L’Europe veut rattraper les Etats-Unis et la Chine dans la course aux “superordinateurs”
Publié le 11-01-2018 à 15h46 - Mis à jour le 11-01-2018 à 15h48
L’Union européenne veut investir un milliard d’euros d’ici à 2020 pour se doter de superordinateurs plus performants afin de rattraper son retard face aux Etats-Unis et à la Chine. Car pour l’instant, elle se trouve bien derrière, dans cette course aux “supercomputers”, considérés comme “le moteur de l’industrie numérique” et capables de millions de milliards de calculs par seconde. “Avec ce projet, nous participons au marathon (...). Nous courons tous, la Chine, les Etats-Unis. Nous (les Européens, ndlr) devons courir un peu plus vite”, a déclaré le Commissaire européen à la Recherche, Carlos Moedas, en présentant le projet jeudi à Bruxelles. Son homologue en charge de l’Economie et de la société numérique, Mariya Gabriel, a tiré la sonnette d’alarme: “En 2012, l’Europe avait quatre des dix premiers supercalculateurs au monde. Aujourd’hui nous ne sommes pas dans le top ten.”
Un superordinateur ou supercalculateur permet de traiter de gros volumes de données et d’effectuer des calculs complexes, utilisés par exemple dans les prévisions météorologiques ou de tremblements de terre, la conception de nouveaux avions ou de nouveaux médicaments. Les dix plus puissants ordinateurs de ce type se trouvent en Chine, aux Etats-Unis, et au Japon (hormis un en Suisse). Pour l’instant, chaque pays tente d’investir de son côté (y compris, d’ailleurs, la Communauté française, en 2014), sans toutefois pouvoir rivaliser de puissance avec d’autres continents.
Manque d'indépendance
“L’Europe a besoin de cette technologie de pointe, pour rivaliser avec des concurrents au niveau mondial autant scientifiquement, qu’industriellement. Nous ne pouvons pas prendre le risque d’être dépendant de pays tiers pour ces calculs car cela impliquerait la délocalisation progressive de ce genre d’activités”, a encore averti Mariya Gabriel. Il faut dire qu’à l’heure actuelle, les scientifiques et les entreprises d’Europe effectuent de plus en plus souvent le traitement de leurs données en dehors de l’UE car le temps de calcul disponible dans l’Union ne suffit pas à leurs besoins, reconnaît l’exécutif européen. Ce manque d’indépendance constitue une menace pour la vie privée, la protection des données, les secrets commerciaux et la propriété des données, notamment pour les applications sensibles, selon la Commission.
La Commission européenne va mettre 486 millions d’euros sur la table, complétés par un montant similaire collecté par 13 Etats européens ( Belgique, mais aussi France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Slovénie, Bulgarie, Grèce, Croatie, ainsi que la Suisse qui n’est pas membre de l’UE). “D’autres pays de l’UE vont nous rejoindre”, assure Carlos Moedas, “ils vont le faire très vite, car ils en ont besoin”. Concrètement, le projet prévoit l’acquisition et l’exploitation de deux superordinateurs de classe mondiale et d’au moins deux machines de calcul intensif de milieu de gamme. Ces derniers seront accessibles aux utilisateurs publics et privés dans l’UE à partir de 2020. L’objectif est aussi, à terme, que l’Europe puisse construire ses propres “supercomputers”. L’idée est de pouvoir construire un superordinaterus capable de réaliser un milliard de milliards de calculs par seconde dans les prochaines années. Ce “saut” technologique vers "l'exascale" est attendu dans les années 2021-22 Le siège du supercalculateur européen sera au Luxembourg, le centre de données de la Commission se trouvant déjà là-bas.
Trois domaines du quotidien que les superordinateurs vont changer
“L’Europe est ici au service du citoyen. Les supercalculateurs, ça peut donner l’impression que c’est un terme très technique, mais cela a un impact direct sur le citoyen”, insiste la Commissaire en charge de l’Economie et de la société numérique, Mariya Gabriel. Le principal avantage d’un superordinateur est sa capacité à traiter de gros volumes de données et d’effectuer des calculs complexes. Ce qui demande tant de ressources qu’un ordinateur “normal” ne pourrait jamais le réaliser. Voici trois exemples concrets d’utilisation de ces machines “surpuissantes”, parmi de nombreux autres.
1 La médecine personnalisée et les médicaments
La médecine personnalisée et de précision dépend largement du calcul à haute performance (HPC). Ce sont effet les superordinateurs qui sont les plus adaptés pour traiter les informations concernant les gènes, les protéines et l’environnement des patients afin de prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies. Par exemple, en matière de cancer, chaque maladie a ses propres caractéristiques génétiques qui donnent aux cellules et tissus tumoraux un caractère unique. La médecine personnalisée et de précision permettra d’orienter les patients vers le traitement approprié et de répondre précisément à leurs besoins. Autre avantage, pour l’industrie pharmaceutique : le test de molécules candidates au développement de nouveaux médicaments, via le recours au calcul à haute performance, ce qui fait entre autres baisser les coûts
2 La (cyber) sécurité
Lors de son annonce, la Commission européenne a fortement insiste sur l’apport que peuvent apporter les supercomputers dans un domaine sensible et délicat à “sous-traiter” à des puissances étrangères : celui de la cybersécurité. Combinés à l’intelligence artificielle et aux technique d’apprentissage profon (deep learning), les supercalculateurs permettent en effet de détecter les comportement étranges des systèmes, les menaces intérieures et les fraudes électroniques, mais aussi de repérer plus tôt les cyberattaques (en quelques heures au lieu de plusieurs jours) ou les utilisations abusives des systèmes et de prendre des mesures automatisées immédiates afin d’intervenir avant que les dégâts ne soient commis. Les supercalculateures interviennent également de plus en plus en matière de terroriste par exemple, pour la reconnaissance faciale ou la détection des comportements suspects dans les espaces publics très fréquentés.
3 La voiture autonome
Le développement des véhicules autonomes constituera un énorme consommateur de calcul à haute performance. Car ces véhicules mobiliseront à tout moment une masse de de données pour contrôler et optimiser la conduite, l’état du véhicule, la sécurité du passager.... Les voitures sans chauffeur devront échanger en permanence des données avec des systèmes de gestion et de supervision et se synchroniser avec de grandes bases de données qui leur livreront des informations sur l’environnement local, la situation du trafic, les alertes d’urgence et les conditions météorologiques...
Et aussi...
En science pure, (par exemple) la simulation des événements suivant le Big Bang, la prévision plus précise de la trajectoire d’une tempête, l’établissement de modèles météo et climatiques plus précis...