Un nourrisson qui dort dans la chambre des parents réduirait son risque de mort subite

Pendant leurs six premiers mois de vie, voire jusqu'à l'âge d'un an, les nouveau-nés devraient dormir dans un berceau installé dans la chambre des parents - en aucun cas dans leur lit ! - afin de minimiser les risques de mortalité liés à la période de sommeil. Conseils.

Laurence Dardenne

Pendant leurs six premiers mois de vie, voire jusqu'à l'âge d'un an, les nouveau-nés devraient dormir dans un berceau installé dans la chambre des parents - en aucun cas dans leur lit ! - afin de minimiser les risques de mortalité liés à la période de sommeil. Telle est en tout cas la nouvelle recommandation de l'American Academy of Pediatrics (AAP), première mise à jour depuis les recommandations de 2011 pour créer un environnement de sommeil plus sûr pour les nourrissons.

Selon le rapport présenté lundi à la conférence annuelle de l'AAP qui se tient à San Francisco, en Californie, et également publié en ligne dans la revue médicale Pediatrics, cela permettrait de réduire le risque de mort subite jusqu'à 50 %.

Les Américains ne feraient ainsi que suivre les pratiques inscrites depuis belle lurette dans les carnets de L'Office de la naissance et de l'enfance (ONE), nous fait remarquer le Dr Françoise Ravet, qui dirige l’Unité d’étude du sommeil du service pédiatrique universitaire de Liège, site Citadelle.

Dans sa pratique clinique, est-elle plutôt "pour" ou plutôt "contre" cette recommandation? "Je n'ai rien contre, nous dit le Dr Françoise Ravet. Je laisse faire les parents tout en les mettant en garde contre certaines choses qu'il ne faut pas faire. Si installer le lit du nourrisson jusqu'à l'âge de six mois dans la chambre des parents peut favoriser la surveillance du bébé (les parents peuvent le voir sans se lever quand eux-mêmes se réveillent la nuit), il faut néanmoins nuancer. Cela ne va pas pour autant tout solutionner. Le fait est que, du petit lit dans la chambre, il n’y a qu’un pas à franchir pour passer au lit co-dodo, le lit collé à l'autre pour la maman qui allaite, puis au lit du bébé ouvert sur celui des parents et finalement .. au bébé qui s'endort dans le lit des parents après l'allaitement. Tout cela est dangereux. Le co-sleeping est un facteur connu de risque de mort subite par "étouffement"".

Les conditions à respecter

Le Dr Ravet ne s'oppose donc pas à cette recommandation, pour autant que cela se passe dans des conditions bien particulières. "Outre le fait qu'il ne faut évidemment pas s'endormir avec le bébé dans le lit des parents, il ne faut pas non plus intervenir de manière intempestive quand il se réveille. Car des réveils nocturnes, il y en a. En prenant systématiquement son bébé dans les bras sous prétexte de le consoler, on crée des conditions d’endormissement qu'il va réclamer à chaque réveil pour se rendormir. Il est aussi important de laisser le bébé s'endormir seul dans son lit plutôt que le bercer jusqu’à ce qu’il s’endorme. Très vite, le jeune enfant fait la différence entre le fait de s'endormir dans les bras ou d'être mis dans son lit pour dormir !"

Cela dit, pour cette spécialiste du sommeil de Liège, ce qui a fait baisser la mortalité des nourrissons, ce n'est pas le fait de les faire dormir dans la chambre des parents. "Ce sont les recommandations faites dans les années 90: à savoir faire dormir le bébé sur le dos, avec le visage bien dégagé, sur une literie ferme, dans un sac de couchage adapté à sa taille, sans couverture, coussin, grosse peluche et autre tour de lit qui pourraient lui tomber dessus et l'empêcher de respirer. Outre ces moyens de prévention, on fait aussi chuter la mort subite du nourrisson par des campagnes anti-tabac pendant la grossesse (et après à la maison)".

En Belgique, le nombre de morts subites du nourrisson a aussi largement diminué par rapport aux années 80, pour atteindre 0,5/1000 naissances vivantes, soit environ 60 cas par an, selon des chiffres de 2014. Si les bonnes pratiques en matière de couchage sont aujourd'hui bien connues de la plupart des parents, il reste effectivement en revanche un facteur problématique méconnu, en l'occurrence le tabagisme, passif ou non, pendant la grossesse ou après la naissance.

Un défaut de réaction d'éveil

Alors, à quel autre facteur peut-on encore attribuer ce syndrome? "Un des facteurs qui émerge de la littérature scientifique est que les nourrissons qui décèdent de mort subite ont un défaut de réaction d'éveil, poursuit la pédiatre. Or, un défaut de la réaction d’éveil en réponse à un stimulus nuisible nocturne réduit les chances d’autoressuscitation et donc de survie d’un enfant, augmentant ainsi le risque de mort subite du nourrisson. Certains facteurs favorisant ce défaut de sont inhérents au bébé, d'autres à la vie in utero (si la maman a consommé de l'alcool, des drogues, a fumé…) On ne peut donc en effet pas dire que le seuil d'éveil du bébé est directement lié à la chambre parentale".

L'allaitement, un autre facteur protecteur

Si le fait de coucher les bébés sur le dos pour dormir a fait tomber le nombre des décès de 53% entre 1992 et 2001 aux Etats-Unis, les pédiatres américains insistent de nouveau dans leurs nouvelles recommandations sur l'importance du contact physique entre la mère et le nouveau-né immédiatement après la naissance, quel que soit le mode d'accouchement. "Le bébé est plus heureux, sa température corporelle est plus stable et normale, tout comme son rythme cardiaque. Au contact de la peau de sa mère l'enfant peut être colonisé par les mêmes bactéries, ce qui est important pour développer son système immunitaire. Le contact physique avec la mère et le fait d'être nourri au sein paraissent être importants pour la prévention des allergies", écrivent encore les auteurs du rapport, qui rappellent que nourrir l'enfant au sein accroît également la protection contre le syndrome de mort subite.

A savoir

Maturation, maladies et milieu

Lorsque l'on parle des facteurs de risque connus de la mort subite du nourrisson, on évoque généralement les 3 M pour maturation, maladie et milieu.

La maturation à la naissance fait référence au système nerveux central du bébé qui n'est pas encore arrivé à complète maturation. Qu'il s'agisse de la respiration ou de l'activité cardiaque, le contrôle des fonctions vitales n'est pas toujours totalement maîtrisé. C'est alors que des blocages respiratoires ou des ralentissements cardiaques peuvent se produire. Pour cette raison, probablement, les grands prématurés sont considérés comme plus à risque.

Les maladies concernent des infections aussi banales que la grippe ou une entérite, susceptibles de perturber le contrôle des fonctions vitales. D'où sans doute une légère augmentation des cas de mort subite en période hivernale. En association à d'autres causes, le reflux gastro-oesophagien est également mis en cause.

Le milieu, c'est-à-dire l'environnement dans lequel évolue le jeune enfant influence dans une large mesure le nombre de cas de mort subite. Qu'il s'agisse des positions et des conditions de couchage, de la température (max 20 ° avant 2 mois et 18° ensuite) de la chambre ou du risque causé par le tabagisme passif.


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