GPS, bikini, chewing-gum... Les phénomènes scientifiques qui se cachent derrière ces objets du quotidien
Publié le 15-01-2018 à 14h01
Pasquale Nardone est professeur de physique à l’ULB où il enseigne la mécanique quantique aussi bien que la physique générale. Il a travaillé avec les prix Nobel François Englert et Ilya Prigogine.
Le grand public le connaît surtout pour ses chroniques à la RTBF et à RTL-TVI où il commente avec un grand talent de vulgarisation les dernières nouvelles de la science. Il a longtemps préparé des “capsules” radio pour l’émission de Yasmine Boudaka à la RTBF, l’après-midi. Il y expliquait toute la science qui se dissimulait derrière les objets du quotidien, depuis le radiateur de nos maisons jusqu’aux lentilles de contact. C’est ce même concept qui donne lieu aujourd’hui, à un livre richement illustré, intitulé “30 objets cachent une science”.
Le GPS et la relativité générale d’Einstein Avec le même talent de pédagogue, il montrer la science et la technologie qui se cachent derrière un boomerang, un tire-bouchon, le teflon, le surf, une bougie de cire, un miroir ou le GPS. Parfois, ces objets si familiers font appel à la science la plus moderne comme le GPS qui a besoin de la relativité générale d’Einstein pour déterminer l’endroit où on se trouve à un mètre près. Mais on soupçonne moins que la science innove encore en matière par exemple de bikini. Les recherches sur les tissus intelligents ont permis de découvrir des fibres “à mémoires de forme”. Le bikini enfilé une première fois, grâce à cette mémoire de forme, aura la seconde fois, exactement votre taille ou votre forme de bonnet.
Analysant le chewing-gum, Pasquale Nardone explique que les Anglais ont calculé que le coût pour décoller les chiques du sol représente la moitié de la somme de leur vente : 400 millions de dollars et 200 millions pour les nettoyer du sol. Analysant cette fois la colle, il s’amuse de ce que les chercheurs cherchant une colle ultra-forte en ont découvert une ultra faible qui fut un grand succès puisque c’est celle des post-it. Et Pasquale Nardone peut vous expliquer pourquoi l’expresso est différent du café normal et plus efficace, l’histoire des allumettes Union Match et comment l’imperméable chasse la pluie. Un livre qui est une balade étonnante dans le quotidien, sans équations ni connaissances préalables requises.
Infos : Pasquale Nardone, 30 objets cachent une science, Editions Andromède, 256 pp., env. 29,50 euros
Le surf ou la poussée d'Archimède

Le surfeur doit toujours positionner convenablement son centre de gravité sous peine de basculer et tomber à l’eau. Le surf est un travail sur le déséquibre constant entre le poids et l’endroit où s’exerce la poussée d’Archimède, tout en utilisant le mouvement naturel de la vague. Pour une même dimension, plus l’objet est léger, moins il est dense, et mieux il flotte. Il était donc important de trouver des matériaux légers, naturels ou non, mais surtout très résistants à cause des forces importantes comme le poids, la poussée d’Archimède, les chocs ou encore les aspérités du sol.
Le réfrigérateur ou le gaz comprimé jusqu'à l'état liquide

C’est la civilisation chinoise qui serait la première à avoir utilisé la glace et la neige pour refroidir les breuvages. Ils conservaient la glace dans la paille ou l’herbe séchée pour l’utiliser aux périodes les plus chaudes. Bien plus tard, en 1918, un certain monsieur Kelvinator construisait le premier réfrigérateur domestique et c’est Général Motors qui en 1926 mit sur le marché le premier réfrigérateur à compresseur scellé. On utilise un gaz soigneusement choisi et comprimé jusqu’à l’état liquide (ce fut longtemps le fréon). Dans le compartiment frigo, il prend de l’énergie aux aliments, les refroidissant, et devenant alors gazeux. Un compresseur à l’arrière le rend ensuite à nouveau liquide et le processus peut recommencer.
Le tire-bouchon ou la rotation qui devient translation
Le tire-bouchon apparaît au XVIIIe siècle. Il semblerait que ce soient les Anglais, grands consommateurs et commerçants de vin et de porto, qui l’aient inventé. Il transforme une rotation en translation. Le premier brevet officiel été déposé en 1795 par l’anglais Samuel Henshall. La nouveauté consistait à avoir ajouté un levier qui posé sur le goulot de la bouteille, permettait de décupler la force exercée et de sortir le bouchon. On pense que l’on doit à Dom Pérignon l’utilisation de bouchons en liège (compressible, imputrescible) pour fermer ses célèbres bouteilles de campagne.
Trois questions à Pasquale Nardone, physicien et auteur
1. Comment ce livre est-il né ?
Cette envie d’expliquer m’est venue de mon travail avec avec les jeunesses scientifiques. Nous avions vu que les sciences ne sont pas toujours jugées à leur juste valeur dans l’enseignement secondaire. En 2009, les jeunesses scientifiques fêtaient leur cinquantième anniversaire et on avait organisé une exposition au Cinquantenaire et j’y proposais des objets et leur science cachée, comme toutes les technologies associées à une auto, des phares au xénon jusqu’aux airbags. Ou celles derrière tous nos smartphones.
2. Vous entendez lutter contre une certaine mauvaise réputation de la science...
Le discours classique associe par exemple trop souvent la chimie à la pollution sans monter tout ce que la chimie peut aussi nous apporter au quotidien. Des études ont montré que curieusement, au plus un pays est technologiquement développé, au moins la science y est aimée, alors qu’en Inde et en Chine, les études scientifiques sont extrêmement recherchées et les études d’ingénieur font le plein. Une deuxième raison de la réputation trop médiocre que la science a acquise chez nous est l’image mentale qui traîne dans l’esprit des jeunes. Ils voient à tort le chercheur comme quelqu’un de solitaire enfermé dans un laboratoire.
3. L’enseignement de la physique en secondaire s’arrête souvent à la physique de la fin du XIXe siècle, et on n’y parle très peu de la physique du XX e siècle, de mécanique quantique ou de relativité ?
On peut même dire que souvent, on y enseigne surtout la physique du XVIIe siècle. Le seul cours où on évoque vraiment les sciences plus récentes est celui de biologie où on parle d’ADN par exemple. De plus, on n’évoque peu les liens entre science et technologie amenant les jeunes à se dire : à qui ça sert cette science? Enfin, hélas, l’argent vient s’y mêler. J’ai toujours estimé que mon rôle à l’université est triple: enseigner, rechercher, mais aussi servir la société. C’est pourquoi je participe volontiers aux séances d’explication vis-à-vis des jeunes. Il y a quelques années, la première question que j’avais était ‘Qu’est-ce que fait un scientifique?’ aujourd’hui cela devient souvent ‘Quel est son salaire?’ Par ailleurs, il est faux de penser qu’il y a de plus en plus de filles dans ces filières scientifiques. Les filles sont certes devenues majoritaires à l’université (60%) mais elles restent minoritaires en sciences. Dans mon cours de mécanique quantique, je n’ai que quatre étudiantes et en informatique c’est encore pire.