Devons-nous compléter notre alimentation avec des compléments alimentaires?
Publié le 15-04-2018 à 08h45 - Mis à jour le 15-04-2018 à 08h52
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/IAPCKBDENBEJTKL5TPJCDNDC2E.jpg)
Les compléments alimentaires sont à la mode depuis quelques années déjà, certes, mais quelle est leur place au juste ? Sont-ils vraiment nécessaires ? Sans danger ? Peuvent-ils être pris sans avoir au préalable consulté un professionnel de la santé ? Les doses journalières maximales recommandées sont-elles bien évaluées ? En voilà des questions qui refont surface périodiquement. Récemment encore, alors que le Conseil supérieur de la santé (CSS) communiquait sur les teneurs maximales autorisées, au vu de l’évolution des besoins et des connaissances scientifiques. Et cette semaine, avec la réaction de Naredi, la fédération belge et porte-parole officiel du secteur des compléments alimentaires, clamant qu’en Belgique, ils sont sûrs et utiles.
1. A quoi servent les compléments alimentaires ? Quelle est leur place ?
Comme le précise le CSS, "les compléments alimentaires ont comme vocation de compléter l’alimentation lorsqu’elle n’apporte pas les quantités suffisantes de nutriments nécessaires à la préservation d’une bonne santé. Ces situations se rencontrent surtout pour certaines vitamines, minéraux et/ou oligo-éléments et sont liées à un régime alimentaire trop peu varié. Elles peuvent aussi découler d’un besoin accru non rencontré, par exemple lors de la croissance, de la grossesse ou de l’allaitement ou encore, en cas de malabsorption digestive. Malgré leur apparence, les compléments sont des aliments et non des médicaments même s’ils peuvent avoir un effet préventif ou curatif par rapport à des manifestations spécifiques de carence".
2. Quel est dès lors le problème ?
Bien que l’objectif des compléments alimentaires soit clairement défini, pour le CSS, "il se fait que des compléments actuellement autorisés sur le marché belge ne rencontrent pas parfaitement cet objectif, notamment en raison d’une teneur en nutriments autorisée se situant bien au-delà des besoins nutritionnels. A cela s’ajoutent les effets d’une consommation effrénée due à une publicité peu contrôlée et d’un accès tout à fait libre sur le marché pléthorique des produits de santé".
3. Quelle est la situation en Belgique ? Et en Europe ?
Si, dès 1992, notre pays s’est doté d’une législation stipulant quels nutriments peuvent être incorporés dans les compléments alimentaires et en quelle quantité, les habitudes alimentaires ont évolué depuis lors et les connaissances quant aux propriétés des nutriments se sont considérablement accrues. Raisons pour lesquelles le CSS se doit de mettre régulièrement à jour ses "recommandations nutritionnelles".
Aussi, à la demande du législateur, a-t-il récemment proposé des teneurs maximales en nutriments que pourraient contenir les compléments alimentaires à notre époque en prenant en compte les besoins réels de divers groupes de la population, les effets escomptés et les quantités utiles à administrer. Le hic pour le CSS : lors de la récente révision de l’AR de 1992, afin de se conformer à des dispositions européennes, le législateur a toutefois privilégié des données relatives aux limites maximales de sécurité (apports maximums dénués de tout risque de toxicité). Il faut en effet savoir que "l’Union ne fixe pas les quantités maximales de nutriments dans les compléments alimentaires mais laisse à chaque Etat membre le soin d’édicter sa propre réglementation, rappelle le CSS. Cependant, elle veille au respect de dispositions relatives à la libre circulation des produits commerciaux. Opter pour des quantités plutôt élevées minimise donc le risque de devoir refuser la commercialisation d’un produit hautement dosé déjà en vente dans un autre État membre, mais qui ne satisferait pas à une législation belge plus restrictive".
4. En conséquence, que dit le Conseil supérieur de la santé ? Et le secteur ?
"Le fait d’autoriser des quantités élevées de nutriments dans les compléments alimentaires conduit à des situations étonnantes au plan nutritionnel", soulève le CSS qui, en prenant quelques exemples (voir ci-contre), a confronté les valeurs maximales journalières recommandées par le CSS et les valeurs maximales de sécurité à présent autorisées par le nouvel AR, et qui s’avèrent en l’occurrence souvent de deux à plus de trois fois supérieures, selon les cas.
Ce à quoi Naredi, le représentant officiel de l’industrie des compléments alimentaires en Belgique, n’a pas manqué de réagir, comme on le lira encore ci-contre.
Les points d’accord
Si le Conseil supérieur de la santé (CSS) et Naredi, la fédération belge du secteur des compléments alimentaires (CA), ne s’accordent pas sur les dosages maximaux dans les CA en Belgique, ils partagent néanmoins d’autres points : adopter une alimentation saine et équilibrée est la meilleure façon d’éviter des carences et une supplémentation qui, quelle qu’elle soit, devra faire l’objet d’une consultation chez un professionnel de la santé avant d’être prise. Tout en s’assurant de ne consommer que des produits autorisés en Europe, après avoir vérifié si un numéro de notification est bien mentionné sur l’emballage. Et après avoir lu attentivement la notice et respecté scrupuleusement les quantités recommandées, sans jamais les dépasser. "Si vous prenez plusieurs compléments alimentaires, si vous prenez des médicaments ou si vous êtes malade, demandez toujours conseil à votre médecin traitant, votre pharmacien ou un professionnel de la santé sur les éventuelles interactions avec des compléments alimentaires", conseille Naredi.
Voici, en trois exemples, des doses journalières maximales recommandées
Elles divergent selon qu’elles émanent du CSS ou de l’AR et du secteur.
L’iode
CSS : 100 µg/j - AR : 225 µg/j
"Pendant longtemps, un déficit marginal d’apport en iode a été observé en Belgique mais la diffusion d’informations pertinentes ainsi qu’une intervention dans la chaîne alimentaire (iodation du sel de boulangerie) ont permis d’améliorer sensiblement la situation", note le CSS, selon lequel "la prise d’iode via des compléments alimentaires est maintenant beaucoup moins utile que par le passé (sauf pour les femmes en âge de procréer, enceintes et allaitantes) et, en tout cas, ne doit pas se faire en dose journalière supérieure à 100 µg. Un apport plus élevé peut engendrer des troubles thyroïdiens chez certaines personnes".
La réponse de Naredi : "Le risque de surdosage de l’alimentation a été évalué comme très faible; l’apport moyen en Belgique est de 145 microgrammes par jour. Le maximum de sécurité a été fixé à 600 microgrammes par jour, ce qui permet de confirmer le dosage de 225 microgrammes par jour (NdlR : recommandé dans l’AR) dans les compléments alimentaires."
Le fer
CSS : 15 mg/j - AR : 45 mg/j
Pour le CSS, "les doses élevées de l’AR ne conviennent que pour des situations pathologiques avérées qui nécessitent une stricte supervision médicale. Un excès de fer est potentiellement nuisible à certains groupes de population, en ce compris les femmes enceintes pour lesquelles l’indication d’une complémentation a été revue. Les compléments alimentaires hautement dosés en Fe s’apparentent donc à de véritables médicaments avec les risques que cela comporte, et non à des compléments alimentaires."
Pour sa part, Naredi "s’étonne que la sécurité des compléments alimentaires à base de fer, dosés en toute sécurité à 45 mg/jour, puisse être remise en question, alors que toutes les évaluations scientifiques menées jusqu’à présent soutiennent une valeur journalière sûre jusque 45 mg".
Le chrome
CSS : 50 µg/j - AR : 187,5 µg/j
"Sur base de l’argument de non toxicité, la Belgique autorise des quantités élevées de chrome, soulève le CSS. Or, la plupart des autorités de santé s’accordent sur le fait que celui-ci ne présente aucune utilité biologique. Sa présence à ce niveau dans les compléments alimentaires, sans risque pour la santé, pourrait tromper le public quant à une prétendue efficacité pour la régulation des sucres et des graisses, jugée infondée par les scientifiques."
Ce à quoi Naredi rétorque : "La fonction du chrome dans le soutien du métabolisme a été clairement démontrée et scientifiquement approuvée par l’EFSA. L’allégation ‘le chrome contribue à un métabolisme normal des macronutriments’ a été officiellement approuvée par la Commission européenne."