Traitement de la douleur : hausse interpellante du recours à des opioïdes
Publié le 22-09-2017 à 17h15 - Mis à jour le 22-09-2017 à 17h16
Le Service d’évaluation et de contrôle médicaux (SECM) de l’Inami a constaté une hausse significative de la consommation de cinq opioïdes, des antidouleurs morphiniques. Entre 2010 et 2016, le nombre d’assurés à qui au moins un conditionnement d’un de ces cinq médicaments (fentanyl en patchs, tramadol, oxycodone, tilidine et piritramide) a été délivré a augmenté de 32 %. De même la quantité délivrée s’est accrue de 32 %. En 2016, 1,187 million d’assurés se sont fait délivrer au moins un conditionnement de ces médicaments, soit 10 % de la population. Dont coût pour l’assurance soins de santé : 55,4 millions d’euros. Sans compter les effets indirects sur la santé, la productivité, la sécurité,…
Trafic
Une situation qui préoccupe le SECM, car les effets secondaires de ces produits, surtout lorsqu’ils sont utilisés sur le long terme, sont nombreux et préjudiciables : dépendance psychique et physique; symptômes de sevrage; accoutumance; sensibilité accrue à la douleur.
Hormis dans quelques cas de fraude, où les chiffres de consommation atteignent des sommets (comme ces deux individus qui se sont procurés 13 000 patchs de fentanyl dans 250 pharmacies différentes, grâce aux prescriptions de 66 médecins pour un montant de 110 000 euros, manifestement dans un but de trafic), le SECM souligne que la consommation élevée de ces cinq opioïdes ne constitue pas nécessairement un abus et peut être médicalement justifiée. Mais les inspecteurs s’interrogent et appellent à sensibiliser le secteur à la consommation élevée et aux abus possibles.
Des vases communicants ?
Quant aux causes de cette hausse, par contre, le SECM ne s’avance pas. Il n’a pas non plus analysé l’évolution de la consommation d’autres opioïdes, qui aurait pu diminuer dans le même temps. Et c’est bien là la limite de son travail.
Interrogée par “La Libre”, le professeur Anne Berquin, du Centre de lutte contre la douleur aux Cliniques universitaires St-Luc à Bruxelles, estime qu’“il est possible qu’il y ait eu des transferts de consommation de certains opioïdes plus anciens vers ces molécules plus récentes. Il y a sans doute des jeux de vases communicants”. Néanmoins, elle s’étonne de la forte hausse du recours à ces cinq produits. “Il n’y a pas de raison de penser que l’incidence des pathologies nécessitant un recours aux opioïdes ait augmenté. Soit il y a un usage inadéquat, soit les médecins osent, davantage qu’avant, prescrire ces médicaments. Il est vrai que, suite au gros travail d’information, notamment des firmes pharmaceutiques, les opioïdes ont été dédiabolisés. Mais ces dernières années, on a tiré la sonnette d’alarme quant à leur utilisation.”
Effets secondaires graves
Dans un article de 2015, le Dr le Polain de Waroux (St-Luc) écrivait en effet que “suite au succès dans la douleur cancéreuse, les opiacés ont été largement utilisés en douleur chronique non cancéreuse. Cependant, les preuves de leur efficacité à long terme dans cette indication sont réduites. […] Les effets secondaires peuvent être graves. L’augmentation importante de décès suite à l’ingestion d’opiacés aux Etats-Unis impose de revoir les recommandations pour une plus grande prudence”.