Sida: les nouvelles infections à VIH en baisse (-8%) en Belgique pour la deuxième année consécutive
Encourageants, les chiffres du rapport VIH/Sida 2014 collectés par l’Institut scientifique de santé publique (ISP) font apparaître, pour la deuxième année consécutive, une diminution sensible des nouvelles infections au VIH.
Publié le 26-11-2015 à 13h36 - Mis à jour le 27-11-2015 à 13h50
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Encourageants, les chiffres du rapport VIH/Sida 2014 communiqués par l’Institut scientifique de santé publique (ISP) font apparaître, pour la deuxième année consécutive, une diminution sensible des nouvelles infections au VIH. Alors que le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC, à Stockholm) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) faisaient état, jeudi, d’un chiffre record de 142 000 nouveaux diagnostics en 2014, “du jamais vu depuis l’apparition de la maladie sur le continent dans les années 1980”, en Belgique, le nombre de nouveaux diagnostics – en l’occurrence 1 039 – a diminué de 8 % en 2014 par rapport à l’année précédente.
Bien que la tendance à la baisse soit observée chez nous pour la deuxième année consécutive, pour la première fois, elle concerne les deux groupes de la population les plus touchés par l’épidémie : les hommes, principalement belges et européens, ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), et les personnes originaires des pays d’Afrique subsaharienne, qui contractent le virus lors de rapports hétérosexuels.
Mais alors que le nombre de tests de dépistage pour le VIH avait très légèrement augmenté (+ 0,3 %) – avec une proportion de 1,49 nouveau diagnostic pour 1 000 tests –, 38 % des infections étaient encore diagnostiquées tardivement, particulièrement chez les hétérosexuels (49 %), les femmes et les plus de 50 ans.
Si l’ISP se réjouit, voyant en ces résultats globalement bons “une véritable note d’espoir”, il reste très prudent : “A ce stade, il est impossible de savoir si ce fléchissement présage ou non l’amorce d’une tendance baissière plus structurelle.”

Prévention combinée
"Ces chiffres encourageants donnent du baume au cœur, reconnaît pour sa part Thierry Martin, de la Plate-Forme Prévention Sida, c’est la preuve que les campagnes notamment ont porté leurs fruits, mais tout n’est pas gagné pour autant. Pour que cette baisse puisse être continue dans le temps, il faut poursuivre différentes initiatives de prévention. Les moyens existent et il faut, de toute urgence, permettre et faciliter leur application.”
Quels sont-ils, ces moyens ? Il s’agit de faire en sorte que les stratégies entre les différentes régions, responsables des politiques de prévention des IST/Sida, aillent dans le même sens”, souligne Thierry Martin, insistant sur le concept crucial de prévention combinée, qui consiste à associer les approches comportementales et biomédicales en misant sur leur complémentarité. A savoir le port du préservatif, masculin mais également féminin, le dépistage et le traitement, qui constituent les trois piliers à renforcer.
“Il y a encore du travail au niveau du renforcement de l’accessibilité au traitement pour les publics cibles, HSH et migrants, mais aussi les jeunes”, estime le directeur de la Plate-Forme Prévention Sida, qui plaide pour un accès aisé et gratuit aux préservatifs et aux lubrifiants pour les populations clés. Mais également pour le dépistage gratuit, anonyme et accessible en dehors des structures médicales, ainsi qu’une initiation au traitement antirétroviral dès le diagnostic posé et l’accès au traitement pré-exposition pour les personnes les plus exposées.
Charge virale indétectable
La journée mondiale de lutte contre le sida, célébrée le 1er décembre, sera pour la Plate-Forme Prévention Sida l’occasion d’insister sur une autre notion cruciale, celle de la charge virale indétectable. “Aujourd’hui; une personne séropositive qui prend correctement son traitement et qui bénéficie d’un suivi médical régulier peut voir sa charge virale drastiquement diminuer, souligne Thierry Martin, au point de devenir indétectable dans le sang. La personne reste séropositive, mais le risque qu’elle transmette le virus à un(e) partenaire a quant à lui quasiment disparu. Et pourtant, la stigmatisation des personnes infectées reste une réalité.
Un message de solidarité
D’où le slogan choisi cette année par l’association pour sa campagne 2015, qui entend lutter encore et toujours contre les préjugés : “Partager sa vie avec une personne séropositive, c’est possible”. “La lutte contre la discrimination à l’égard des personnes séropositives joue également un rôle important en matière de prévention, favorisant le dépistage précoce après une prise de risque et la prise en charge médicale rapide en cas de résultat positif”, estime la Plate-Forme Prévention Sida.

Quelques chiffres
2,8 nouveaux diagnostics par jour
En 2014, 1 039 infections ont été rapportées en Belgique, ce qui correspond à une moyenne de 2,8 nouveaux diagnostics par jour.
-21 % de transmissions chez les HSH
Le nombre de nouvelles transmissions diagnostiquées chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) a diminué de 21 % en 2014 par rapport à 2013.
14719 patients en suivi médical
En 2014, 14 719 patients infectés par le VIH ont été suivis médicalement en Belgique. Le nombre augmente régulièrement, avec en moyenne 781 patients supplémentaires chaque année.
94,7 % de charge virale contrôlée
En 2014, 14 719 patients infectés par le VIH ont été suivis médicalement en Belgique. Le nombre augmente régulièrement, avec en moyenne 781 patients supplémentaires chaque année.
Les trois objectifs de l'Onusida:
Pour mettre fin à l'épidémie, il faut atteindre l'objectif "90-90-90" de l'Onusida :
90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique ;
90% des personnes diagnostiquées séropositives reçoivent un traitement antirétroviral ;
90% des personnes sous traitement antirétroviral ont une charge virale indétectable.

Témoignages
Vivre avec le VIH, aujourd'hui, c'est…
Sacha, aujourd'hui âgé de 35 ans, a été dépisté en 2010. Pour lui, vivre avec le VIH, c'est " vivre normalement… la plupart du temps. Les traitements sont désormais suffisamment adaptés pour permettre de vivre sans effet secondaire majeur. La maladie qui était synonyme de mort assurée il y a encore à peine 20 ans s’est transformée en maladie chronique. Une sorte de mal sous-jacent, comme une bête féroce endormie. On vit néanmoins toujours avec la peur de la voir se réveiller un jour et mordre à pleines dents dans nos projets d’avenir. Chaque prise de sang (tous les 3 mois ou 4 mois quand on est stabilisé) fait remonter cette angoisse. Quels seront les résultats ? Vont-ils trouver une trace du virus dans mon sang ? Mes T4 sont-ils à un niveau satisfaisant ? Vais-je voir mon corps s’émacier à terme à cause d’un traitement que je sais lourd et usant pour le corps ? Les premiers mois, j’appelais fébrilement l’hôpital pour connaître les résultats. Les années ont passé. Désormais, je prends le parti de me dire que «pas de nouvelles, bonnes nouvelles». Mais mon cœur bondit toujours quand je vois le numéro de mon médecin s’afficher sur mon portable. J’ai toujours peur qu’il m’appelle pour m’annoncer une mauvaise nouvelle.
Vivre avec le VIH, c’est également vivre avec certaines contraintes : s’assurer d’avoir son traitement toujours avec soi lorsque l’on part en vacances, prendre un justificatif de son médecin pour passer la douane (en cas de fouille) expliquant que l’on est sous traitement et qu’il ne peut être arrêté sans avis médical. C’est évidemment ne pas oublier chaque jour de prendre correctement son traitement, composer avec quelques diarrhées occasionnelles et petits troubles digestifs. Je fais également très attention à ne pas tomber malade pour ne pas fatiguer mon système immunitaire inutilement. En période de rhumes ou de grippe, je passe pour un véritable maniaque ayant la phobie des microbes. Et quand je finis par attraper un simple rhume, j’en fais un drame.
Même si je sais que je ne suis pas contaminant pour mon entourage vu que la charge virale est indétectable, je veille toujours à ce que mon compagnon ne partage pas le même rasoir que moi. Il m’arrive de penser au virus quand nous avons des rapports sexuels. Et ne pas pouvoir s’abandonner totalement ou sans arrière-pensées peut s’avérer frustrant.
Vivre avec le VIH aujourd’hui, c’est se demander comment contracter un prêt hypothécaire auprès des banques qui voudront sans doute vous faire passer devant leur médecin-conseil. Et quelle sera l’augmentation de ma prime en ce cas ? C’est également trouver des excuses au niveau professionnel pour mes visites régulières chez le médecin. J’avais informé mon ancien lieu de travail de mon statut sérologique, mais je me suis rendu compte que l’information s’était diffusée comme une traînée de poudre. En soi, je n’ai pas honte d’être séropositif, mais je n’admets pas que quelqu’un s’arroge le droit de l’annoncer à ma place. D’autre part, je ne pouvais plus supporter les regards condescendants de personnes que je connaissais à peine accompagnés de «ça va ?» lourds de sens. Désormais, je préfère garder l’information rien que pour moi et les gens qui me sont proches.
Vivre avec le VIH, c’est aussi constater que l’une de ses meilleures amies d’enfance ne prend plus jamais de vos nouvelles après que vous lui ayez annoncé. C’est la seule personne à avoir eu ce comportement. Mais c’est déjà une personne de trop.
Vivre avec quelqu'un vivant avec le VIH, c'est…
Frédéric, 37 ans, vit avec Sacha, séropositif. "Pour moi devenir un couple sérodiscordant - puisque que c’est comme ça qu’on le nomme - a fait intrusion dans mon imaginaire.
Quand on a appris la nouvelle par courrier, une vague de terreur m’a envahi, entre stupeur et tremblements, j’avais peur pour mon conjoint et peur pour moi. C’est comme si le temps se rétractait et que la mort se rapprochait encore un peu plus près.
En plus d’être déstabilisé, il faut dés lors se renseigner. Une course aux informations commence.
Première étape se rassurer et parler. Nous avons téléphoné à une centrale info sida, pas rassurés. Le généraliste avait donné deux ou trois numéros à contacter. Nous sommes partis au centre spécialisé de dépistage de Saint-Pierre, recalés. Après la peur, c’est le désarroi et la colère. Deuxième tentative, le centre spécialisé de Saint-Luc. Je ne remercierai jamais assez l’infirmière qui nous a reçus ce jour–là. Je ne sais pas si elle a conscience de la qualité et de l’importance de son intervention : accueil, écoute, conseils, informations, prise de rendez-vous, réconfort, humour, sourires…
Et puis vient la découverte de la maladie et de son jargon : T4, lymphocytes, transcriptase, anti-VIH, anti-protéase, et toute une gamme de traitements aux noms commerciaux barbares. Les premières questions sont : Quand va-t-il mourir ? Suis-je aussi contaminé ? Quel est le meilleur traitement ? Quels sont les effets secondaires ?
Pour moi c’est l’attente des résultats de mon conjoint pour connaître l’évolution de la maladie (le fameux taux de T4) mais c’est aussi l’attente de mes propres résultats de dépistage.
Parallèlement, on l’annonce à quelques personnes (amis et famille), car c’est une situation trop lourde à porter. Aussi, notre quotidien change, on annule les dîners et sorties, je me mets en arrêt maladie quelques jours. J’ai besoin de me retrouver, de nous réconforter. On passe beaucoup de temps à deux entre pleurs et rires.
On commence à prendre conscience de ce qui va concrètement changer.
Il faut gérer la fatigue de mon conjoint, les effets secondaires les premiers jours de traitement, éviter les coups de froid, éviter de le contaminer par mes microbes (grippe, gastro,…) et éviter de fragiliser son système immunitaire. On découvre à deux la gestion du traitement, l’impact quand on veut quitter le territoire et partir en vacances, l’impact dans notre recherche d’achat de logement et d’acceptation de prêt hypothécaire.
Aussi, nous sommes un couple libéré, c’est de cette manière que mon conjoint a été contaminé. Après des mois d’abstinence, nous avons repris une vie sexuelle plus ou moins active. Le fait qu’il soit sous traitement me protège mais nous évitons tout de même certaines pratiques sexuelles. C’est sans doute l’activité qui a été la plus abîmée.
Enfin, le temps passe et donne l’impression de redevenir élastique. Nos projets de vie se sont adaptés à notre réalité et à la maladie chronique de mon conjoint. Cela nous a donné envie de passer encore plus de temps ensemble et de profiter l’un de l’autre à travers diverses activités. Nous surveillons toujours de près l’état de santé de mon conjoint. De mon côté, je fais plus ou moins régulièrement des tests de dépistage. Nous profitons pleinement de la vie. Cette épreuve nous a beaucoup rapprochés et a renforcé notre complicité. Finalement nous ne sommes pas si discordants que ça.