Sida : le traitement préventif existe, mais…
Après les Etats-Unis et le Québec, la France va rembourser le médicament à titre préventif pour des publics très exposés.
Publié le 30-11-2015 à 18h57 - Mis à jour le 01-12-2015 à 15h51
Cette fois, ça y est. La France aura - à quelques jours près - attendu la Journée mondiale de lutte contre le sida 2015, ce mardi 1er décembre, pour annoncer son intention de mettre gratuitement à la disposition de personnes non infectées mais très exposées au risque de contamination par le HIV, le Truvada, en tant que traitement préventif contre le sida. Et cela, pour début 2016.
Mise sur le marché en 2005, comme traitement curatif, cette combinaison d’antirétroviraux du laboratoire américain Gilead a été validée scientifiquement par la suite comme traitement préventif. C’est en effet à ce titre que la "prophylaxie pré-exposition" (PrEP) est autorisée aux Etats-Unis depuis 2012 pour les personnes séronégatives dont le partenaire est séropositif et pour les toxicomanes s’injectant des drogues. La prescription de ce traitement quotidien - d’un coût élevé (plus de 1000 dollars par mois) mais généralement pris en charge par les assurances maladies - a été étendue en 2014 à tous les groupes à risque élevé d’infection, dont les homosexuels n’utilisant pas de préservatif.
Aux Etats-Unis, au Québec, en France. Et en Belgique ?
Egalement accessible au Québec où les médecins ne sont pas tenus de préciser si le Truvada est utilisé à titre préventif ou curatif, le médicament sera donc disponible début 2016 en France et remboursé dans le cadre de la prévention, comme l’avaient réclamé de nombreux experts et recommandé l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Qu’en est-il en Belgique ? "Chez nous, jusqu’à présent, il est uniquement prescrit en curatif, nous dit le Pr Bernard Vandercam, médecin coordinateur du Centre de prise en charge HIV aux cliniques universitaires Saint-Luc. Ou alors, le patient doit payer le prix plein, à savoir 560,75 € la boîte de 30 comprimés."
"La firme américaine développe actuellement un dérivé du Truvada, qui s’appelle le Taf. Ce composé, en phase d’étude clinique, s’avère moins toxique que le Truvada, tant au niveau rénal qu’osseux. Des effets secondaires qui sont observés sur le long cours."
Que dire de l’efficacité de ce traitement préventif ? "Pour autant qu’on le prenne comme il convient, selon le schéma choisi, oui, le traitement est efficace, répond le spécialiste.Les études ont montré que l’efficacité - jusqu’à 90 % - est fonction de l’observance des gens."
Cela dit, par rapport au préservatif, il présente plusieurs inconvénients, à commencer par le prix. "En effet, le Truvada va protéger du HIV et de l’hépatite B, éventuellement, mais pas contre les autres maladies sexuellement transmissibles que sont la chlamydia, l’infection à gonocoque, la syphilis ou, plus embêtant encore, l’hépatite C. Il y a donc, en ce sens, un effet pervers à utiliser ce traitement préventif plutôt que le préservatif."

La place du traitement dans la panoplie
Que penser dès lors de la place de cette prophylaxie pré-exposition ? "On pourrait se dire que, plutôt que dépenser de l’argent pour des personnes présentant un risque élevé de se faire contaminer, on se focalise sur la source, à savoir les patients séropositifs, nous dit encore le Pr Bernard Vandercam de l’UCL. Si tous ceux-ci sont testés et traités, leur charge virale devient indétectable et ils ne sont dès lors plus contagieux. On contrôle donc la source en même temps que l’on soigne les malades qui doivent l’être. Il s’agit d’une option parmi d’autres pour tenter d’enrayer l’épidémie.
Je dirais donc que ce médicament préventif a sa place mais il me paraît beaucoup plus logique d’un point de vue de santé publique de traiter tous les patients diagnostiqués. Et surtout de mettre un préservatif, qui protégera contre les autres IST.
Reste la quatrième option : la prophylaxie post-exposition, qui consiste à prendre des médicaments pendant un mois. Ce traitement bi ou tri-thérapie est quant à lui remboursé en Belgique."
Belgique: dépistage rapide
Depuis 2013, en Belgique, différentes associations proposent régulièrement un dépistage rapide, anonyme et gratuit. Il s’agit de prendre une goutte de sang sur le doigt ou de prélever un peu de salive. Les résultats sont disponibles après 15 minutes. Après une prise de risque (rapport sexuel non protégé, rupture de préservatif…), il faut un délai de 3 mois pour avoir la certitude de ne pas être infecté. En cas de résultat positif, le test rapide doit immédiatement être confirmé par un test classique.
Plus d’infos : pour savoir où faire ce test, consultez le site www.preventionsida.org.
Afrique: traitements en rade
Les ruptures de stocks d’antirétroviraux provoquées par un système défaillant de distribution des médicaments "sapent les efforts de lutte contre le sida" en Afrique du Sud, en République démocratique du Congo (RDC) et au Mozambique, a dénoncé lundi Médecins sans frontières (MSF). Les médicaments "ne parviennent pas dans les cliniques secondaires à cause de procédures trop lourdes, de problèmes logistiques et de manque de ressources", explique MSF, à l’occasion de la Conférence internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique qui se tient à Harare jusqu’à vendredi. (AFP)
Europe de l'Est/Asie: accès aux thérapies
Un quart seulement des personnes contaminées par le virus du sida ont accès aux traitements en Europe de l’Est et en Asie centrale alors que ce taux est de plus de 60 % dans l’ensemble des pays à faible et moyen revenu, selon Michel Kazatchkine, spécialiste du sida et envoyé spécial de l’Onu dans cette région du monde. L’accès au traitement est particulièrement bas pour les usagers de drogues injectables, les homosexuels masculins, les prostituées qui hésitent à aller dans le système de santé public en raison de la discrimination et de la stigmatisation dont ils sont victimes. (AFP)