"Prescrire un régime, c'est accompagner le patient vers l'échec annoncé de son projet à long terme". Parole de diététicien-nutritionniste
Publié le 06-05-2017 à 08h27 - Mis à jour le 06-05-2017 à 08h29
Rien ne fait plus grossir que …les régimes. Du moins à long terme et a fortiori s'ils sont stricts et restrictifs. Même s'ils font encore souvent la "Une" des magazines féminins, c'est pourtant bien le message que répandent depuis quelque temps déjà la plupart des diététiciens nutritionnistes et autres professionnels de la santé bien informés.
C'est aussi le message qui est diffusé ce samedi 6 mai, journée internationale sans régime, par le G.R.O.S., Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids, qui regroupe des professionnels de toutes écoles prenant en charge des personnes en difficulté avec leur poids et leur comportement alimentaire : "Le 6 mai, dites non aux régimes, non à la restriction, non au comptage de calories, non aux points alimentaires, non aux promesses qui vous conduiront à l'échec et à la reprise de poids".
Pourquoi ne surtout pas se lancer dans un régime ? Parce que "un régime, c'est l'assurance de prendre du poids et de pouvoir encore moins le perdre et le stabiliser à terme, nous répond Vincent Gerbault, diététicien nutritionniste et responsable de la communication au G.R.O.S. C'est l'effet yoyo ascendant bien connu des patients qui nous sollicitent. Prescrire un régime, c'est accompagner le patient vers l'échec annoncé de son projet à long terme et l'assurance d'affecter durablement son comportement alimentaire".
Arrêtons de propager de fausses promesses
A la question de savoir comment célébrer intelligemment cette journée, le diététicien nutritionniste nous répond: "probablement en s'arrêtant de courir après la dernière solution miraculeuse pour gérer son poids. Prendre un peu de recul, constater ce que les précédentes tentatives de régime ont produit : frustration, isolement social, reprise de poids, augmentation du poids maximum... Puis regarder son comportement alimentaire, s'interroger sur l'accord entre sa vie et ses propres valeurs, ses accidents de vie, ses souffrances passées et actuelles. Revenir aux fondamentaux, pourquoi mange-t-on ? Et peut être pousser la porte d'un professionnel formé à la prise en charge non restrictive et à l'accompagnement des personnes en souffrance avec leur poids."
Cette journée, c'est aussi, selon ce professionnel, "l'occasion d'arrêter de propager les fausses promesses de perte de poids par les contraintes infondées et les solutions marquetées, toujours efficaces à court terme et source d'échec violent, de reprise supérieure de poids et de destruction de la confiance en soi à moyen et long termes. De rappeler également aux professionnels de santé qu'ils ont leurs responsabilités dans ces prises de poids suite à des préconisations de régimes restrictifs encore trop majoritairement prescrits pour d'hypothétiques résultats à court terme et qui provoquent des échecs cuisants et irréversibles allant à l'encontre des objectifs qui ont motivé la prescription du régime".
Une approche bio psycho sensorielle
Au départ de ce groupe de réflexion, il y a un constat commun aux fondateurs : la disproportion criante entre la complexité des problèmes et l'approche simpliste des régimes. Pourtant, "d'autres approches existent, poursuit Vincent Gerbault. Respectueuses des patients et de la physiologie. Ces nouvelles approches permettent un accompagnement suivant trois axes principaux: le sensoriel (sensations alimentaires), l'émotionnel (envie de manger en rapport à des émotions) et l'axe de l'estime de soi, de l'image de soi. Car gérer son poids, c'est aussi dans la tête."
L'approche prônée par le G.R.O.S. est en effet bio psycho sensorielle. Bio, parce que "les avancées de la recherche montrent qu’il existe des mécanismes biologiques multiples impliqués dans la régulation du poids". Psycho, parce que "la difficulté à supporter certaines émotions négatives peut conduire à des réponses alimentaires. Si ce mécanisme se répète régulièrement, il risque de provoquer une prise de poids ou une impossibilité d’en perdre. La culpabilité que peut éprouver le mangeur en restriction cognitive à consommer un aliment qu’il s’interdit, fait aussi partie des émotions négatives pouvant conduire à manger trop par rapport à ses besoins". Et sensorielle car "les mécanismes de régulation s’expriment par les sensations alimentaires de faim, rassasiement et satiété. Le respect de ses sensations permet de conserver ou d’atteindre son "set point", c’est-à-dire son poids "naturel", dont l’un des déterminants est génétique".
Aussi le G.R.O.S. propose-t-il de traiter la restriction cognitive, ce qui revient à manger selon ses sensations alimentaires, de tout, sans culpabilité. Il s'agit également de "reconnaître la souffrance émotionnelle et augmenter la tolérance aux inconforts émotionnels pour faire face à l'impulsivité alimentaire". Enfin, le G.R.O.S. invite à "faire un travail d'acceptation, d'estime et d'affirmation de soi". Tout un programme…
A savoir, à propos de notre corps…
Notre corps est en perpétuelle recherche d'équilibre, il a un instinct de survie et une mémoire. Quand on lui impose des restrictions alimentaires, il réagit sur les plans neurologique, métabolique et hormonal. Il régule son fonctionnement pour parvenir à l'équilibre (homéostasie). Et donc, une perte de poids trop rapide ou un régime draconien va à l'encontre de l'homéostasie naturelle. En réaction, le corps met en place des mécanismes de défense et le poids perdu sera aussitôt repris. Pour perdre du poids, et maintenir cet objectif de manière durable, il faut viser un changement d'alimentation et d'hygiène de vie sur le long terme. C'est-à-dire …à vie. Sachez aussi que, quel que soit le poids de départ, une perte de 10 % aura déjà un impact très positif sur la santé globale, et cardiovasculaire en particulier.
A savoir sur...
Les régimes
Non seulement les régimes sont inefficaces et font grossir mais, en plus, ils sont dangereux, souligne le G.R.O.S. : "Le rapport de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sur l’ "évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement", établi en 2010 par un comité d’experts indépendants, montre clairement l’inefficacité des régimes dans le traitement de l’obésité ainsi que leur nocivité pour la santé physique et mentale : la reprise pondérale concerne en effet 80% des sujets à un an, et davantage encore à plus long terme. Les déséquilibres nutritionnels induits ont des effets délétères multiples et en particulier sur le capital osseux, la masse musculaire, le profil lipidique, la fonction rénale. Les contraintes inhérentes aux régimes perturbent les mécanismes de régulation du comportement alimentaire favorisant le développement de différents troubles psycho-émotionnels comme la restriction cognitive. Elle est considérée comme la complication la plus courante de la pratique des régimes amaigrissants".
Comme le soulignent encore les professionnels de santé de ce groupe de réflexion, "être en restriction cognitive (RC), c'est tenter de contrôler son alimentation par un effort de volonté, dans le but de maigrir ou de ne pas grossir. Cet effort est très difficile à maintenir avec le temps. L'état de RC provoque ainsi frustration si le régime est respecté, culpabilité s'il ne l'est pas, et risque d'induire une prise de poids ou une impossibilité à en perdre.
Qu'ils soient équilibrés ou pas, tous les régimes induisent une reprise de poids bien supérieure à la perte. Ils aggravent les complications médicales liées au poids, ils entrainent une mésestime de soi renforcée par les échecs répétés et quasi systématiques de chaque tentative de perte de poids. Ils installent des troubles des conduites alimentaires ou les amplifient".
La journée internationale sans régime
D'origine anglo-saxonne, la Journée internationale sans régime ou "No diet day" date de 1992. Elle a été initiée par une diététicienne, Mary Evens Young, une ancienne anorexique, après avoir visionné une émission sur la chirurgie de l'obésité. Aujourd'hui célébrée dans de nombreux pays, cette journée a pour but d'affirmer que l'on peut manger sans avoir à se sentir coupable, en se faisant plaisir, sans être esclave de la dictature de la minceur. Elle incite à conscientiser le public aux dangers des régimes et à sa faire prendre en charge par des professionnels de la santé.
Le G.R.O.S.
Créé en 1998, en France, le Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids (G.R.O.S.) a permis à des professionnels de santé de divers horizons, de mettre en commun leur expérience, leurs compétences et leur imagination. Le G.R.O.S. est une association, un lieu de réflexion et de formation. Il regroupe des soignants en charge de patients en difficulté avec leur poids et leur comportement alimentaire : médecins généralistes et spécialistes, diététiciens-nutritionnistes, psychologues, psychomotriciens, infirmiers… Outre ses activités de réflexion, le G.R.O.S. dispense auprès des professionnels de santé une formation sur cette prise en charge alternative des patients obèses et en surpoids. Les personnes en souffrance peuvent se rapprocher de l'antenne du G.R.O.S. de leur région, en Belgique aussi, afin de trouver un praticien formé à ces approches bio-psycho-sensorielles.
Plus d'infos: www.gros.org