Le Belge Thomas Hertog a travaillé avec Hawking: “Ses difficultés de communication n’ont jamais empêché notre travail de recherche”
Publié le 15-03-2018 à 13h51 - Mis à jour le 15-03-2018 à 18h23
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/6BXSBDCST5BMZO3MMTJ5VPEPSI.jpg)
"Nous avons travaillé ensemble jusqu’à la semaine passée. Il a mené des recherches jusqu’au bout de sa vie. C’est presque logique qu’il ait travaillé jusqu’à la fin, car pour lui, la science était une grande aventure ! C’était ce qu’il aimait faire !" Le Belge Thomas Hertog, scientifique de la KULeuven, renommé mondialement lui-même, a en effet collaboré durant deux décennies avec Stephen Hawking, le physicien et cosmologue britannique décédé ce mercredi matin.
Du temps pour une "bonne conversation"
Le physicien flamand explique que le handicap de l’astrophysicien britannique, qui s’exprimait via une machine n’a jamais empêché leur collaboration : "Travailler avec lui n’était pas très différent de travailler avec une autre personne ! Il était passionné par la science, et il était très facile à approcher. Il était très facile de travailler avec lui. Je l’ai rencontré dans les années 90, notre collaboration a duré durant 20 ans, et les difficultés de communication n’ont jamais empêché de faire notre travail. On communiquait rarement par mail. On était toujours l’un à côté de l’autre. On discutait dans son bureau à Cambridge, souvent, même à Leuven, ou ailleurs partout dans le monde. On se voyait plusieurs fois par an, et toujours pendant quelques jours pour avoir une bonne conversation."
Thomas Hertog, 42 ans, se dit reconnaissant vis-à-vis de Stephen Hawking chez qui il a soutenu sa thèse fin des années 90. "C’est lui qui m’a vraiment formé. J’ai été son étudiant. Je l’ai rencontré car je voulais étudier la cosmologie (NdlR : origine, structure et évolution de l’Univers) et je suis allé à Cambridge. Il m’a engagé comme doctorant. Durant toute cette première phase de ma carrière, il a eu une influence importante, c’est clair. C’était une aventure magnifique. Pendant 20 ans, nous avons continué notre relation, jusqu’à la semaine passée, en fait."
A l’aise sur les nouvelles voies
Pendant ces années de collaboration, le scientifique belge a souvent été "bluffé" par son aîné. Exemple ? "Je travaillais avec lui sur un modèle du Big Bang. Et à un moment, il est devenu clair que ce modèle donnait lieu à un ‘multivers’, des univers multiples. Et donc, à ce moment-là, je me suis dit : ‘ouh là, là, il ne va pas aimer ça’. Parce qu’évidemment, c’est une complication significative ! Si tu veux utiliser ton modèle pour dire quelque chose sur notre Univers, c’est mieux qu’il n’y en ait pas plusieurs ! Mais en fait, sa réaction a été le contraire ! Il a tout de suite dit : ‘OK, super, essayons ça !’ En fait, il a vu immédiatement cela comme un challenge. Il était tout de suite motivé. Cette histoire m’a appris beaucoup sur lui. Il était vraiment à l’aise, comme scientifique, d’aller explorer de nouveaux chemins, là où personne n’a encore jamais été. Pour lui, la science, à mon avis, c’était une grande aventure."
Selon Thomas Hertog, outre la théorie des trous noirs "pas vraiment noirs", ce qui restera de Stephen Hawking dans l’histoire des sciences sera aussi son modèle de Big Bang "qui nous amène au multivers, comme je le disais, et qui est aussi une explication pour l’origine des structures dans l’Univers". La théorie - controversée - du multivers ou univers multiples (en gros, nous vivons dans un univers parmi beaucoup d’autres) un concept scientifiquement acceptable ? "Ah, mais cela, c’était le sujet de notre travail actuellement. On était en train de travailler là-dessus : comment tu développes l’idée d’un multivers, avec un modèle scientifique falsifiable. On n’en est pas encore là, mais je pense que ça sera un jour le cas… C’est une question qui est encore ouverte et cette question était vraiment au cœur de notre travail les dernières années."