traverse, pour mettre en place des stratégies, pour maintenir sa motivation… Mais aussi, pour la dépendance physique, pour bénéficier de bons conseils pour les dosages des substituts nicotiniques (fonction de l’importance du besoin de nicotine)…" Parole de tabacologue.
Arrêter seul, sans aide, est-ce possible ?
"Oui, bien sûr, répond Régine Colot. Tout dépend du niveau de dépendance de la personne, de sa fragilité… Les chiffres indiquent 3 à 6 % de taux de réussite quand on arrête seul. Mais il faut aussi la plupart du temps plusieurs tentatives d’arrêt avant un arrêt complet."

Les étapes successives du processus de sevrage tabagique
"Le fumeur passe d’une phase de non conscience, au début de sa consommation où il est un fumeur heureux, explique Régine Colot, psychologue tabacologue auprès de Tabacstop. Mais très vite, il devient ambivalent : il est addict à sa cigarette mais il en connaît les méfaits. Cette situation est inconfortable et l’amène à la prise de décision qui résout ce conflit interne. Cette prise de décision se fait quand la motivation est haute (les désavantages sont plus élevés que les avantages) mais aussi quand la confiance en soi pour y arriver est bonne. Pour cela, savoir que l’on va être aidé et non jugé en cas d’échec sont des conditions essentielles. Le fumeur peut alors préparer son arrêt avec le tabacologue (voir quelle médication, quelle date d’arrêt, etc.) Puis, il passe à l’action avec des bilans réguliers (si possible chaque semaine) de la situation."