L’âge avancé et la fatigue de vivre ne justifient pas l’euthanasie
Il faut qu'il y ait des maladies graves et incurables. La Commission de contrôle a introduit un codage.
Publié le 24-10-2016 à 17h14 - Mis à jour le 24-10-2016 à 20h55
Il faut qu'il y ait des maladies graves et incurables. La Commission de contrôle a introduit un codage. Combien d’euthanasies sont-elles réellement pratiquées en Belgique ? Impossible de répondre… Le 7e rapport de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (relatif aux années 2014 et 2015), disponible en ligne depuis lundi, ne peut examiner que les actes d’euthanasie dûment déclarés par les médecins – elle n’a pas les moyens d’aller au-delà.
Il faut aussi rappeler que seuls les actes qui mettent intentionnellement fin à la vie, suite à la demande d’un patient, répondent à la définition légale de l’euthanasie. Autrement dit : l’utilisation, en fin de vie, de drogues qui peuvent hâter le décès (comme la morphine), n’est pas considérée comme une euthanasie.
Voilà qui relativise les chiffres publiés tous les deux ans. En 2015 (année la plus récente), 2 022 euthanasies ont donc été rapportées à la Commission de contrôle. La principale maladie à l’origine de la demande d’euthanasie reste le cancer : 68 % des patients qui ont souhaité qu’on abrège leurs souffrances avaient une affection oncologique. Seuls un nombre très limité (13 sur 1371) n’étaient pas en phase terminale.
Deuxième diagnostic le plus fréquent aboutissant à une euthanasie : les polypathologies, soit la coexistence de plusieurs affections graves et incurables. On a dénombré 209 cas en 2015 (soit une déclaration sur dix). Une fois sur deux, le médecin a jugé que le décès n’était pas prévisible à brève échéance. La grande majorité (88 %) des patients concernés sont âgés de 70 ans et plus.
Cécité, surdité, dépendance, solitude...
La Commission a introduit un codage sur le document d’enregistrement. Un cas est codé comme polypathologie quand il ressort clairement que la souffrance résulte de la combinaison de différentes maladies. Le rapport les décrit. Exemple : les troubles de la marche consécutifs à une polyostéoporose, qui s’accompagnent de douleurs et d’une forte limitation des mouvements du patient, “résultant en une perte d’autonomie”.
Il y a aussi des troubles de la vue, jusqu’à une cécité, avec pour conséquence que le patient n’est plus en mesure de lire un journal ou un livre ou de regarder la télévision “et que cela a pour effet de l’isoler de ses contacts sociaux” ou des troubles de l’audition jusqu’à la surdité, “qui empêchent le patient d’avoir des contacts”. Il y a encore les maladies du système nerveux (Parkinson, thrombose…) aggravant la dépendance aux soins; les pathologies cardiaques avancées et les affections pulmonaires chroniques qui limitent les capacités physiques du patient concerné et “réduisent l’espace de vie à une seule pièce” ; l’incontinence urinaire et fécale, ressentie “comme une atteinte à leur dignité”.
Jusqu’au désespoir
La combinaison de plusieurs de ces affections et de l’absence d’amélioration possible entraîne des handicaps permanents qui font que la souffrance est insupportable, persistante et inapaisable, dit le rapport : “Les patients se retrouvent par conséquent dans une situation sans issue qui les conduit au désespoir”.
Plus la personne est âgée, plus elle court le risque de développer une polypathologie pouvant engendrer une telle souffrance. Le grand âge serait-il considéré comme une maladie ? “Absolument pas”, se défend la Commission : “En l’absence d’affections médicales graves et incurables, l’âge avancé ou le fatigue de vivre ne justifient pas l’euthanasie”.
Quelques chiffres:
1,8 %: De l’ensemble des décès, les euthanasies (déclarées) représentent une petite part des déclarations de décès.
85 %: Le décès était prévu à brève échéance. Dans 15 % des cas, le patient qui a été euthanasié n’était pas à l’article de la mort.
1,7 % par déclaration anticipée. Ces cas demeurent peu nombreux : 67 sur 3950 déclarations d’euthanasie.