Perturbateurs endocriniens: la Commission prend les choses en main

L'exécutif européen propose d'adopter une classification qui permettra d'écarter certaines de ces substances chimiques nuisibles.

Sophie Petitjean
france
©Jean-Luc Flémal

La Commission européenne marche sur des œufs dans le délicat dossier des perturbateurs endocriniens. Le mercredi 15 juin, elle devrait proposer de s’appuyer sur les critères de l’OMS/PISC permettant de définir – et in fine, d’interdire – les substances perturbant le système hormonal. Cette approche ne tient donc pas compte de la "puissance" d’un agent (le lien entre la dose et l’effet) comme le souhaitait l’industrie, ni des perturbateurs "potentiels" comme le souhaitaient les endocrinologues.

Les substances actives sur le système endocrinien sont des substances chimiques présentes dans une variété de produits courants (pesticides, plastifiants, bisphénols, solvants, etc.) qui interfèrent avec l'activité hormonale normale. Elles sont appelées "perturbateurs endocriniens" lorsqu’elles entraînent des effets nocifs sur la santé humaine, telles que le diabète et l'obésité, la stérilité et certains types de cancer. D’après une nouvelle étude publiée dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, elles seraient également à l’origine de l’endométriose et des fibromes utérins. Dans ce contexte, les règlements sur les produits biocides et les produits phytosanitaires chargeaient la Commission européenne d’élaborer, avant fin 2013, des critères communautaires permettant d’identifier les substances qui perturbent effectivement et dangereusement le système endocrinien. La Commission n’a toutefois cessé de repousser cette échéance, en raison notamment des implications économiques de ces critères. Les règles de l’UE prévoient en effet qu’une substance reconnue comme un perturbateur endocrinien soit tout simplement retirée du marché.

Éviter un "glyphosate bis".

C’est donc avec plus de 2 ans et demi de retard, une condamnation en manquement par le Tribunal de l’Union européenne et des dizaines de résolutions du Parlement européen toutes plus pressantes les unes que les autres que la Commission s’apprête à présenter ses fameux critères de définition, le 15 juin. Sa décision est largement influencée par l’épineux dossier du glyphosate. Pour rappel, la Commission envisageait au départ de réautoriser cet herbicide pour 15 ans, avant de devoir revoir sa copie face à la division des États membres confortés par les résultats contradictoires des enquêtes de l’Agence pour la recherche contre le cancer de l’OMS (probablement cancérigène pour l’homme) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (probablement pas cancérigène pour l’homme). Aujourd’hui, les États membres ne parviennent même pas à se mettre d’accord pour une prolongation de la licence actuelle du glyphosate jusqu’à la fin 2017, date à laquelle l’Agence européenne des produits chimiques devrait avoir rendu ses conclusions sur le caractère carcinogène et endocrinien de cette substance.

Le choix : s’en remettre à l’OMS.

Dans le dossier plus large des perturbateurs endocriniens, la Commission semble donc décidée à s’en remettre à l’OMS, afin de se dédouaner en cas d’autorisation/interdiction d’une substance active. Elle devrait présenter le 15 juin une définition restrictive qui ne laisse place à aucune incertitude. En d’autres termes, si une substance est un perturbateur endocrinien, elle doit être interdite et remplacée, le cas échéant, par une substance alternative. Si non, elle doit être autorisée. Exit donc toutes les sources d’incertitudes, comme l’idée du scénario 3 de sa feuille de route (juin 2014) d’ajouter des catégories sur la base du degré de preuves (substances actives, perturbateurs suspectés et perturbateurs avérés). Ou encore l’idée du scénario 4 de tenir compte de la quantité de substance nécessaire pour produire un certain effet (le critère de la puissance). Ce dernier scénario, largement soutenu par l’industrie, avait d’ailleurs été rejeté à la mi-avril par les participants à la conférence d’experts organisée à Berlin par l’Institut allemand pour l’évaluation du risque (BfR).

Les critères retenus devraient donc reposer sur la définition du Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISC) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) axée sur les dangers. « Un perturbateur endocrinien est une substance connue ou présumée avoir causé des effets indésirables sur le système endocrinien des humains ou des espèces animales dans l’environnement ou qui fait l’objet de preuves issues d’études expérimentales (in vivo), potentiellement soutenues avec d’autres information entraînant une forte présomption », selon l’OMS/PISC. Ce choix, qui avait retenu les faveurs des autorités fédérales belges, a pour conséquence qu’une substance qui interagit avec le système endocrinien n’a pas nécessairement des effets néfastes sur la santé ou l’environnement.

Des conséquences difficiles à estimer

Les propositions législatives qui seront présentées le 15 juin s’accompagneront d’une étude relative aux coûts et avantages socio-économiques des options envisagées ainsi que d’une analyse réalisée par le Centre de recherche conjoint de quelque 700 substances (400 pesticides, 100 biocides et 200 divers). Les documents, qui doivent encore être validés par le Parlement européen et le Conseil, s’appliqueront dès leur publication au Journal officiel de l’U.E. A l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour savoir quelles substances seront interdites et quelles autres seront autorisées. D’après nos informations, il reviendra à l’Agence européenne des produits chimiques et l’Autorité européenne de sécurité des aliments de procéder à une analyse minutieuse.

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