Et si les chevaux pouvaient soulager bien des maux
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Publié le 29-06-2018 à 11h17 - Mis à jour le 29-06-2018 à 11h48
Ayman ne doit pas peser bien lourd. Mais pour hisser le gamin de 12 ans sur le poney, Anne-Lise, l’éducatrice, et Françoise, la kiné, ne sont pas trop de deux. Polyhandicapé et hypotonique, le jeune cavalier éprouve quelques difficultés à se tenir assis, droit sur sa monture. Qu’importe, il rit et en redemande encore quand ses deux accompagnatrices lui font des bisous dans le dos, dans le cou ou sur le "bidou".
Cela fait à présent quatre ans qu’Ayman se rend une fois par semaine au centre d’hippothérapie et au poney club situés dans le parc Solvay du château de La Hulpe. C’est là que, fondée en 1982, l’ASBL "Les Rênes de la vie" poursuit sa vocation de "développement physique, affectif et psychomoteur d’enfants valides et porteurs de handicap par la rencontre avec le cheval". A présent, quelque 250 enfants par an (dont 135 handicapés) participent à cette belle aventure d’inclusion.

Jeudi, c’était le grand jour. Celui du spectacle "Au pas, au trot, nos chevaux soignent les maux", organisé à l’occasion des 35 ans de l’association. Sur le dos de Kracotte, Clémentine, Lilou, Orus, Vanille, Maya, Toupie…, les enfants, souvent amenés jusqu’à la piste en voiturette, ont défilé, sauté les petits obstacles, montré aux parents, aux frères et sœurs présents, leur bonheur et les progrès réalisés après toutes ces séances d’hippothérapie.
Le mouvement du cheval stimule le tonus du tronc
"Lorsqu’il est en contact avec les chevaux, Ayman va mieux, nous dit sa kiné. Il a un meilleur tonus; le mouvement du cheval stimule le redressement du tronc. Aux niveaux psychomoteur et sensoriel aussi, on constate des bienfaits. Il y a le toucher du crin et des poils du cheval, les odeurs, la chaleur… Chaque enfant a ses propres objectifs, car chacun est différent. Souvent, les enfants lourdement handicapés développent une belle autonomie sur les chevaux."

Sous le regard attendri et admiratif de sa maman, Sefora affiche un sourire épanoui sur la piste. "Elle adore venir ici. On la sent heureuse dès qu’elle est en voiture, sur le trajet vers le poney club."
Quant à la fluette Laurana, "elle a fait beaucoup de progrès en trois ans, nous confie Caroline, ergothérapeute. Notamment au niveau de son équilibre. Elle se remet seule en selle. Elle a commencé à faire du trot et passer de petits obstacles."
Déguisés en Zorro, en cowboys, en indiens, en mousquetaires, pas peu fiers, 88 enfants - âgés de 4 à 18 ans - ont ainsi assuré le spectacle, deux heures durant. Des enfants "différents", comme les appelle Astrid Everarts de Velp, kinésithérapeute de formation et responsable équipe de terrain (voir ci-dessous). Les uns sont handicapés moteurs, les autres sourds, aveugles, présentant des troubles affectifs du comportement…

Une rencontre individualisée
"Encouragez-les, félicitez-les et contemplez le travail magistral accompli, car derrière chaque enfant, chaque accompagnant, chaque hippothérapeute et chaque poney se cache cette réalité : au pas, au trot, nos chevaux soignent les maux", dit au micro, Dimitri, bénévole, étudiant instituteur primaire qui présente et lance le spectacle. Les scènes se succèdent. De celle intitulée "L’adaptation", où l’on découvre "comment la rencontre avec les poneys peut être individualisée, particulière, créative", à la "Zinneke parade" où l’accent est mis sur la différence. "C’est grâce aux différences que l’enfant peut se construire, en harmonie avec lui-même et avec son cheval, poursuit l’animateur. Apprendre à construire son axe, son assise, son ancrage, tester ses limites. Le cheval est là pour les aider. C’est aussi le moyen pour ces enfants de rassembler les différentes parties d’eux-mêmes, de découvrir un équilibre dans leur corps en communion avec leur poney."
En Belgique, l’hippothérapie est une prise en charge thérapeutique, non conventionnelle, complémentaire aux soins médicaux, qui prend en considération le patient dans son entité physique et psychologique et utilise le cheval comme partenaire thérapeutique pour atteindre les objectifs fixés en fonction de la spécialité du thérapeute. L’objet du soin concerne les aspects psychologiques et/ou psychomoteurs de la personne prise en charge, et exclut les aspects physiologiques. Les séances sont le lieu de nouvelles stimulations sensorielles, d’éveil des compétences motrices, relationnelles, émotionnelles…
3 questions à Astrid Everarts de Velp, kinésithérapeute et responsable des équipes de terrain
1 Que peut apporter le cheval pour les différents types de handicap ?
Au niveau moteur, le fait que le cheval donne un mouvement régulier et rythmique, facilite indéniablement le travail du kinésithérapeute car dans tous les problèmes neuro-moteurs, pour aider l’enfant à se construire, il faut donner du micro-mouvement. Or pendant une séance d’hippothérapie, le cheval fait précisément cela pour nous. Si l’on arrive à bien ajuster le cheval au tonus de l’enfant, la spasticité lâche s’il faut qu’elle lâche, le tonus augmente si c’est nécessaire. Et donc les enfants qui se trouvent en voiturettes avec des sangles partout arrivent parfois à tenir tout seuls sur le cheval. Et ensuite, chez eux, sur une chaise ou dans leur parc. Il y a des petits miracles qui peuvent se passer au niveau moteur. D’autre part, le fait de pouvoir s’appuyer sur du vivant et non sur un mur ou quelque chose d’inerte dans un cabinet de kiné, c’est quand même autre chose !
2 Le fait que le cheval n’est jamais inerte est donc également important ?
En effet, cela permet de tester une série de réactions. Que faire quand il bouge ? Se refermer sur soi-même ou aller avec lui utiliser ses compétences motrices.
3 Et au niveau relationnel, que peut apporter l’animal ?
Le cheval s’adapte très bien au niveau des émotions et du mouvement. Pour nous, c’est un partenaire incroyable, car il fait cela beaucoup mieux que nous. En plus, le cheval est un animal égocentrique; il fait toujours les choses par rapport à lui-même. Et donc nous, avec notre empathie, notre manière de nous décentrer, de faire ce que l’on pense être bien, on se plante parfois dans les options prises au niveau thérapeutique. Contrairement au cheval qui ne peut pas se tromper car il agit tout le temps en fonction de lui. Si ce qui se passe entre l’enfant et le cheval est juste, c’est que ça l’est vraiment puisque le cheval ne fait pas les choses pour faire plaisir, mais parce que, pour lui, c’est cohérent. C’est donc un allié incomparable car si ce qui se passe est juste, on peut renvoyer à l’enfant qu’il a des compétences incroyables. On voit ainsi des enfants qui reprennent confiance en eux, par exemple. Et nous accompagnons cette interaction enfant/cheval, en mettant des mots dessus.