"Petite nature", "lâcheur", "mauvaise maman"… ou comment injustement culpabiliser les migraineux

"Souligner la culpabilité peu constructive des patients face à leur migraine parce qu'ils y sont contraints" est précisément l'objectif de la Semaine de la migraine, dont la 6e édition se déroule dans les pharmacies du 14 au 19 mai, comme nous l'explique le Dr Gianni Franco, neurologue au CHU UCL Namur Dinant.

La migraine est une véritable maladie, cérébrale et vasculaire

Car " non, la migraine n'est pas une ruse pour échapper aux devoirs de la vie, ou au devoir conjugal, clame ce spécialiste . Les migraineux ne sont pas des manipulateurs. Non, ce n'est pas une maladie psychosomatique. Et encore non, les migraineux ne sont pas d'emblée anxieux, dépressifs, voire perfectionnistes, même s'ils peuvent le devenir selon les circonstances. C'est d'autant plus perturbant que finalement les patients qui sont face à cette maladie migraineuse développent des comportements inadaptés. Qu'il s'agisse d'évitement: ils vont par exemple s'isoler dans une soirée parce qu'il y a trop de bruit. Ou des comportements avec des stratégies centrées sur les émotions négatives : 'Je suis un poids pour mes amis', 'J'empoisonne la vie de mon conjoint', etc. Tout cela aboutit à un isolement social, professionnel, culturel, à une focalisation sur la maladie et des appréhensions sur l'avenir".
A ce tableau noir, s'ajoutent les céphalées sur abus médicamenteux, comme nous l'explique encore le Dr Franco. "Etant donné que seuls 20% des migraineux consultent et bénéficient d’une prise en charge appropriée, la plupart abuse d'antalgiques, ce qui a pour conséquence d'entretenir la migraine, a fortiori si les médicaments sont à base de caféine ou d'opiacés. Autant de choses qui limitent l'autonomie et engendrent une moindre qualité de vie. C'est contre tout cela que l'on veut se battre".

Il faut comprendre ce qui se passe dans la tête du migraineux

L'étude révèle également que 34% des patients migraineux aimeraient que l'entourage fasse preuve de plus de compréhension. Pour cela, sans doute faut-il commencer par expliquer ce qui se passe dans la tête d'un patient migraineux. Et rappeler que la migraine reste une maladie chronique grave qui peut avoir un impact important sur la vie sociale. Environ 80 % des migraineux cachent leur maladie à leur employeur. Or, chaque jour, 400 personnes en Belgique ne peuvent aller travailler à cause de leur migraine.
"Il est donc essentiel de dire que la migraine est une véritable maladie, cérébrale et vasculaire, souligne encore le neurologue. Elle est d'autant plus difficile à cerner qu'elle est invisible et ne montre aucun signe alors qu'elle représente un inconfort douloureux et important. La migraine est un engrenage qui voit son siège dans un cerveau hyper sensible; la partie haute du tronc cérébral et l'hypothalamus. Lorsqu'ils sont stimulés par des facteurs déclencheurs propres à chaque migraineux, comme le bruit ou une mauvaise odeur, le cerveau enclenche un engrenage. Mis à l'épreuve par ces facteurs déstabilisants, le cerveau va s'enflammer et induire un tableau de dilatation et de constriction des artères intracrâniennes causant ainsi les différents symptômes d'inconfort qui caractérisent la migraine. La crise migraineuse est ainsi due au dépassement des mécanismes d’adaptation d’un cerveau hypersensible".

Une plateforme pour un plan d’action concret

Afin d’améliorer la qualité de vie des personnes qui souffrent de migraines et d’alléger la charge pesant sur celles-ci, la plateforme multidisciplinaire “Move for Migraine” travaille à l’élaboration d’un plan d’action concret, qui sera présenté en septembre 2018. Il s’agit d’une initiative de plusieurs acteurs, parmi lesquels des personnes souffrant de migraines et des parties prenantes issues du monde du travail, des soins de santé et de la société civile. Cette plateforme oeuvre à “mieux faire (re)connaître la migraine, ainsi qu’à identifier des points d’action pour améliorer la qualité de vie du migraineux et alléger la charge qui pèse aussi bien sur lui que sur son entourage et la société”. L’initiative bénéficie du soutien d’entreprises du secteur pharmaceutique et des équipements médicaux.

"C’est pour moi un réel soulagement de pouvoir raconter mon histoire au sein de la plateforme, explique Mik Ver Berne, de l’association flamande contre les céphalées (Vlaamse hoofdpijn vereniging). Grâce à la diversité des membres et à notre volonté commune de trouver des solutions pour les personnes souffrant de migraines, je me sens comprise et entendue. Et c’est de cela que nous, personnes migraineuses, avons vraiment besoin : être comprises et entendues".

La semaine de la migraine

Organisée dans le cadre de la Semaine de la migraine (du 14 au 19 mai, notamment via la distribution d'informations dans les pharmacies), la campagne de sensibilisation se concentre cette année sur l’impact émotionnel de la migraine et sur le sentiment de culpabilité qui y est souvent associé.

De l'étude réalisée auprès de 1000 patients belges souffrant de migraine, il ressort que:

Des amis qui se sentent coupables

1 personne sur 3 se voit contrainte d’annuler des activités en raison de cette maladie. 40 à 60 % d’entre elles en éprouvent un sentiment de culpabilité vis-à-vis des personnes concernées.

Près d’une personne souffrant de migraine sur 2 sort avec des amis moins qu’elle ne le souhaiterait (47,2 %). Et 3 sur 5 ont peur d’avoir une crise de migraine quand ils ou elles ont rendez-vous avec des amis (58,2 %).

Des parents qui se sentent coupables

Parmi les personnes qui ont des enfants, 1 sur 3 (29 %) manque de temps en temps des activités avec ceux-ci. Près de 2 sur 3 (62 %) en éprouvent de la culpabilité.

Près de 40 % des parents ont le sentiment de ne pas être une bonne mère ou un bon père. Près de 60 % disent ne pas pouvoir passer autant de temps qu’ils le voudraient avec leurs enfants.

Des conjoints qui se sentent coupables

1 personne atteinte de migraine sur 3 (33 %) cohabitant avec un partenaire doit parfois annuler des activités avec celui-ci. Plus de la moitié (53 %) de ce groupe en ressent de la culpabilité. 30 % des patients avec conjoint et/ou enfant(s) ont parfois le sentiment de laisser tomber leur famille lorsqu’ils doivent renoncer à des activités.

Plus de la moitié (51,1 %) estime que la maladie a une influence sur sa vie amoureuse et sexuelle. Un tiers (37,1 %) trouve que sa vie amoureuse et sexuelle n’est pas comme la personne le souhaiterait.

Des collègues qui se sentent coupables

Environ 2 Belges sur 5 (38 %) qui souffrent de migraine se sentent coupables vis-à-vis de leurs collègues lorsqu’ils ne peuvent pas achever leur travail en raison de la migraine.

40,5 % estiment que des crises de migraine hebdomadaires pèsent sur les possibilités de carrière.

Quelques chiffres encore

34 % aimeraient que l’entourage fasse preuve de plus de compréhension. 1 patient sur 2 reconnaît que le caractère invisible de la migraine est un facteur important dans ce manque de compréhension.

La moitié de ces patients indique n’en parler avec les autres que s’il n’est vraiment pas possible de faire autrement. 1 sur 5 se sent gêné lorsque le sujet est abordé.

Un tiers d’entre eux ne veut pas être un fardeau pour les autres.

1 Belge sur 5 souffre de migraine au cours de sa vie. La maladie est plus fréquente chez les femmes que chez les homme.

Plus d'infos : www.semainedelamigraine.be