Les compléments alimentaires sont-ils sûrs et vraiment nécessaires? Si oui, en quelles quantités?
Les compléments alimentaires sont à la mode depuis quelques années déjà, certes, mais quelle est leur place au juste? Sont-ils bien nécessaires? Sans danger? Peuvent-ils être pris sans avoir au préalable consulté un professionnel de la santé? Et que penser des doses journalières maximales recommandées? Les avis divergent.
Publié le 11-04-2018 à 19h42 - Mis à jour le 13-04-2018 à 14h35
Les compléments alimentaires sont à la mode depuis quelques années déjà, certes, mais quelle est leur place au juste? Sont-ils bien nécessaires? Sans danger? Peuvent-ils être pris sans avoir au préalable consulté un professionnel de la santé? Les doses journalières maximales recommandées sont-elles bien évaluées?
En voilà des questions qui refont surface périodiquement. Récemment encore, alors que le Conseil supérieur de la santé (CSS) avait communiqué sur les teneurs maximales autorisées, au vu de l'évolution des besoins et des connaissances scientifiques. Et ce mardi, avec la réaction de Naredi, la fédération belge et le porte-parole officiel du secteur des compléments alimentaires, clamant haut et fort qu'en Belgique, ils sont sûrs et utiles. Explication et exposition des différents points de vue, arguments à l'appui.
A quoi servent les compléments alimentaires? Quelle est leur place?
Comme le précise le CSS, "les compléments alimentaires ont comme vocation de compléter l’alimentation lorsqu’elle n'apporte pas les quantités suffisantes de nutriments nécessaires à la préservation d'une bonne santé. Ces situations se rencontrent surtout pour certaines vitamines, minéraux et/ou oligo-éléments et sont liées à un régime alimentaire trop peu varié. Elles peuvent aussi découler d’un besoin accru non rencontré, par exemple lors de la croissance, de la grossesse ou de l’allaitement ou encore, en cas de malabsorption digestive. Malgré leur apparence, les compléments sont des aliments et non des médicaments même s’ils peuvent avoir un effet préventif ou curatif par rapport à des manifestations spécifiques de carence".
Quel est dès lors le problème?
Bien que l'objectif des compléments alimentaires soit clairement défini, pour le CSS, "il se fait que des compléments actuellement autorisés sur le marché belge ne rencontrent pas parfaitement cet objectif, notamment en raison d’une teneur en nutriments autorisée se situant bien au-delà des besoins nutritionnels. A cela s’ajoutent les effets d’une consommation effrénée due à une publicité peu contrôlée et d’un accès tout à fait libre sur le marché pléthorique des produits de santé".
Quelle est la situation en Belgique? Et en Europe?
Si dès 1992, notre pays s’est doté d’une législation stipulant quels nutriments peuvent être incorporés dans les compléments alimentaires et en quelle quantité, les habitudes alimentaires ont évolué depuis lors et les connaissances quant aux propriétés des nutriments se sont considérablement accrues. Raisons pour lesquelles, le Conseil Supérieur de la Santé se doit de mettre régulièrement à jour ses "recommandations nutritionnelles". Aussi, à la demande du législateur, le CSS a-t-il récemment proposé des teneurs maximales en nutriments que pourraient contenir les compléments alimentaires à notre époque en prenant en compte les besoins réels de divers groupes de la population, les effets escomptés et les quantités utiles à administre.
Le hic pour le CSS : lors de la récente révision de l’AR de 1992, afin de se conformer à des dispositions européennes, le législateur a toutefois privilégié des données relatives aux limites maximales de sécurité (apports maximum dénués de tout risque de toxicité).
Il faut en effet savoir que "l’Union ne fixe pas les quantités maximales de nutriments dans les compléments alimentaires mais laisse à chaque État membre le soin d’édicter sa propre réglementation, rappelle le CSS. Cependant, elle veille au respect de dispositions relatives à la libre circulation des produits commerciaux. Opter pour des quantités plutôt élevées minimise donc le risque de devoir refuser la commercialisation d’un produit hautement dosé déjà en vente dans un autre État membre mais qui ne satisferait pas à une législation belge plus restrictive".
En conséquent, que dit le Conseil supérieur de la santé? Et que répond le secteur? En 4 exemples
"Le fait d’autoriser des quantités élevées de nutriments dans les compléments alimentaires conduit à des situations étonnantes au plan nutritionnel", soulève le CSS qui, en prenant quelques exemples, a confronté les valeurs maximales journalières recommandées par le CSS et les valeurs maximales de sécurité à présent autorisées par le nouvel AR, et qui s'avèrent en l'occurrence de 2 à plus de trois fois supérieures, selon les cas. Ce à quoi Naredi, le représentant officiel de l'industrie des compléments alimentaires en Belgique, n'a pas manqué de réagir.
1. L’iode
CSS : 100 µg/j - AR : 225 µg/j
"Pendant longtemps, un déficit marginal d’apport en iode a été observé en Belgique mais la diffusion d’informations pertinentes ainsi qu’une intervention dans la chaîne alimentaire (iodation du sel de boulangerie) ont permis d'améliorer sensiblement la situation, note le CSS, selon lequel la prise d'iode via des compléments alimentaires est maintenant beaucoup moins utile que par le passé (sauf pour les femmes en âge de procréer, enceintes et allaitantes) et, en tout cas, ne doit pas se faire en dose journalière supérieure à 100 µg. Un apport plus élevé peut engendrer des troubles thyroïdiens chez certaines personnes".
La réponse de Naredi : "Si l'on se réfère aux résultats de l'enquête sur la consommation alimentaire publiée par l’ISP en 2017, on observe que la contribution des compléments alimentaires à l'apport moyen d'iode est très limitée : moins de 1%; le risque de surdosage de l'alimentation a été évalué comme très faible; l'apport moyen en Belgique est de 145 microgrammes par jour. Le maximum de sécurité a été fixé à 600 microgrammes par jour, ce qui permet de confirmer le dosage de 225 microgrammes par jour (NdlR: recommandé dans l'AR) dans les compléments alimentaires".
2. Le fer
CSS : 15 mg/j - AR : 45 mg/j)
Pour le CSS, "les doses élevées de l’AR ne conviennent que pour des situations pathologiques avérées qui nécessitent une stricte supervision médicale. Un excès de fer est potentiellement nuisible à certains groupes de population, en ce compris les femmes enceintes pour lesquelles l’indication d’une complémentation a été revue. Les compléments alimentaires hautement dosés en Fe s’apparentent donc à de véritables médicaments avec les risques que cela comporte, et non à des compléments alimentaires".
Pour sa part, Naredi "s’étonne que la sécurité des compléments alimentaires à base de fer, dosés en toute sécurité à 45 mg/jour, puisse être remise en question, alors que toutes les évaluations scientifiques menées jusqu'à présent soutiennent une valeur journalière sûre jusque 45 mg". Et de rappeler que "le CSS a d’ailleurs proposé, dans son propre rapport en 2016, d'utiliser la limite de 45 mg par jour pour les compléments alimentaires".
3. Le chrome
CSS : 50 µg/j - AR: 187,5 µg/j
"Sur base de l’argument de non toxicité, la Belgique autorise des quantités élevées de chrome, soulève le CSS. Or, la plupart des autorités de santé s’accordent sur le fait que celui-ci ne présente aucune utilité biologique. Sa présence à ce niveau dans les compléments alimentaires, sans risque pour la santé, pourrait tromper le public quant à une prétendue efficacité pour la régulation des sucres et des graisses, jugée infondée par les experts scientifiques". Ce à quoi Naredi rétorque: " Nous nous étonnons que le CSS puisse mettre en doute la fonction biologique du chrome. Nous soulignons que la fonction du chrome dans le soutien du métabolisme a été clairement démontrée et scientifiquement approuvée par l’EFSA. L’allégation “le chrome contribue à un métabolisme normal des macronutriments ” a été officiellement approuvée par la Commission européenne".
4. La vitamine C
CSS : 500 mg/j - AR : 1 000 mg/j
"Même si une consommation élevée de cette vitamine ne présente aucun risque, fait remarquer le CSS, rien ne justifie d’en autoriser des quantités bien au-delà des besoins nutritionnels estimés à 110 mg/j. Alors que le CSS propose déjà de complémenter avec des quantités maximales pouvant être assez élevées, les quantités telles qu’autorisées par l’AR sont directement éliminées par l’organisme, sans y exercer d’effet bénéfique complémentaire. Étonnant gaspillage de ressources au moment où l’on parle de développement durable..."
Plus globalement, Naredi a tenu à rassurer, mardi, dans son communiqué: "Des compléments alimentaires contenant des vitamines et minéraux sont disponibles en différents dosages, plus ou moins élevés, mais toujours sûrs. Ils répondent aux besoins du consommateur et permettent aux professionnels de la santé d’ajuster les dosages aux besoins spécifiques de chacun. Il s’avère que des dosages élevés - mais toujours sûrs - sont nécessaires, car certaines vitamines ou minéraux sont mal assimilés par le corps, raison pour laquelle leurs dosages doivent être augmentés afin d’atteindre des valeurs sanguines normales".
En conclusion
- Quoi qu'il en soit, si le CSS et Naredi ne s'accordent pas sur les valeurs maximales journalières recommandées de ces compléments alimentaires, l'un et l'autre paraissent néanmoins d'accord sur certains points: adopter une alimentation saine et équilibrée est la meilleure façon d'éviter des carences et une supplémentation, qui, quelle qu'elle soit, devra faire l'objet d'une consultation chez un professionnel de la santé avant d'être prise. Tout en s'assurant de ne consommer que des produits autorisés en Europe, après avoir vérifié si un numéro de notification est bien mentionné sur l'emballage. Et après avoir lu attentivement la notice et respecté scrupuleusement les quantités recommandées, sans jamais les dépasser.
"Si vous prenez plusieurs compléments alimentaires, demandez conseil à votre médecin, votre pharmacien ou votre professionnel de la santé, conseille encore Naredi. Et si vous prenez des médicaments ou si vous êtes malade, demandez toujours conseil à votre médecin traitant, votre pharmacien ou votre professionnel de la santé sur les éventuelles interactions avec des compléments alimentaires".