"On verra peut-être un jour des requins blancs à la mer du Nord"
On attend, encore, une fréquentation XXL au littoral ce week-end. Gare à vos enfants, qui ne s’y sont jamais autant perdus...
Publié le 04-08-2018 à 16h26 - Mis à jour le 04-08-2018 à 16h27
Francis Kerckhof, biologiste marin à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, analyse l’effet de la canicule et du réchauffement climatique sur la mer du Nord.
Le pays connaît de très fortes chaleurs ces dernières semaines. Quel impact sur la faune marine en mer du Nord ?
Vous parlez des dernières semaines, mais la mer se réchauffe depuis le début des années 1990. C’est un peu plus lent s’agissant de la mer, car son eau se réchauffe moins vite. Cela s’observe surtout en zone côtière : cela prend plus de temps en pleine mer.
À quoi peut-on observer ce réchauffement ?
Un exemple : la méduse à crinière de lion, qui faisait jusqu’à un mètre de diamètre, a disparu. Tant mieux pour les nageurs, car elle était dangereuse ! On a surtout vu l’arrivée d’espèces méditerranéennes en mer du Nord, et d’espèces exotiques. Prenez les huîtres japonaises, dont on disait auparavant qu’elles ne survivraient jamais dans une eau si froide. Aujourd’hui, elles sont partout en mer du Nord. Il y a aussi une espèce de crabe (NdlR : Liocarcinus vernalis) qu’on ne trouvait que dans la Manche. Désormais, on la trouve chez nous, et même au Danemark.
Quels problèmes pose la canicule actuelle ?
Pour les poissons adultes, ça va : ils peuvent se déplacer dans d’autres eaux. Mais là, avec une eau qui atteint une température de 23 degrés, on atteint peut-être la limite… Cela pourrait poser certains problèmes en termes de reproduction, mais il est trop tôt pour dire dans quelle mesure. Les algues vertes et rouges prolifèrent également. En réalité, la canicule pose moins de soucis dans nos eaux que les températures de plus en plus élevées qu’on enregistre en hiver. Car certaines espèces ont besoin d’une période de froid pour se reproduire.
Cela entraîne un changement de population de poissons ?
Nous avions en Belgique une situation très particulière, avec des poissons qu’on ne trouvait que chez nous. Par exemple le surmulet. Désormais, on le trouve aussi aux Pays-Bas et au Danemark. Nous avons aussi des bars, aujourd’hui. Ils sont remontés vers nos eaux, avec le réchauffement. Par contre, le cabillaud est en train de reculer plus au nord. La surpêche joue également un rôle. D’ici vingt ans, je crains qu’on ne trouve plus de cabillauds dans nos eaux. C’est un scénario envisageable. La situation est problématique également pour la crevette grise.
Les mammifères sont-ils impactés ?
Non, pour eux, 20 ou 23 degrés, ça ne change pas grand-chose. Et puis, en cas de besoin, ils peuvent se déplacer facilement vers d’autres e aux. Les populations de dauphins et surtout de phoques augmentent. Mais cela n’a rien à voir avec le réchauffement. C’est parce que nous avons pris des mesures de protection à leur encontre.
Et les grosses espèces de poissons ?
On observe un peu plus de requins avec le réchauffement. On n’en trouve pas encore dans nos eaux aujourd’hui, mais nous verrons peut-être également plus de requins blancs dans les eaux autour du Royaume-Uni et en mer du Nord, à cause de l’augmentation des populations de phoques. On ne parle pas d’une invasion, évidemment. Ils seront relativement peu nombreux, car nos eaux ne leur conviennent pas. Ce sont des animaux très mobiles, plus à l’aise au grand large.