Patient Alzheimer et aidant proche, même combat
L'un et l'autre, bien que de manière différente, ont besoin, de conseils, de soutien, d'un accompagnement adéquat. Financé par l'Inami, le projet "Protocole 3" vise à maintenir l'autonomie et à améliorer la qualité de vie à domicile. Cela, notamment via des séances de psychoéducation pour l'aidant et d'art-thérapie pour le patient. Reportage.
Publié le 06-07-2015 à 13h29 - Mis à jour le 06-07-2015 à 13h33
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Des épouses, des maris, des enfants,… mais tous, des aidants. Proches. Ils sont venus, comme ils le feront au total une douzaine de fois, au rendez-vous fixé aux Jardins de la mémoire, à deux pas de l’hôpital Erasme, pour une séance de psychoéducation qui durera deux heures, dans le cadre du programme "Protocole 3". Pendant ce temps-là, leur femme, mari, père ou mère participe, deux étages plus haut, à un atelier d’art-thérapie.
Dans sa chaise roulante, une petite dame coquette, au regard bleu ciel assorti à son pull sourit. Bien qu’à mobilité réduite, elle est une aidante. " Votre mari est là ? (NdlR : à l’art-thérapie), l’interroge Delphine Vandenberge, la neuropsychologue. Il était content de venir ? " " Oui et non. Il était inquiet; il se demandait où il allait", répond Elisabeth, l’épouse de Giuseppe. " Mais on ne peut pas s’attendre à autre chose… ", se résigne-t-elle.
Un partage de vécus individuels
L’un est inquiet, l’autre réjoui ou alors complètement perdu, à chacun des malades Alzheimer son état, éminemment variable, parfois d’un instant à l’autre, et terriblement déroutant pour les aidants, généralement très démunis. C’est précisément pour mieux comprendre cette mystérieuse pathologie, son évolution, ses manifestations, mieux l’appréhender, partager les vécus individuels et envisager des solutions qu’a été élaboré le projet "Protocole 3". (Voir ci-dessous)
A mi-chemin des douze séances prévues au programme, retour sur la réunion précédente. " Nous avions vu le chapitre sur la mémoire et les difficultés de trouver des mesures pour pallier ces trous de mémoire, qu’avez-vous mis en place depuis lors ? ", demande la neuropsychologue qui invite à un tour de table. La petite dame en bleu prend la parole : " Mon mari aime bien aider, mais il fait tout de travers. Il va par exemple dresser la table et mettre toute la vaisselle du même côté. A la longue, je préfère le faire moi-même, mais j’ai aussi des difficultés. C’est fatigant car je suis avec lui 24 heures sur 24… "
" Nous, on avait essayé de mettre un peu partout dans la maison des post it, pour qu’il n’oublie pas d’éteindre les interrupteurs, par exemple , intervient une autre participante. Au début, ça marchait. Maintenant plus. Et il se rend compte de ses limites… "
Il met systématiquement son polo à l’envers
" Moi, je présente toujours les vêtements de mon mari dans l’ordre et à l’endroit pour qu’il puisse tout enfiler correctement et facilement, mais il met tout systématiquement à l’envers, les boutons du polo dans le dos. Je me suis demandé si je n’allais pas un jour tout mettre à l’envers pour qu’il remette tout à l’endroit. " L’assemblée rit, car après tout, mieux vaut…
Avec sa coupe garçonne, la jeune Cécile paraît très préoccupée par l’état de son jeune papa, diagnostiqué il y a 3 ans à l’âge de 63 ans, qui persiste à nier sa maladie. " On lui a acheté de belles horloges avec de grands chiffres lumineux, il ne les regarde pas. Des agendas pour noter les rendez-vous, il les enlève. Pour lui, tout va bien. Il n’a rien, on l’a juste empoisonné avec des médicaments. Donc, il ne les prend plus. Il aime courir, raconter toujours les mêmes histoires anciennes et répondre quand on lui demande des conseils . Alors ça, il adore ! "
" Parler d’autre chose que de ses problèmes au patient est une bonne idée, car il a le sentiment qu’on le prend en considération, fait remarquer la neuropsychologue, avant d’énumérer une série d’autres pistes : il est important de garder une attitude positive et rassurer car la personne malade est parfois angoissée, rappeler les informations régulièrement, maintenir un environnement stable, créer des routines, se préparer à devoir répéter, réapprendre, remontrer, garder en tête que chaque jour est nouveau, créer des repères, rappeler avec des aide-mémoire, utiliser des pictogrammes, compenser ce qui ne fonctionne pas, expliquer à l’entourage, envisager les effets des troubles de mémoire dans différentes situations pour être prêt le jour où…, utiliser les pertes de mémoire comme un atout quand c’est possible…
Puis, il y a aussi les choses à ne pas faire : pratiquer la politique de l’autruche, attirer l’attention sur les erreurs, essayer à tout prix que la personne se rappelle, se sentir personnellement visé, s’attendre à de nouveaux apprentissages,… Autant de choses à savoir.
Car ce n’est qu’en comprenant mieux la maladie que l’on vivra en meilleure harmonie avec le patient.
Le projet "Protocole 3"
Le contexte. Le projet "Protocole 3", élaboré par des professionnels de santé (neurologue, psychologue, art-thérapeute, infirmiers…), consiste en soins alternatifs aux personnes atteintes d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée et soutien des aidants. Etendue aux 19 communes de la Région Bruxelles-Capitale, cette expérimentation est financée par l’Inami et totalement gratuite pour les patients et les aidants. Des évaluations et un bilan final permettront de voir s’il s’agit, ou non, de poursuivre l’expérience.
Le cadre. Ce projet multidisciplinaire s’inscrit dans la continuité de plusieurs rapports confirmant que la psychoéducation et la prise en compte du patient dans son environnement constituent les approches les plus efficaces pour la guérison des symptômes neuropsychiatriques liés à la démence.
Le public cible. Le programme s’adresse aux personnes atteintes de détériorations cognitives et de perte d’autonomie (maladie d’Alzheimer ou affections apparentées) ainsi que leurs aidants proches. L’inclusion du patient et de son aidant dans le programme a lieu après diagnostic de la maladie, et sur prescription médicale émanant du médecin spécialiste ou du généraliste pour une durée de 8 mois.
L’objectif. Le projet vise à favoriser le maintien à domicile, la préservation de l’autonomie et la qualité de vie de son aidant, en agissant sur deux volets : la psychoéducation de l’aidant proche et l’intervention multidisciplinaire et personnalisée au domicile du patient. "Protocole 3" - dont le programme de psychoéducation des aidants a été développé par le Docteur Jean-Christophe Bier, neurologue et chef de clinique adjoint à l’Hôpital Erasme - vise ainsi à favoriser le bien-être à domicile des patients et leurs aidants en les accompagnant dans la gestion de la maladie.
Le déroulement pratique. Pour un bon déroulement du programme, la participation du patient et de son aidant à l’ensemble des séances est nécessaire, à savoir : 8 visites à domicile à raison d’une visite par mois; 12 séances de psychoéducation pour l’aidant (groupes de 8 à 12 personnes) et 12 séances d’art-thérapie pour le patient (groupes de max 12 patients).
L’adresse. www.aremis-asbl.org. Tél : 02 647 47 47
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