OncoDNA, la start-up wallonne qui révolutionne le diagnostic et le suivi des cancers
La société OncoDNA est connue pour ses tests de mesure des tumeurs cancéreuses basés sur l’analyse protéique ou de l’ADN du patient. Son application OncoSHARE, grâce à laquelle les oncologues peuvent valider un traitement et en suivre le succès, est une incroyable avancée pour la médecine personnalisée. Découvrez les coulisses de l'entreprise dans ce reportage richement illustré.
Publié le 20-11-2016 à 16h30
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Un reportage de la série "Dans le secret des lieux".
Au beau milieu du zoning industriel de Gosselies, juste derrière les pistes d’atterrissage de l’aéroport de Charleroi, se situent les bâtiments de la start-up wallonne OncoDNA. La société scientifique, couronnée en 2015 "Entreprise prometteuse de l’année" par Ernst & Young et L’Echo, est connue pour ses tests de mesure des tumeurs cancéreuses basés sur l’analyse protéique ou de l’ADN du patient. Les résultats de ces tests sont ensuite centralisés sur la plateforme OncoSHARE pour permettre aux oncologues de rapidement déterminer le traitement à privilégier. Un gain de temps très précieux.
Au rez-de-chaussée du bâtiment, nous sommes guidés dans des pièces lumineuses où bourdonne le bruit de machines dernière génération. Des hommes et des femmes en blouses blanches y exécutent des gestes lents et précis. Pas de doute, nous sommes bien dans les laboratoires de l’entreprise. OncoDNA collabore avec l’Institut de Pathologie et de Génétique (IPG), le plus grand laboratoire belge francophone d’analyses diagnostiques et pathologiques du cancer. OncoDNA réalise deux types d’actions.

Plus longue que dans "Les Experts"
La première se nomme OncoDEEP. Elle consiste à analyser la tumeur dans les moindres détails pour établir son "passeport moléculaire". A partir de la biopsie reçue dans la paraffine (de le cire dont la température de solidification se situe entre 50 et 62 degrés), OncoDNA réalise une combinaison de différentes analyses dont les résultats permettent d’informer les oncologues des traitements qui ont les plus grandes chances de réussite.

Pour parvenir à ces conclusions, les biologistes des laboratoires, aidés par des engins perfectionnés, ont un rôle bien précis dans le chemin parcouru par la biopsie, reçue par OncoDNA dans une boîte spécialement créée à cet effet. Selon le type de cancer, la paraffine est coupée en plusieurs lames par des personnes entraînées à cet exercice qui demande une grande précision afin de ne rien gaspiller.

Les lames sont ensuite placées dans une grande machine pendant quatre à cinq heures avec des marqueurs, des liquides qui vont permettre de détecter un signal. Tout est automatisé, l'engin sait exactement ce qu’elle doit faire grâce au QR code collé sur chaque lame. Les machines sont toutes flambant neuves car elles se multiplient en fonction de la demande. "Les oncologues sont demandeurs alors il suffit ‘juste’ d’en acheter une nouvelle… même si ça coûte cher", explique simplement le docteur Jean-François Laes, le directeur scientifique.

Ensuite, l’équipe passe à la biologie moléculaire. Une machine amplifie l’ADN pour obtenir un maximum de copies pour avoir suffisamment de matériel sous la main. "C’est comme dans Les Experts quand ils trouvent de l’ADN et qu’ils placent les petits tubes dans une machine. Sauf qu’en réalité, ça prend plus longtemps qu’à la télé", raconte Jean-François Laes. La dizaine de petits appareils tournent non-stop pour réaliser cette étape. "Cet instrument a été une réelle révolution moléculaire dans les années 80, c’est devenu indispensable pour notre travail", ajoute le directeur scientifique.

Le dernier instrument du "parcours" réalise le séquençage et imprime les données sur une puce de dix gigas pouvant contenir dix milliards d’informations. Les bio-informaticiens, à l’étage, reçoivent les données pour rédiger un rapport complet sur la tumeur. Ce rapport, qui contient également des indications quant au traitement le plus adéquat, est mis à disposition des oncologues sur l’application OncoSHARE.

Spécifiquement créée pour centraliser toutes les données du patient, OncoSHARE est le petit bijou de l’entreprise. Pour établir les conclusions, les biologistes comparent les résultats des analyses en laboratoires, la littérature scientifique et certains éléments de conférences en matière de cancer. Ils regardent aussi les drogues associées, les médicaments adéquats et quel impact (faible, moyen et fort) ils auront sur le patient. Les traitements sont classés du plus au moins conseillé sachant que la chimiothérapie est généralement en tête.

Des machines quasi autonomes
La deuxième action proposée par OncoDNA s’appelle OncoTRACE. C’est un test personnalisé à partir d’un échantillon sanguin. Il n’y a plus besoin de biopsie solide, l’analyse et le suivi sont réalisés à partir d’une simple prise de sang. OncoTRACE permet ainsi de suivre l’évolution de la tumeur et d’évaluer l’efficacité du traitement du patient. Cette méthode permet aux oncologues d’anticiper une éventuelle rechute. Les données de chaque patient sont donc régulièrement mises à jour sur OncoSHARE.

"L’objectif à long terme d’OncoDNA est de pouvoir partager un résultat en 24h grâce à l’autonomie des machines" explique le responsable de la communication qui nous présente les bureaux des bio-informaticiens. Le développement et le succès de l’application OncoSHARE est tel que des graphistes, webmasters et bio-informaticiens ont été engagés en nombre ces derniers mois. Le nombre de personnes travaillant dans les laboratoires, par contre, tendrait à diminuer çar "la machine va finir par tout faire elle-même, il restera peu de manipulation à réaliser manuellement", conclut le responsable de la communication.

Quoi qu’il en soit, l’objectif d’OncoSHARE est de partager dans le monde entier un maximum de données sur les différents types de cancers et les traitements conseillés pour que chaque cas dépisté puisse être couplé à un jumeau afin que les oncologues puissent mettre en place un traitement le plus rapidement possible. Cette application, décrite comme "le Facebook des oncologues" par François Blondel, administrateur d’OncoDNA, fait déjà partie de l’Histoire de la médecine personnalisée.
Texte : Lola Lemaigre
Photos : Christophe Bortels