“Je ne précise jamais que j’ai eu un cancer du sein. Un homme qui a un 'cancer de femme', c’est gênant”
Publié le 31-01-2018 à 20h15 - Mis à jour le 01-02-2018 à 14h00
A l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, qui a lieu ce dimanche 4 février, le BIG (Breast International Group) et l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) ont souhaité mieux faire connaître cette maladie rare et les avancées de la recherche académique, afin de sensibiliser le public. Et en particulier les hommes, souvent à mille lieues d’imaginer qu’un nodule détecté dans la poitrine n’est pas forcément anodin, comme en témoigne Fabien.
"Quand j’ai senti un petit nodule au niveau de la poitrine, du côté droit, et que je me suis aperçu qu’il grossissait, j’ai pensé à un amas de graisse. Jamais je n’ai imaginé qu’il s’agissait d’un cancer du sein. Pour être honnête, je ne savais même pas que cela pouvait exister chez l’homme”, nous dit Fabien (*), aujourd’hui âgé de 58 ans. “J’avais alors 53 ans et je m’étais dit qu’il était temps de faire les quelques dépistages classiques à ce stade de la vie.” Autant dire que la mammographie n’était assez logiquement pas au programme de ce fonctionnaire, en poste à l’étranger.
A cette époque, il travaille en Asie. “J’ai eu de la chance, si l’on peut dire. Car lorsque j’ai parlé de cette petite boule à mon médecin, il m’a directement dirigé vers l’hôpital pour des examens. Je me rappelle de la stupeur des radiologues lorsqu’ils ont constaté les résultats de l’imagerie. Dans ce service spécialisé dans le cancer du sein, ils n’avaient pas vu beaucoup d’hommes”.
S’agissant d’un cancer particulièrement agressif, l’intervention chirurgicale n’a pas tardé, suivie de la chimio et de la radiothérapie. “Même si les doses ont été adaptées, j’ai eu le même traitement qu’une femme atteinte d’un cancer du sein, poursuit Fabien. Au niveau des rayons, ils ne m’ont pas raté. Mais c’est sans doute ce qui m’a sauvé la vie. Quant à la cicatrice, elle fait plus de 30 cm, reste fort rouge et parfois douloureuse”.
Cette “marque” sur le corps le gêne-t-il ? “Absolument pas. Aucun souci. Zéro problème avec ça. Mais j’ai bien conscience de la souffrance qu’une mastectomie peut représenter pour une femme dont le sein est un symbole de féminité”.
Cela met-il en cause la masculinité ? En revanche, si Fabien éprouve certaines difficultés, c’est de préciser que son cancer l’a atteint au sein. “Je ne claironne pas que j’ai eu un cancer, mais je ne le cache pas non plus. Cela dit, quand j’en parle, je ne précise jamais qu’il s’agit d’un cancer du sein”.
Pourquoi ? “C’est une bonne question, nous répond-il avant un court silence. Est-ce que cela met en cause votre masculinité ? Peut-être y a-t-il quelque chose de cet ordre-là. Un homme qui a eu un “cancer de femme”, cela a quelque chose de bizarre. Je suis bien conscient que c’est idiot. De la connerie à l’état pur. Si j’avais eu un cancer de la prostate ou tout autre cancer, oui, certainement, j’aurais osé en parler. Mais un cancer du sein chez un homme, il y a comme une gêne à le dire.”
Preuve que ce cancer méconnu reste tabou.
(*) Prénom d’emprunt.