5 choses à savoir sur la syphilis, cette "grande simulatrice" (REPORTAGE)
Publié le 21-09-2017 à 20h36 - Mis à jour le 21-09-2017 à 20h38
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Malgré les campagnes de prévention et d’information sur les IST, le nombre de cas de syphilis augmente. En Belgique, ils sont passés de 46 en 2002 à 906 cas dépistés en 2015. Une exposition présentant des cires anatomiques se tient à l’ULB.
Pudiquement cachées dans une alcôve derrière de fines tentures blanches et présentées sur fond noir, des cires anatomiques d’un réalisme étonnant nous plongent d’emblée et en 3D dans cette réalité, laide et effrayante, de la syphilis. Sous l’indication “N° 18 – maladie vénérienne”, pour représenter un cas de syphilis primaire, sort brutalement du tableau un morceau de visage, tirant une langue bien peu ragoûtante. Juste à côté, sont exposés deux sexes, l’un féminin et l’autre masculin, tout aussi peu “engageants”. Plus loin, ce sont des fesses maculées de pustules purulentes, des paumes de mains, des plantes de pieds, des torses grandeur nature, qui tous exhibent les éruptions cutanées typiques de cette maladie honteuse sexuellement transmissible, pour la première fois décrite au XVe siècle en Europe.
Tout droit sorties de la collection du Musée de la médecine de l’ULB (campus Erasme), ces deux cires anatomiques du XIXe siècle- parmi une vingtaine d’autres – présentent crûment les manifestations cliniques de cette emblématique maladie vénérienne, thème de la très réussie exposition “Syphilis, la grande simulatrice”, inaugurée jeudi soir en la salle Allende, sur le campus du Solbosch à l’ULB.
Déconseillé aux moins de 14 ans et aux âmes sensibles Une fois passée cette première partie – déconseillée par les organisateurs aux moins de 14 ans et aux personnes sensibles – où sont détaillés les différents stades de la maladie, la visite se poursuit par une série d’objets médicaux, de tableaux, statuettes, écrits, affiches, archives filmées…, tous évoquant l’histoire de la syphilis.
De quoi s’apercevoir que long et très improbable a été le chemin menant au bon traitement, la pénicilline en l’occurrence : méthode de suspension par la nuque, purges, diètes en tous genres ou fumigation dans un tonneau, les malades étant enfermés pendant 20 à 30 jours dans une étuve où la chaleur très élevée était maintenue pendant toute la durée du “traitement”. Aux pieds du malade qui était assis ou debout dans cette cabine, était placé un réchaud plein de braise où l’on jetait par un trou des tablettes de parfums mercuriels.
Car il faut rappeler que, près de cinq siècles durant, le mercure fut “le” traitement – bien toxique – administré à ces patients, que ce soit en fumigations, mais aussi en lavages, en emplâtres ou en frictions sous forme d’onguent. Cela, sans que son efficacité ait jamais été démontrée. Et à tel point que l’on peut se demander si le mercure n’a finalement pas davantage tué qu’il a guéri…
Dans cette exposition, on apprendra encore bien des choses sur cette maladie. Comme le fait qu’elle fut surnommée “mal de Saint Job”, faisant référence au personnage biblique qui connut de terribles maux dont celui d’être couvert d’ulcères propres à la lèpre ou à la gale. On découvre aussi que Saint Denis est l’un des patrons des syphilitiques.
Dans la galerie des syphilitiques célèbres Ensuite, on traverse la galerie des personnages célèbres, artistes, écrivains… dont il est plus que probables qu’ils aient succombé à ce mal. Parmi eux, Guy de Maupassant, Alfred de Musset, Alphonse Daudet, Nietzsche, Al Capone ou Charles Baudelaire, dont on fête cette année les 150 ans de la mort.
Les arguments en faveur du diagnostic de syphilis sont illustrés et discutés dans l’exposition; “mener un diagnostic rétrospectif associant médecine et histoire est une gageure que nous avons relevée, et une spécialité du Musée de la Médecine”, expliquent les concepteurs de cette intéressante exposition. Via laquelle ils espèrent aussi contribuer à la prévention et au dépistage des infections sexuellement transmissibles en recrudescence chez nous ces dernières années. (Lire par ailleurs)
“Syphilis, la grande simulatrice” est une belle occasion pour tous, simples curieux ou étudiants de professions médicales, d’en apprendre plus sur celle que l’on appelle aussi la “grande vérole”.
EN IMAGES: Tout savoir sur la syphilis
Cinq choses à savoir sur la syphilis
1 - La syphilis n'a pas disparu
Depuis 2002, une recrudescence des IST (infections sexuellement transmissibles) est observée. Selon l’ISP (Institut scientifique de santé publique), cette hausse pourrait être le résultat d’une augmentation de la pratique de dépistage et non spécifiquement une recrudescence de ces infections. Si l’infection à Chlamydia est la plus fréquente dans notre pays (passant de 988 cas en 2002 à 6063 cas en 2015 (la plus haute incidence ayant été observée chez les femmes âgées de 15 à 29 ans), la gonorrhée est elle aussi en recrudescence (de 275 cas à 1339 cas au cours de cette même période d’observation). Quant au nombre de cas de syphilis, il augmente lui aussi en Belgique : il est en effet passé de 46 cas enregistrés en 2002 à 906 cas dépistés en 2015. La syphilis est surtout observée chez les hommes de 20 à 59 ans.
2 - La maladie peut être asymptomatique
Causée par une bactérie, le tréponème pâle. la syphilis se transmet par le sang, le contact sexuel ou avec une lésion de la peau. Elle peut être asymptomatique dans sa phase de latence. On peut en effet avoir la syphilis – être porteur – sans le savoir. Si certaines personnes développent des symptômes, d’autres n’en présentent pas. Mais qu’il y en ait ou non, le risque de transmission demeure.
3 - Cette IST se manifeste en trois phases
Premier stade : entre 10 et 90 jours après l’infection, peut apparaître sur le site d’inoculation un chancre (petite plaie indolore) sur la peau ou les muqueuses (pénis, gland, testicules, clitoris, vagin, anus, tétons, rectum, lèvres, bouche, gorge). Il disparaîtra sans traitement après 3 à 6 semaines. Le sujet continuera d’être porteur de la syphilis. D’où la nécessité de se protéger ainsi que le partenaire. Deuxième stade : simultanément au chancre ou alors plusieurs années après le contact infectant peuvent apparaître des éruptions cutanées (poitrine, dos, paumes des mains et plantes des pieds, zone génitale). Parfois accompagnées de douleurs articulaires et musculaires, fièvre et/ou perte de cheveux en plaques. Autant de symptômes qui disparaîtront sans traitement alors que l’infection reste présente (syphilis latente).
Troisième stade : environ jusqu’à 30 ans après le contact infectant, des lésions sévères des organes vitaux et du système nerveux (cœur, cerveau, yeux et os) peuvent se manifester.
4 - La syphilis se dépiste et se traite
Le dépistage se fait par test sanguin classique (prise de sang dont le résultat est connu une semaine plus tard) ou rapide (goutte de sang prise au bout du doigt et résultat après 20 minutes). Le traitement consiste en l’administration d’antibiotiques (pénicilline souvent en injections). Une analyse de sang six mois après le traitement confirmera la guérison.
5 - Des hommes célèbres en sont décédés
Si ce sont surtout les hommes jeunes qui en sont atteints, les femmes peuvent également être infectées. Charles Baudelaire est l’un des patients pour lesquels le diagnostic rétrospectif de syphilis est le plus vraisemblable, mais il n’est pas le seul homme célèbre à être plus que probablement décédé de cette maladie. Le diagnostic différentiel met aussi en première ligne la syphilis pour Manet, Musset, Maupassant, Daudet, Nietzsche, Al Capone…
34% des patients belges ont moins de 25 ans
En Belgique, 34 % des patients souffrant d’IST (infections sexuellement transmissibles) ont moins de 25 ans. Au niveau national, 3 % des patients dépistés pour IST ont également été dépistés séropositifs pour le VIH. La présence d’une IST augmente la probabilité de contracter le VIH lors de rapports non protégés.
95 % de guérison en cas de dépistage précoce
Détectée précocement, la syphilis peut être soignée par l’injection d’antibiotiques (benzathine pénicilline G), laquelle garantira une guérison dans 95 % des cas.
3 Minutes
Où : L’exposition “Syphilis, la grande simulatrice”, qui a été inaugurée jeudi à l’ULB (Salle Allende, campus Solbosch, 22-24, avenue Paul Héger, 1050 Bruxelles), est une collaboration du Musée de la Médecine, d’ULB Culture et de l’Hôpital Erasme. L’entrée est gratuite.
Quand : L’exposition se tient jusqu’au 10 novembre.
Plus d’infos : www.ulb.ac.be/culture. Tél. : 02 650 37 65